UE : les douloureux élargissements à venir
Turquie, Monténégro, Albanie, Islande, Croatie, Kosovo, Macédoine, Bosnie-Herzégovine et Serbie : le 12 octobre 2011, Štefan Füle, commissaire européen à l’élargissement et la politique de voisinage, a dévoilé les rapports de suivi annuels de la Commission européenne sur les neuf pays qui sont actuellement candidats à l’entrée dans l’Union.
Un aperçu des candidatures à l’adhésion à l’UE
Štefan Füle, qui a rédigé ces rapports [1] et fait des recommandations, est pris entre deux impératifs politiques. Le premier est de garder forte, pour les neuf candidats, la perspective de rejoindre de l’UE, afin de maintenir les incitations aux réformes. La seconde est d’être ferme avec les pays qui ne répondent pas aux exigences de l’UE en reportant la date de leur adhésion potentielle. L’Albanie et la Bosnie-Herzégovine ont connu ce sort, les progrès dans les réformes étant insuffisants.
La Croatie entrera dans l’UE à la mi-2013, et l’Islande, peu après, si toutefois, ses électeurs approuvent l’adhésion. Mais tous les autres candidats devront attendre beaucoup plus longtemps, au moins jusqu’à la fin de la décennie, avant qu’ils ne soient autorisés à adhérer. Les retards portent principalement sur des questions politiques plus que techniques et le pouvoir est visiblement passé de la Commission aux Etats candidats qui ne se laissent plus imposer aussi facilement des réformes.
Tour d’horizon de l’avancée des négociations et des rapports de force politiques.
Turquie, l’adhésion à l’UE reste-t-elle un objectif souhaitable ou envisageable pour elle?
L’année écoulée a été difficile pour les relations diplomatiques entre l’UE et la Turquie, qui est de loin le plus grand et le plus controversé des neuf pays souhaitant rejoindre l’Union.
Il est d’ailleurs difficile de considérer la Turquie comme un membre potentiel ou souhaitable. Sa puissance politique et économique fait que la Turquie a désormais moins besoin de l’UE que cette dernière n’a besoin d’elle. Le rapport de force s’est inversé et les récents rapprochements de la Turquie au Moyen Orient montrent que son ambition se tourne de moins en moins vers l’Ouest.
Pourtant, le rapport sur l’avancement des réformes de cette année est largement positif. Les élections de juin 2011, qui ont eu lieu sans irrégularités, ont vu le maintien de l’AKP au pouvoir, pour un troisième mandat consécutif. L’économie a connu l’une des plus fortes croissances dans le monde, même si les déséquilibres de sa balance extérieure pourraient menacer sa stabilité macroéconomique.
En dehors de la question chypriote, la Commission est critique sur la liberté d’expression, sur le nombre croissant de procès intentés contre des écrivains et des journalistes et sur les restrictions à l’accès à Internet.
La question phare de ces négociations reste la division de Chypre. Les pourparlers sur un règlement possible entre les Grecs de l’île et les Turcs sont en cours depuis trois ans, mais sans avancée majeure. Les Nations Unies, facilitatrices des négociations, ont déclarées à la fin du mois d’octobre que les deux parties étaient trop éloignées pour être en mesure de parvenir à un règlement cette année. La fin du processus de paix à Chypre signifierait la fin de la candidature de la Turquie qui, depuis 1974, occupe militairement un tiers de l’île.
Hydrocarbures: le bras de fer continue
Comme un règlement du conflit semble compromis, par sa faute, la Turquie a annoncé qu’elle rompra ses relations diplomatiques avec l’UE quand Chypre prendra la tête de la présidence tournante du Conseil en juillet 2012. De plus, elle conteste le droit souverain internationalement reconnu à la République de Chypre d’explorer des gisements d’hydrocarbures en mer dans sa zone économique exclusive.
En ce qui concerne les négociations d’adhésion, les relations de la Turquie avec l’UE sont suspendues. Plus de la moitié des chapitres de négociations sont bloqués, la plupart à cause de la question chypriote, mais aussi parce que la France et l’Allemagne ne veulent pas négocier sur des questions qui impliquent qu’un jour la Turquie pourrait être un membre de l’UE.
