Le « pari pascalien » de Jean-Pierre Chevènement
La France, qui en fut la pionnière en 1789, devrait être celle qui comprend le mieux et en profondeur l’aspiration de chacun des peuples a être lui-même dans l’indépendance et la démocratie. Elle devrait être la première à faire de ce drapeau la pierre angulaire d’un modèle alternatif aux folies des visions impériales américaines et aux chimères technocratiques de Bruxelles qui veulent gérer le continent européen depuis un conseil d’administration anonyme qui penserait le bien sans les peuples. Dans sa vision de grande ampleur du défi du XXI° siècle, Jean-Pierre Chevènement montre que c’est la compréhension de cette dynamique dans chacun des pays du monde, où l’aspiration nationale ne doit pas être confondue avec sa perversion nationaliste, qui peut conduire à un nouvel équilibre multipolaire. Il nous montre le chemin à suivre pour que l’Europe existe enfin par elle-même, en particulier par l’existence d’une défense commune et indépendante, et où les rapports d’alliance durable entre la France et l’Allemagne restent une pièce essentielle.
· Par François MORVAN – Vice-président de Debout la République
Dans “La France est-elle finie ?”, Jean-Pierre Chevènement nous livre une somme de sa réflexion, forgée dans l’action depuis plus de cinquante ans, et qui emporte la conviction par sa vue synthétique de l’histoire du pays dans sa relation au monde et à l’Europe.
Au moment où la France, depuis trente ans, voit ses élites renoncer à elle, c’est partout que l’aspiration à une citoyenneté égalitaire fondée sur la Nation se répand et s’approfondit : si le danger totalitaire islamiste demeure, c’est d’abord ce que nous voyons à l’œuvre dans la révolution qui traverse le monde arabe.
La France, qui en fut la pionnière en 1789, devrait être celle qui comprend le mieux et en profondeur l’aspiration de chacun des peuples a être lui-même dans l’indépendance et la démocratie. Elle devrait être la première à faire de ce drapeau la pierre angulaire d’un modèle alternatif aux folies des visions impériales américaines et aux chimères technocratiques de Bruxelles qui veulent gérer le continent européen depuis un conseil d’administration anonyme qui penserait le bien sans les peuples. Dans sa vision de grande ampleur du défi du XXI° siècle, Jean-Pierre Chevènement montre que c’est la compréhension de cette dynamique dans chacun des pays du monde, où l’aspiration nationale ne doit pas être confondue avec sa perversion nationaliste, qui peut conduire à un nouvel équilibre multipolaire. Il nous montre le chemin à suivre pour que l’Europe existe enfin par elle-même, en particulier par l’existence d’une défense commune et indépendante, et où les rapports d’alliance durable entre la France et l’Allemagne restent une pièce essentielle.
Mais la France est, depuis le départ de Charles De Gaulle, aux abonnés absents. Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ont été les présidents successifs du renoncement. En disséquant le parcours emblématique de François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement, dans une “tentative quasi spéléologique d’élucidation de notre histoire” fait remonter comme d’autres l’atonie française à la saignée monstrueuse de la première guerre mondiale, qui place la France en position de vainqueur épuisé, qui ne veut plus parce qu’il ne peut plus, conduisant à l’effondrement prévisible de Juin 1940. C’est dans la continuité de ce désastre que se réinstalle au sein des élites françaises, mais aussi dans une partie du pays le plus profond, ce sentiment que l’avenir est dans un au-delà de la nation française, réduite à ses échecs, et avec laquelle il ne faudrait plus compter. Les yeux de Chimène pour l’étranger, hier Berlin ou Moscou, aujourd’hui Bruxelles et Washington, sont ainsi venus renouer durablement avec l’envie des élites fortunées, jamais refermée depuis 1789, de laisser à son sort un peuple qui avait osé décapiter la royauté et ses privilèges. Jamais la République, et peut-être est ce là son défaut et sa grandeur, ne peut rien considérer comme acquis. A chaque fois qu’elle baisse la garde, c’est le réflexe oligarchique de l’ancien régime qui recommence son travail de sape, puissamment encouragé à notre époque par le caractère profondément corrupteur de la financiarisation mondiale de l’économie.
