Martine Aubry et François Hollande s’égarent au FMI

Ce week-end les deux principaux dirigeants socialistes ont eu un moment de faiblesse et ont approuvé la candidature de Christine Lagarde au FMI. Retour sur une erreur de jugement qui rappelle de mauvais souvenirs.

hollande_aubry

Dimanche midi, Martine Aubry stupéfiait d’une phrase les téléspectateurs de gauche, en adoubant, il n’y a pas d’autre terme, la candidature de Christine Lagarde à la direction générale du FMI. Sur France-2, la première secrétaire du PS trouvait que la nomination de la ministre de l’Economie à Washington« serait une très bonne chose pour notre pays et pour l’Europe ». Et de s’expliquer : « Si l’Europe peut avoir ce poste et si une Française peut l’obtenir, je crois que cela serait une très bonne chose pour notre pays et pour l’Europe  (…)Mme Lagarde, au-delà des divergences que l’on peut avoir je pense à la politique économique, à ce qui est fait en matière salariale et le pouvoir d’achat , est une femme respectable ». François Hollande n’était pas loin non plus, affirmant sur RTL : « sur la personne (de Christine Lagarde), je n’ai aucune réserve sur la compétence ».

Et voici qu’en un week-end, Martine Aubry et François Hollande, l’un déjà candidat à la primaire, l’autre s’apprêtant à l’être, effaçaient deux combats menés par son camp. Le premier tient à la « respectabilité » de Christine Lagarde. Outre les quelques casseroles révélées récemment, comme le licenciement de Lynda Asmani, pas assez dans la ligne de l’UMP pour travailler à Bercy, Christine Lagarde est sous le coup d’une enquête lourde sur l’abus de pouvoir éventuel dans l’affaire Tapie, qui a permis à « Nanard » d’empocher 230 millions d’euros nets, aux dépens des contribuables. Martine Aubry a semblé ignoré que le renvoi devant la cour de justice de la République, dont la commission des requêtes dira le 10 juin prochain s’il y a matière à poursuivre, est consécutif à l’action menée par neuf députés dont Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée d’une part, et d’autre part par Didier Migaud, premier président de la cour des comptes, et socialiste.

Le second combat, plus général, tient à l’orientation de Christine Lagarde. On oublie, tant Nicolas Sarkozy capte toute l’action gouvernementale à son profit, que la ministre est une des plus libérale que la Vè République ait connu.

Il suffit de se rappeler que récemment encore elle prônait la suppression de l’ISF, et qu’elle s’est débrouillée pour tordre la directive européenne sur les bonus des banquiers dans un sens favorable à ses derniers. Le député écologiste Pascal Canfin rappelait dans Marianne que Bercy s’était opposé au niveau européen à une meilleure réglementation de la spéculation sur les marchés, et avait imposé ses vues. Christine Lagarde est intelligente, charmante, parle un américain excellent, mais c’est aussi une femme politique, avec des convictions.

Jérôme Cahuzac, président socialiste et strauss-kahnien, de la commission des finances de l’Assemblée, interrogé par Marianne2.fr met en garde : «  avant d’approuver sa candidature, posons les bonnes questions : va-t-elle continuer à faire prévaloir les idées de régulation que portait DSK au FMI ? Je n’en suis pas sûr. Et pour être plus précis encore : dans la crise actuelle en Europe est-elle pour l’augmentation de l’impôt sur les sociétés en Irlande, pour la mise à contribution de la propriété foncière de l’Eglise orthodoxe en Grèce ? »

Alors comment expliquer chez les deux dirigeants socialistes une telle tolérance à Christine Lagarde. Les proches de Martine Aubry expliquent que son intervention n’était pas préparée sur ce sujet. Elle aurait été surprise, et la prise de parole de Benoît Hamon, très critique le lendemain, et avec son accord, montre qu’elle avait pris conscience de l’enjeu. Ceux de Hollande pointe la « réserve » exprimée sur « l’orientation ». Un simple bug, donc chez des socialistes un peu sonnés par l’affaire DSK. « Vous comprenez, glisse l’un d’entre eux, comme c’est l’un des nôtres qui est à l’origine de cette pagaille, cela nous interdit d’être trop critiques sur son successeur ».

L’autre explication est hélas plus convaincante : d’un coup on a vu revenir les mauvais réflexes de la « gauche de gouvernement ». L’idée qu’étant « présidentiable », il faudrait être capable de sacrifier les principes politiques (la différence entre une politique ultra libérale et une politique social-démocrate) sur l’autel de « l’intérêt général » de la France qui ne doit pas laisser échapper un poste prestigieux que son élite squatte depuis de dizaines d’années ou que le concert des gouvernants européens mérite toujours d’être entendu avant la rumeur des peuples. On se croirait renvoyé 13 ans en arrière, lorsque Jacques Chirac, Lionel Jospin et DSK, appuyaient en 1998 la nomination du néerlandais Wim Duisemberg à la présidence de la BCE, en parfaite connaissances de ses orientations très libérales, parce qu’elle permettait quatre ans plus tard au français Jean-Claude Trichet d’occuper le poste. Déjà on avait assisté à un consensus national derrière un candidat pour le moins controversé ! Il vaudrait mieux, pour la gauche, qu’elle de reproduire la même bourde.