Jusqu’à présent, le gouvernement Erdogan, « modérément » islamiste et déterminé à réformer les institutions de l’Etat de la Turquie farouchement laïque, a joué le jeu de l’adhésion à l’UE, parce que les réformes exigées étaient dans son intérêt. Mais, de plus en plus, selon les diplomates, les réformes imposées pèsent et rendent le gouvernement moins enclin à se soumettre à l’UE, tant en raison de la réticence de l’UE elle-même et qu’en raison du pouvoir politique d’Erdogan dans son pays. Du reste, un refroidissement notable de l’enthousiasme diplomatique, des deux côtés, s’est fait jour depuis ce printemps.
Soulèvements arabes
Les événements dans le monde arabe, mais surtout en Libye et en Syrie, ont fourni à la Turquie le moyen d’accéder à un nouveau rôle stratégique dans la région. Après quelques hésitations, M. Erdogan et son gouvernement ont pesé de tout leur poids derrière les révolutions démocratiques et s’est révélé être le plus fervent partisan de la présence d’un Etat palestinien à l’ONU en septembre 2011. Ces deux changements diplomatiques risquent de créer des tensions avec Israël, son allié historique, et, sur la question palestinienne, avec les Etats-Unis.
Le gouvernement turc ne considère plus ses relations avec l’UE comme stratégiquement importantes, surtout à un moment où son économie est parmi les plus dynamiques au monde, avec une croissance prévue de 7,5% cette année.
Les préoccupations de la Commission sur la liberté de la presse ou l’indépendance de la magistrature demeurent et apparaissent justifiées et pertinentes.
Avec les négociations d’adhésion suspendues, l’UE devrait réévaluer la valeur stratégique de la Turquie et considérer un partenariat stratégique renforcé plutôt qu’une adhésion suscitant partout des réticences.
Le Monténégro, pressant
D’Etat quasi-voyou à Etat modèle, ce pourrait être le résumé du rapport de la Commission européenne sur les progrès effectués par le Monténégro.
La Commission européenne recommande que les membres de l’UE ouvrent des négociations d’adhésion avec le Monténégro qui a obtenu le statut de candidat en décembre 2010. Ce dernier doit accélérer la lutte contre la corruption et le crime organisé, réformer son système judiciaire et entreprendre sept autres réformes avant que les négociations d’adhésion proprement dites ne puissent commencer.
Une nouvelle loi électorale, essentielle pour l’UE, a été adoptée par le Parlement en septembre après d’âpres négociations avec les partis d’opposition de la minorité serbe. Cette adoption a été rendue possible par un compromis sur la loi sur l’éducation, qui a clos une longue bataille concernant le nom de la langue enseignée dans les écoles. Les élèves du Monténégro devront désormais étudier le « monténégrin-serbe / bosniaque / croate ».
Selon un recensement fait en avril, le Monténégro est peuplé de 625 000 personnes dont 45% de Monténégrins de souche mais le plus grand groupe linguistique est le serbe, formant 43% de la population.
Mesures anti-corruption
Les indicateurs macroéconomiques, du plus petit pays de l’Adriatique sont stables, mais des problèmes structurels persistent. En effet, le climat économique est affecté par « les faiblesses qui subsistent dans l’Etat de droit ».
Le 30 septembre, à Bruxelles, Duško Markovi?, le vice-Premier ministre en charge de la lutte contre la corruption, a présenté les mesures du gouvernement pour s’attaquer au problème. Le Premier ministre nouvellement élu Igor Luksic, a parfaitement saisi que la corruption est la principale préoccupation des Etats membres de l’UE. Son élection a d’ailleurs été très positivement perçue par les fonctionnaires de l’UE qui, nous le savons, sont les seuls et uniques responsables des négociations et de la gestion des élargissements.
L’Albanie, divisée et paralysée
Le statut de candidat à l’adhésion de l’Albanie a été bloqué pendant deux ans par les dissensions entre le gouvernement de centre-droit du Premier ministre Sali Berisha et l’opposition socialiste, dirigé par Edi Rama. Les divisions en l’Albanie ne sont pas ethniques, contrairement à d’autres pays des Balkans dont les négociations sont à la traîne, la Bosnie, la Macédoine et le Kosovo, mais sont le fait des politiques menées et d’une société divisée.
