Dépassements d’honoraires : malheur aux pauvres !

Le problème des dépassements d’honoraires oblige pour le comprendre à entrer dans le détail. Les Français, eux, en comprennent la conséquence : il va être de plus en plus difficile et coûteux de se soigner : malheur aux pauvres !

Cette question résume à elle seule l’étrangement dans laquelle la politique économique, monétaire et financière néolibérale plonge l’Assurance-Maladie dans notre pays.

Côté dépenses, il faut admettre que la médecine coûte et coutera de plus en plus cher, et avec elle toute la protection sociale. C’est la rançon du progrès technique et du vieillissement de la population. Cette augmentation des coûts exige une rationalisation du système qui n’est pas nécessairement synonyme de réduction de la qualité.

On notera néanmoins que ne sont que rarement évoquées les économies directes permises par les techniques en elles mêmes coûteuses mais plus efficaces, les gains économiques globaux résultant de l’allongement de la durée de vie, ni la création et le maintien des emplois de la santé.

La crise de l’Assurance-Maladie et son déficit chronique qui s’accélère est d’abord une crise de recettes. Le chômage de masse depuis trente ans, auquel la récession économique vient s’ajouter depuis 2008, étrangle les revenus de l’Assurance-Maladie qui continuent à peser essentiellement sur les revenus du travail.

Dans ces conditions, il est devenu progressivement impossible de rémunérer les professionnels de santé à un niveau correct compte tenu de leur qualification, de leurs responsabilités, de leur entrée tardive dans la vie professionnelle, des besoins croissants d’investissements et de temps consacré à la gestion administrative ou organisationnelle. Les revenus des professions de santé, non seulement des médecins mais de paramédicaux, se situent en moyenne en dessous de ceux de professions libérales ou techniciennes comparables. Sur l’échelle des revenus médicaux étudiée en 2007 dans les pays de l’OCDE, les médecins français se situent globalement dans une petite moyenne.

Les dépassements d’honoraires sont une création du gouvernement Barre en 1980, au tout début de l’entrée de la France dans la politique néolibérale.

Ils ont consisté à faire payer une part croissante des honoraires médicaux non plus par la solidarité de l’Assurance-Maladie, mais par chaque ménage , que ce soit directement ou par l’intermédiaire des Mutuelles , qui , il faut le rappeler énergiquement, ne sont pas un système de solidarité mais un système d’assurance individuel dont la qualité dépend du montant de cotisations.

Le phénomène a pris depuis une ampleur telle qu’il est devenu une des causes de la médecine à plusieurs vitesses et des “déserts médicaux” : pour s’assurer des revenus suffisants, les dépassements restant pourtant limités dans la grande majorité des cas , les médecins s’installent en priorité dans les zones solvables et désertent les zones plus pauvres, accélérant la spirale de la désertification des territoires.

Pour ne citer qu’un seul chiffre, ceux de l’Ile de France, on notera que la densité médicale pour 100.000 habitants, que ce soit en public ou en privé, est quatre fois plus importante dans la capitale que dans les départements de la grande couronne, qui regroupent 70% de la population de la région, alors même que ceux-ci disposent de moins de médecins que la moyenne nationale.

Que peut-donc proposer dans ces conditions un gouvernement qui fait de la réduction des déficits publics au prix d’une récession sans fin l’axe de sa politique ? D’un côté des bricoles : sanctionner les abus les plus criants et de l’autre faire surtout appel de façon sans cesse croissante aux mutuelles, au risque de les mettre dans des difficultés insurmontables sans relèvement substantiel de cotisations de plus en plus élevées. La hausse se situe en 2012 à plus de 5%. On notera au passage que la taxation fiscale supplémentaire des cotisations voulue par le gouvernement Sarkozy, et que la gauche avait à juste titre dénoncée, est toujours à l’œuvre, les élections étant derrière nous…

C’est donc clair : le gouvernement Hollande, comme celui de Sarkozy, a baissé les bras. Chaque famille française devra sans cesse davantage se soigner en fonction de sa richesse.

Pour en sortir il y a pourtant de nombreuses pistes :

  • transférer davantage les cotisations d’assurance-maladie vers la CSG afin de mettre à contribution les revenus du capital à égalité d’avec ceux du travail;
  • taxer aux frontières les importations provenant des pays qui développent l’esclavage humain et affecter une partie de ces taxes à la protection sociale ;
  • recréer de l’emploi et de la croissance en changeant de système monétaire : la récréation d’un million d’emplois industriels apporterai 10 Milliards de recettes à l’Assurance-Maladie, soit la moitié du déficit actuel;
  • rationaliser le système de soins notamment dans le domaine du médicament, où une économie de 10 milliards est également possible, ce qui permettrait de relever de 25 à 30 % les honoraires médicaux conventionnés.

C’est possible ! Mais on le voit bien : il faut entièrement changer de cap économique, monétaire, social.

François Morvan
Vice-Président de DLR et
délégué national à la Santé

3 commentaires sur Dépassements d’honoraires : malheur aux pauvres !