Ainsi s’explique pour Jean-Pierre Chevènement la conversion rapide de François Mitterrand à l’Europe comme substitut au destin français, qui le fait passer du programme commun de la gauche de 1981, hérité du programme de 1945, à la “lettre aux Français” de 1988, vague catalogue de bons sentiments, mais où le seul horizon est l’Europe à tout prix. Dans cet abandon de ses racines, la France s’est alors laissée dictée par l’histoire la forme de l’Europe d’aujourd’hui : une économie régie par la projection dans l’Euro du Mark allemand issu de la réunification et le protectorat américain pour la stratégie et la défense. Coller quel qu’en soit le prix à une Allemagne dont la force retrouvée semblait devoir nous condamner à renoncer à tout partenariat équilibré, respectueux des intérêts et des trajectoires de chacun : tel fut le “pari pascalien” de François Mitterrand. Mais à la différence de celui de Pascal, pour qui croire en Dieu, qu’il existe où non, n’apportait que des bénéfices, celui de François Mitterrand s’est avéré perdant, parce que l’Allemagne, elle, a retrouvé confiance en elle-même et en ses propres intérêts.
Jean-Pierre Chevènement trace ainsi ce qu’il reste à faire pour inverser le courant faute de voir la France, et avec elle l’Europe, s’effacer d’un monde dont le centre de gravité bascule de l’Atlantique au Pacifique. A l’intérieur redresser l’Etat, la puissance publique, et avant tout l’Ecole et la recherche. En Europe, redonner à l’Euro un statut de monnaie commune et non plus unique, capable de respecter les différences de rythme d’économies aussi disparates que celles de la Grèce, de l’Italie, de la Péninsule Ibérique , du Nord de l’Europe, de la France et de l’Allemagne, à condition toutefois, ce à quoi Jean-Pierre Chevènement n’est pas encore résolu, à utiliser sans hésitation l’option de la sortie pure et simple du système comme une arme dans cette direction et non comme une issue de secours . Une Europe redressée, basée sur ses nations, fonctionnant à géométrie variable, dotée d’une politique indépendante de défense, retrouverait alors toute sa force pour être un puissant facteur d’équilibre entre les USA, la Russie, la Chine et l’Inde. Il reste cependant à Jean-Pierre Chevènement sa part de contradiction qui constitue son propre pari pascalien : faire d’une gauche refondée l’axe de ce redressement.
D’un côté, il affirme que la France doit “inventer la République du XXI° siècle par delà une gauche et une droite également dissoutes dans le bain acide du néo-libéralisme.” Force lui est de constater que “seul un homme qui ne venait pas de la gauche [ François Mitterrand ] pouvait faire l’union de la gauche”. Et lorsqu’il s’exclame que “si le programme du CNR en 1944, n’était pas un programme de gauche, je ne sais pas ce que c’est ! “, on peut ajouter que là aussi, ce ne fut possible que par l’action de Charles De Gaulle qui ne sortait pas de ses rangs.
Mais bien qu’affirmant que “la gauche républicaine, aujourd’hui, doit se dépasser pour trouver des alliés”, il ne l’envisage en pratique qu’avec un Parti Socialiste qui refermerait enfin la “parenthèse libérale” ouverte en 1982-1983. Comment croire à cette perspective alors que se profile la candidature à la présidentielle de Dominique Strauss-Kahn ?
Le bilan de la gauche que tire Jean-Pierre Chevènement et de ses “trous noirs” (la Nation, la transmission des valeurs) pèche par manque d’exhaustivité. L’idée que le Parti Socialiste pourrait en revenir à un avant-Maastricht pour rebondir se heurte à tout son passé, comme à celui de la gauche dans son entier.
L’affirmation selon laquelle les socialistes, qui n’ont combattu qu’en “paroles” la perspective de la première guerre mondiale, n’y ont “au moins pas contribué” est aussitôt démentie par Jean-Pierre Chevènement lui-même lorsqu’il rappelle le vote sinon unanime, en tout cas largement majoritaire des socialistes en faveur des crédits de guerre de part et d’autre du Rhin.