Dans les conditions actuelles, il y a peu de chances pour l’Albanie, qui a posé sa candidature en 2009, obtienne le statut de candidat. La situation s’est détériorée depuis que l’année dernière, en janvier 2011, quatre personnes ont été tuées, apparemment par des forces de sécurité, lors d’un rassemblement d’opposition à Tirana. De plus, les élections locales de mai ont été entachées par des irrégularités. Conséquence, la Commission a appelé l’Albanie à s’attaquer aux douze réformes constitutionnelles, électorales et parlementaires, dont elle a besoin avant que sa candidature ne soit acceptée.
Des réformes ralenties
L’Albanie a fait des progrès lents et inégaux sur les 12 priorités que la Commission européenne a présentées en 2010. Comme la Bosnie, le principal point positif a été la levée de l’obligation de visa pour les ressortissants albanais dans l’espace Schengen en décembre 2010. Toutefois, « les étapes essentielles » dans la réforme de l’administration publique n’ont pas été suivies, et le système judiciaire doit s’améliorer. La lutte contre le crime organisé s’est accélérée mais la corruption demeure un grave problème.
Une étude récente menée par l’Open Society Foundation Albania a constaté que le rythme des réformes s’est considérablement ralenti cette année. Sur les 102 mesures qui étaient censées être mises en œuvre en 2011, seulement 20% ont été complétées, comparativement à un taux de 57% en 2010, la plupart d’entre elles dans le domaine de la lutte contre la corruption et le crime organisé.
Islande : les eaux poissonneuses et les quotas de pêche posent problème dans les pourparlers d’adhésion
Dans son premier rapport d’avancement depuis que l’UE a ouvert les négociations d’adhésion avec l’Islande en juin, la Commission européenne a constaté que le pays a « bien avancé » sur son programme de réformes. Ces négociations sont simplifiées parce que l’Islande a mis en œuvre une grande partie de la législation européenne à travers son adhésion à l’Espace économique européen, qui lie l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège au marché intérieur de l’UE.
Les préparatifs pour l’ouverture de nouveaux chapitres sont en cours. L’UE a ouvert en juin quatre des 33 chapitres compris dans les négociations d’adhésion. Deux autres ont été ouverts en octobre, et d’autres sont attendus pour décembre. Ossur Skarphedinsson, le ministre des Affaires étrangères de l’Islande, a déclaré qu’il veut que la majeure partie des négociations soit abordée d’ici la mi-2012, dont les deux chapitres qui seront les plus problématiques, l’agriculture et la pêche.
Quémander l’approbation des réticents à l’adhésion
Bien qu’une majorité d’Islandais semblent en faveur de la poursuite des négociations, les partisans d’une adhésion effective sont encore une minorité, et ces chiffres ne risquent pas de s’améliorer avec la crise de la zone euro.
Les négociations vont être difficiles sur les questions concernant la politique de la pêche, de l’agriculture et de chasse à la baleine. Un accrochage avec l’Ecosse sur les quotas de maquereau a fait que le gouvernement britannique pourrait demander à la Commission européenne d’imposer des sanctions contre l’Islande. De plus, un différend quant à la responsabilité de l’Islande pour la perte des dépôts néerlandais et britanniques perdus dans la faillite des banques islandaises de 2008 et pourrait être résolu à l’amiable même si une action judiciaire se poursuit.
Conclusion, il existe un hiatus entre les politiques et les islandais, si les premiers sont en faveur d’une entrée dans l’UE, il n’est pas sûr que la population donne son accord à l’adhésion lors du référendum obligatoire qui aura lieu dès la fin des négociations.
La Croatie : le Traité d’adhésion sera signé à Varsovie le 19 Décembre.
Le Traité d’adhésion de la Croatie sera signé en Pologne le 19 décembre. La Croatie, le 1er juillet 2013, huit ans après son ouverture des négociations d’adhésion, devrait rejoindre la Slovénie en tant que deuxième république ex-yougoslave à entrer dans l’UE. Ce sera le cas si les Croates approuvent cette décision par référendum. Mais, avant cela, lors de l’élection générale du 4 décembre, ils rendront leur verdict sur le gouvernement de centre-droit du Premier ministre Jadranka Kosor et de son Union démocratique croate (HDZ), au pouvoir depuis 2003. Le gouvernement est impopulaire et son parti entaché par des scandales de corruption. Néanmoins, l’élargissement à cet Etat ne semble absolument pas remis en cause.