  1. Cher collègue,
    Très bien votre article, mais n’oubliez pas de dire que, tant sur le plan des honoraires que sur celui de la retraite, l’Assurance-Maladie ressemble de plus en plus à une véritable escroquerie commise contre les médecins libéraux, particulièrement les spécialistes. On peut du reste contester le nombre ou l’utilité de ces derniers, mais on doit rappeler que ce sont les pouvoirs publics qui les ont formés et qu’ils doivent, ces médecins, vivre de leurs travail encore quelques années… Du reste, grâce en partie, un peu, à eux, la médecine française n’avait pas, naguère, mauvaise réputation dans le monde…
    Ainsi, ma consultation de gynécologue-obstétricien – 13 années de formation professionnelle, et dans mon cas vingt à trente ans d’expérience – consultation qui dure en moyenne vingt minutes) est honorée, DEPUIS 1992 (DONC DEPUIS VINGT ANS), au tarif « conventionnel » à 23 euros, tarif que je me borne à demander aux patientes en CMU (près de 10% de la clientèle) ! Bien entendu, j’exerce en secteur 2 (honoraires libres) et je demande 40 à 50 euros pour la consultation de base, ce qui est exactement l’évolution du coût de nos charges combinée avec celle du coût de la vie en général. Pensez au coût du personnel de secrétariat ou d’entretien, au coût des échographes, de l’assurance de responsabilité civiles, etc. Si ce n’était pas le cas, je serais parti depuis longtemps vers l’hôpital exclusif.
    Par ailleurs tous les médecins libéraux savent que leur retraite (CARMF) vient d’être portée à 67 ans (!), et qu’elle est en passe d’être diminuée, – la CNAMTS ne tenant pas ses engagements conventionnels quant à la partie de cette retraite dite de l’ASV, – d’environ 15% et cela ne fait que commencer…
    Dans ces conditions, demandez-vous pourquoi 80% des jeunes diplômés choisissent l’exercice salarié de l’hôpital…
    Dr Jacques Kotoujansky
    (gynécologue-obstétricien en secteur libéral et également praticien attaché d’hôpital public)

  2. Il faudra aussi faire des économies sur les rémunérations des personnels : par exemple en supprimant l’ASV. Il n’est pas normal que les 2/3 des retraites complémentaires des médecins et autres professionnels de santé soient payés par l’assurance-maladie, sans parler d’autres avantages. La mienne, je l’ai payée avec mon argent !
    Quant à leur niveau de vie : il a davantage progressé que celui de toutes les autres catégories sociales depuis 5 ans !
    La « faiblesse » des rémunérations est toute relative : un médecin psychiatre salarié à la convention collective du 15 mars 1966, gagne environ 7000€ net en milieu de carrière pour 35 heures par semaine, soit 2 fois plus qu’un professeur agrégé et docteur, donc d’un niveau d’étude équivalent et pour un horaire de travail à peu près semblable.
    Par conséquent, ils peuvent faire des efforts

  3. Pour aller à l’essentiel ,inutile de démontrer une fois de plus que le système de santé français est désormais HORS CONTROLE.
    En effet ,comment expliquer qu’en mettant de plus en plus de moyens sophistiqués pour soigner les malades de plus en plus efficacement,qu’en augmentant sans cesse les recettes de la Caisse nationale d’Assurance maladie, qu’en augmentant sans cesse les cotisations des assurés sociaux, qu’en ayant institué des franchises de soins,de médicaments,qu’en ayant institué un parcours de soins pour les malades,qu’en ayant réorganisé la carte de santé,fixé des objectifs de dépenses aux hôpitaux etc,etc….comment expliquer qu’avec toutes ces mesures (dont la liste n’est pas exhaustive) l’équilibre entre recettes et dépenses n’est toujours pas approchée ,que le mécontentement des patients et des professionnels de santé ne cesse de croitre et d’embellir ?
    Nos praticiens publics ou privés sont ,sauf erreur de ma part, la clé de voûte d’un système de soins efficace et de qualité. C’est une histoire d’hommes et de femmes dont le niveau d’excellence doit être sans cesse recherché mais aussi périodiquement évalué. Ainsi tout acte superflu,de complaisance,mal prescrit ,mal effectué ,concourt en effet au creusement de la charge qui pése sur l’équilibre des comptes. Mais connaître son malade,le diagnostiquer correctement nécessite une juste motivation : d’abord professionnelle et ensuite économique. C’est aussi faire une place plus large à la prévention des maladies,des accidents de toutes sortes . C’est enfin responsabiliser d’avantage le patient au coût qu’il entraîne pour la société qui lui vient en aide 24hx24h au travers d’un système de soins performant qui ne peut plus se permettre les abus d’usage, voire de tolérer la fraude,de la part des uns et des autres.
    Qui donc va remettre un pilote dans le système de santé et ne pas confondre une fois encore buts et moyens ?
    Assurément les politiques sont les plus mal placés car ils sont tous peu ou prou les fervents défenseurs de la société d’économie mixte où se mélent interêts publics et interêts privés et où in fine personne ne contrôle plus trés bien ce qui se passe..

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