 

4 commentaires sur Martine Aubry et François Hollande s’égarent au FMI

  1. Claude Timmerman // 26 mai 2011 à 10 h 36 min //

    Je crois que la question de l’affaire LCL / Tapie est toujours médiatiquement présentée de façon partielle.
    De là à dire que cette présentation est partiale, il n’y a alors évidemment qu’un pas…
    Car la question n’est pas de savoir comment le sulfureux monsieur Tapie a été ainsi « indemnisé », mais bien de savoir POURQUOI!
    Là, la réponse est claire et a été évoquée alors dans certains médias, mais curieusement très brièvement : pour permettre à monsieur Tapie de désintéresser ses créanciers!
    La presse financière, sans citer personne, évoquait alors que sur les 300 millions d’euro « rendus » à monsieur Tapie par le Crédit Lyonnais, il lui en resterait environ 28 en propre (de quoi tout de même se préparer une bonne retraite).
    La question est donc bien celle de potentielles accointances gouvernementales avec les créanciers de Tapie…
    Christine Lagarde n’a sans doute pas une tête à « être une amie de Bernard Tapie », mais a peut être la tête d’une alliée de ceux qui se sont associé à Tapie dans des montages financiers douteux et qui sont bien heureux grâce à Lagarde de récupérer leurs billes…
    Ajoutons à cela la déclaration rassurante encore dans toutes les mémoires de notre championne supporter inconditionnelle de la finance internationale lorsque la crise a éclaté:
    « Nous sommes responsables de la crise: il ne fallait pas laisser sombrer Lahmann-Brothers! Si on l’avait alors renflouée, si cette banque n’avait pas fait faillite, la crise n’aurait jamais éclater » (sic!)
    Alors? Christine Lagarde à la tête du FMI sera-ce le meilleur moyen de lui faire financer – ou garantir – à l’avenir les frasques financières américaines?
    P

  2. Jean-Dominique GLADIEU // 26 mai 2011 à 9 h 49 min //

    Sur l’affaire Tapie, je suis un peu comme Ghis : je voudrais plus d’informations car je ne comprends pas grand chose aux histoires de gros sous.
    Toutefois, sans parler du fond de l’affaire, il me semble que ce litige aurait du être tranché par un tribunal rendant sa sentence « au nom du Peuple Français » que par une instance d’arbitrage rendant de fait une justice privée ?

  3. J’aimerai quand même, dans un site se voulant respectable et dans la ligne de CDG que l’on m’explique l’affaire Tapie en détail.

    Il me semble clair que l’état a d’une manière ou d’une autre dépouillé BT de son capital au travers d’une opération tortueuse. Au profit du contribuable.

    Après des péripéties judiciaires, dans lesquelles, sans porter de jugement sur leur bien fondé, je ne puis que reconnaître l’obstination de BT et une résistance dont la pensée qu’elle est supportée par la lutte contre l’injustice m’effleure.

    Donc, quand finalement, d’une manière ou d’une autre, il est reconnu que BT avait été spolié de ses biens, et qu’on lui rend ce qui lui est du, il est normalque ce soit le contribuable qui paye, puisque dans une démocratie, les actions des élus sont acceptées par leurs électeurs. (que les mêmes électeurs soient responsables est une autre question à laquelle Churchill a répondu).
    Qu’en plus, la complexité des voies du droit (je n’ai pas dit de la justice) fasse qu’il soit préférable d’aller au plus vite pour le rembourser peut se comprendre surtout quand il apparaît comme évident que l’état est coupable.
    Qu’ensuite BT se dépêche de mettre ces fonds à l’abri à malte, cela peut se comprendre, un revirement est toujourspossible dans un état de non droit comme la F.

    Je ne suis vraiment pas certain d’avoir tout compris, mais des faits et arguments étayés seraient bienvenus.

    Quant à l’approbation de CL à la tête du FMI par les deux schnocks du PS, faut il en déduire qu’ils ont l’intérêt du pays en tête ( ou même de l’europe, car le brésil nous serait moins favorable), ou mesquinement, est ce un début de marché avec la droite ?

  4. Le tournant « libéral » à Bruxelles a été piloté par un homme que l’on a trop tendance à oublier : Jacques Delors qui a présidé la Commission pendant presque 10 ans. Le père de Mme Aubry.
    De son « règne » datent les principales directives sur la concurrence libre et non faussée, l’Acte Unique de 1986, la préparation de la monnaie unique et la destruction – consécutive à la mise en œuvre de l’idéologie libérale- des services publics à la française. (La Poste, France Télécom, EDF-GDF , l’éclatement stupide de la SNCF… )

    Ce prince de l’ombre, redoutable politicien, a sacrifié toutes les valeurs économiques et sociales de la gauche sur l’autel d’une obsession forcenée qu’on pourrait appeler l « intégration européenne à tout prix ». (A coup de millions de chômeurs et d’Euro trop fort l’Union paye d’ailleurs depuis longtemps le prix de cette politique !)…

    On le voit, la connivence (sur le fond !) des « libéraux » de gauche Aubry, Hollande etc et des « libéraux » de droite Lagarde, Sakozy et les autres n’étonne donc que ceux qui veulent bien s’étonner.
    Le bon peuple lui désigne cette collusion par une expression très parlante : l’UMPS.
    Mais chut ! Ne la répétez pas. Il parait que ce sont des propos de café du commerce !!!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*