Kosovo : les violences à la frontière avec la Serbie continuent
En juillet et septembre, les violences meurtrières à la frontière entre le Kosovo et la Serbie, ont conduit à la rupture des pourparlers entre les deux parties. En effet, les négociations avec la Serbie, sous médiation de l’UE, avaient commencé et couvraient des questions bilatérales non directement liées au statut contesté du Kosovo comme pays indépendant. Mais, le dialogue a été rompu par la Serbie après que le Kosovo ait tenté de faire valoir son autorité sur les passages frontaliers contrôlés par elle.
La violence a rappelé que le Kosovo n’est pas un pays dans la norme. Pour la Serbie et cinq autre Etats membres de l’UE (Chypre, Grèce, Roumanie, Slovaquie et Espagne), le Kosovo n’est pas reconnu comme un Etat mais est uniquement une province serbe. Tant que cette position ne changera pas, et elle ne risque pas de changer, le Kosovo ne sera pas en mesure d’adhérer à l’UE.
Cette absence de perspective d’adhésion a eu un effet paralysant sur la capacité de l’UE à imposer au Kosovo des changements qu’elle considère comme universels. Néanmoins, l’UE estime que le Premier ministre Hashim Thaçi et son administration sont loyaux vis-à-vis des réformes imposées.
La Commission européenne note que les élections parlementaires et présidentielles de 2010, ont souffert de « graves lacunes et d’allégations de fraude ». De plus, le Kosovo n’a accompli « aucun progrès » en vue de devenir une économie de marché et de « d’importants défis » subsistent en termes de crime organisé et de corruption, alors même que l’administration publique est jugée « faible ».L’évitement minutieux dont fait preuve l’Union européenne sur tout ce qui concerne le statut du Kosovo, a conduit à une régression importante du soutien populaire à l’adhésion, adhésion qui reste de toute façon une question purement hypothétique dans les années à venir.
En conclusion, il demeure que nous faisons face à l’illusion occidentale que la situation dans les Balkans est réglée, alors que le nord du Kosovo à majorité serbe menace de proclamer son indépendance.
Macédoine: un nom qui fait grincer des dents
La Commission européenne devrait recommander, pour la deuxième fois consécutive, l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine. Et, tout comme l’année dernière, il y a peu de chance que les États membres ne donnent suite à cette recommandation. Tant qu’un différend portant sur son nom perdure avec la Grèce, la Macédoine ne pourra intégrer l’UE. La Grèce estime que le nom «Macédoine» implique une revendication territoriale sur sa province du même nom et la Macédoine prétend que la Grèce cherche à nier non seulement son statut d’Etat, mais l’existence même de la nation macédonienne.
La question du nom a eu tendance à occulter d’autres graves obstacles aux négociations d’adhésion. La politique est de plus en plus polarisée et les contrôles, exercés par le gouvernement Gruevski sont devenus plus visibles ces derniers mois. En août 2011, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe a constaté une « forte baisse » dans la liberté des médias en Macédoine.
La Macédoine reste un Etat corrompu et difficile à gouverner et l’Etat grec, de part sa position diplomatique, sauve les autres Etats membres d’une ouverture des négociations d’adhésion.
La Bosnie-Herzégovine lutte pour tenir ses engagements
Les dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine doivent faire face à un des plus sévères rapports d’avancement jamais publié par la Commission européenne. Le gouvernement a peu avancé sur les différentes réformes nécessaires afin de renforcer ses liens avec l’Union européenne. La Commission a lutté pour trouver un point positif à mettre dans son rapport. Un des rares points considéré comme positif par la Commission a été la levée de l’obligation de visa pour les ressortissants de Bosnie voulant se rendre dans l’espace Schengen.
Plus d’un an après une élection générale, la Bosnie est toujours sans gouvernement. Dans l’analyse de la Commission, c’est la preuve d’un manque d’accord sur la « direction générale et l’avenir » du pays. Mais même auparavant, les faibles institutions centrales de Bosnie étaient à la peine pour répondre à leurs obligations en vertu de l’accord de pré-accession, de stabilisation et d’association signé en 2008.
Beaucoup de projets de loi importants ont été bloqués par des vetos ethniques autorisés dans la Constitution, qui fait partie de l’accord de Dayton en 1995. Une grande partie de cette obstruction est due à la communauté serbe, impatiente de prouver que le gouvernement central est dysfonctionnel.
Malgré tout, la Commission européenne a confirmé qu’elle allait procéder à une aide de 96 millions d’euros en assistance à la préadhésion pour cette année.
La Commission a demandé à la Bosnie d’adopter trois réformes avant que toute demande de statut de candidat ne soit prise au sérieux: une loi sur les aides publiques, une loi sur le recensement, et des amendements à la Constitution pour supprimer les dispositions qui réservent certains postes, notamment la présidence collégiale, pour les membres des trois «peuples constitutifs»: les Bosniaques (musulmans bosniaques), Serbes et Croates.
Selon un initié, les dirigeants des principaux partis politiques sont proches d’un accord sur les deux premières lois dans le cadre de leurs négociations de coalition, mais ils sont encore divisés sur la réforme constitutionnelle.
Serbie : des progrès accomplis, mais toujours pas suffisamment pour avoir une date de début des négociations
La Commission européenne envoie un message nuancé à la Serbie avec le rapport de cette année. Elle recommande aux Etats membres de lui accorder le statut de candidat, mais aucune date n’est encore fixée pour le début des négociations d’adhésion. La Serbie a démontré qu’elle avait la capacité administrative suffisante pour faire face aux exigences d’une éventuelle adhésion à l’UE, indique le rapport, bien qu’un climat social tendu, exacerbé par un chômage élevé persiste ainsi que la crise économique persiste.
Le plus gros problème de la Serbie reste le Kosovo, dont l’indépendance est contestée mais aussi par cinq Etats membres de l’UE: Chypre, Grèce, Roumanie, Slovaquie et Espagne. Même si la reconnaissance du Kosovo n’est pas une condition préalable formelle à l’adhésion, la Serbie est obligée, par l’UE, d’établir et de maintenir de bonnes relations avec ses voisins.
La Serbie et le Kosovo se sont entretenus les 21 et 22 novembre à Bruxelles. Les négociations ont été laborieuses, n’aboutissant qu’à un accord sur la reconnaissance des diplômes universitaires et non sur la question sensible des postes-frontières.
La Commission et les États membres considèrent la Serbie comme une puissance régionale essentielle. D’ailleurs, les dirigeants des Etats membres de l’Union européenne se réuniront à Bruxelles le 9 décembre pour discuter de sa candidature. La Serbie pourrait alors rejoindre l’Islande, le Monténégro et la Turquie comme candidat officiel à l’adhésion à l’UE, mais devrait travailler dur pour répondre aux conditions exigées par l’UE pour l’ouverture des négociations d’adhésion. Au premier rang des exigences l’amélioration des relations avec le Kosovo.
Božidar ?eli?, le vice-Premier ministre en charge de l’intégration européenne, estime qu’il n’y a « absolument aucun doute que la Serbie mérite le statut de candidat », même si « certains Etats membres de l’UE veulent attendre étant donné la situation actuelle au Kosovo ». En effet, de violents affrontements ont éclaté, en septembre 2011, à la frontière entre le Kosovo et la Serbie quand des soldats de l’OTAN ont fermé un passage illégal. L’OTAN a déclaré que ses soldats ont agi en légitime défense après avoir été attaqués à l’explosif.
Conséquence, le 28 septembre, les négociateurs serbes à Bruxelles ont refusé de parler à leurs homologues du Kosovo en raison de l’incident, poussant l’UE à critiquer la Serbie pour l’abandon des pourparlers. Mais, le gouvernement se sent contraint par la nécessité de démontrer à ses électeurs qu’il tient bon face au Kosovo, une élection générale doit avoir lieu en avril ou en mai 2012.
Conflits encore en cours
De nombreux États membres sont impatients d’unir la Serbie, le pays dominant dans les Balkans occidentaux, à l’UE, et craignent des réactions nationalistes contre le gouvernement si les réformes engagées ne sont pas récompensées. S’il n’y avait pas le Kosovo, la Serbie serait candidate, les derniers obstacles ayant été levés : les deux derniers hommes recherchés par le TPIY Ratko Mladic et Goran Hadzic, ont été arrêtés. Le 26 septembre, l’Assemblée nationale serbe a adopté une loi sur la restitution qui permet aux personnes ou groupes dont les biens ont été confisqués par les dirigeants communistes de la Yougoslavie de récupérer leurs biens ou de recevoir des compensations.
La Gay pride interdite à Belgrade
Le gouvernement serbe a interdit le défilé de la gay pride en septembre afin d’éviter des perturbations, après que des groupes de droite aient menacé d’attaquer les manifestants. L’an dernier les 1 000 manifestants ont dû être protégés par 5 000 policiers anti-émeute.
La délégation de l’UE et les ambassadeurs des Etats membres ont exhorté le gouvernement à autoriser la manifestation et à répondre à ses obligations de protection des minorités. Mais le gouvernement est aux prises avec les tendances à la défense de la famille traditionnelle présentes dans les Balkans.
Füle pensait qu’il avait trouvé un compromis acceptable pour les Allemands: donner le statut de candidat à la Serbie mais conditionner les négociations à une « bonne conduite » sur le Kosovo. Mais l’Allemagne reste silencieuse et les élections présidentielles en France rendent caduc ce compromis.
PL – http://www.observatoiredeleurope.com/
Pays | Population | PIB/habitants en dollars (Banque mondiale) | Date de la première demande d’adhésion | Aide à la préadhésion – 2011 (en millions)[2] | Aide à la préadhésion – 2012 en millions)[3] |
Turquie | 72 520 000 | 12300 | 14 avril 1987 | 779,9 | 860,2 |
Monténégro | 625 000 | 13 086 | 2008 | 34, 0 | 35,0 |
Albanie | 3 149 000 | 8 717 | 2009 | 94;4 | 94, 6 |
Islande | 319 000 | 39 025 | 2009 | 12,0 | 12, 0 |
Croatie | 4 443 000 | 13 720 | 2003 | 156,5 | 156,2 |
Kosovo | 2 070 000 | 6 600 | – | 68,7 | 68,8 |
Macédoine | 2 039 000 | 4 431 | 2004 | 98,0 | 101,2 |
Bosnie-Herzégovine | 3 843 000 | 6 600 | – | 107,4 | 107,9 |
Serbie | 7 425 000 | 11 894 | – | 201,2 | 202,1 |
[[1]]Documents de référence, Commission européenne : http://ec.europa.eu/enlargement/press_corner/key-documents/reports_oct_2011_fr.htm [[2]] http://ec.europa.eu/enlargement/index_en.htm [[3]]http://ec.europa.eu/enlargement/index_en.htm
La faute et l’erreur
Adoptée par les députés le 22 décembre, la proposition de loi réprimant la contestation des génocides – dont le massacre d’arménien – est une grosse bêtise. La question n’est évidemment pas de savoir s’il y a eu, en 1915 dans l’ex-empire ottoman, massacres – personne en France n’en doute sérieusement – mais si c’est le rôle du Parlement de fixer une vérité historique et celui de la justice de la sanctionner ceux qui la contestent. Pour des raisons purement électoralistes, on s’est engagé dans cette voie, ajoutant à la faute sur le principe une erreur politique. En 2008, tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale avaient approuvé les conclusions d’une mission parlementaire appelant à « renoncer à la loi pour porter une appréciation sur l’histoire ou la qualifier, a fortiori lorsque celles-ci s’accompagnent de sanctions pénales ». Et pourtant, la preuve est malheureusement faite que ces lois « mémorielles » ne servent ni à décourager les négationnistes, ni à favoriser les réconciliations. Même excessives, les réactions turques au vote des députés français sont compréhensibles. Qu’aurions-nous pensé d’une loi votée par le Parlement israélien, sanctionnant pénalement toute contestation du rôle joué par la police française dans la déportation des Juifs sous Vichy ? Ce brillant résultat est d’autant plus stupide qu’il n’est même pas sûr que cette loi sera reconnue constitutionnelle. Au total, on se fâche avec la Turquie – avec de sérieux dommages – on risque de décevoir les Arméniens, on réactive le principe pervers d’une histoire écrite par les politiques et on bloque la timide évolution a Ankara sur le dossier arménien. Tout cela pour séduire des électeurs dont la plupart ne se détermineront pas, dans l’isoloir, en privilégiant leur appartenance communautaire. Alain Juppé l’a dit avec le sens de la litote qu’impose sa fonction : « cette proposition de loi n’était pas opportune ». En clair, c’est une belle connerie.