Faut-il rappeler que la non-intervention en Espagne voulue par le gouvernement Léon Blum, à renforcé le sentiment d’impunité du fascisme ? Faut-il repréciser que les pleins pouvoirs à Philippe Pétain furent votés par une chambre Front Populaire ? Si le parti communiste a en effet joué un rôle national courageux en ne montant pas aux extrêmes à la Libération et en contribuant au gouvernement d’union nationale, faut-il pour autant en oublier son rôle désastreux à l’époque du pacte germano-soviétique ? Et faut-il rappeler sa part dans l’avènement d’Hitler en Allemagne lorsque les socialistes étaient partout en Europe son ennemi principal ? N’est ce pas la gauche, François Mitterrand y compris, et si l’on en excepte la haute figure de Pierre Mendès-France, qui a empêtré la France dans la tragédie des guerres coloniales avant que De Gaulle, précisément convaincu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ne vienne l’en extraire ?
L’histoire de la gauche, aussi bien française qu’internationale, est bien celle de renoncements à répétition, qui rend son tournant ultralibéral des années quatre-vingt interprétable autrement que comme un accident de parcours.
Il est frappant de voir que Jean-Pierre Chevènement, qui analyse si remarquablement l’effet accélérateur de la chute du Mur de Berlin sur la dynamique européenne au profit de l’Allemagne d’Helmut Kohl, ne semble pas en voir la portée dissolvante sur la gauche elle-même. Si la gauche d’avant-guerre a survécu au-delà, ce n’est que par l’effet congélateur de la guerre froide, qui, paradoxalement, servait à maintenir le mythe du socialisme, même dévoyé, et permettait au Parti Socialiste d’exister comme alternative démocratique au Parti Communiste. Dans le même temps, la guerre froide, dans laquelle l’Europe de l’Ouest était en ligne de premier front, imposait pour les Etats-Unis d’Amérique qu’elle restât un modèle de démocratie face au totalitarisme. Sur ce plan, la survivance du débat « droit-gauche » des années trente faisait partie de la vitrine. L’URSS disparue, le capitalisme mondial n’avait plus besoin de sauvegarder les apparences et a donc entrepris de remettre la politique de l’Europe occidentale à l’heure américaine, acquise au système dans toutes ses composantes.
Le fond du problème est énoncé par Jean-Pierre Chevènement lui-même : “il n’y a rien d’autre à retenir de Karl Marx que la méthode d’analyse”. Si le socialisme auquel il fait pourtant encore référence, se résume alors à cette méthode d’analyse et n’est plus alors qu’une aspiration à l’égalité sociale, il se fond en effet dans la perspective républicaine, mais en perdant toute sa spécificité qui était l’idéal utopique d’une société non marchande, où les moyens de production étaient collectivisés, et dont l’échec planétaire n’a pas peu contribué au triomphe en retour du néo-libéralisme comme idéologie de la concurrence darwinienne.
Et si le clivage gauche/droite est aujourd’hui entretenu, on ne voit bien qu’il n’est plus qu’un théâtre d’ombres portées destiné à faire croire aux citoyens qu’ils ont un autre choix que celui entre le pareil et le même. Au XX° siècle, lorsque la France est sortie de l’ornière, ce fut sous la conduite d’un homme qui avait su transcender ce clivage et de ce fait rassembler autour de lui les uns et les autres, au gouvernement en 1944, dans les urnes en 1958 et en 1962.
On entend souvent dire qu’une telle alchimie n’est possible qu’en des circonstances exceptionnelles et sous la conduite de personnages hors du commun. Faudrait-il alors attendre les catastrophes et des deus ex-machina pour que la France se survive ? Il semble tout au contraire qu’il faille admettre jusqu’au bout les leçons de l’histoire et prendre toute la mesure du fait qu’elle ne se répète qu’en farce. Le peuple français est suffisamment mature et éduqué sans qu’il soit besoin d’attendre les catastrophes pour lui proposer une alternative véritable : un rassemblement gaulliste et républicain, capable de réunir ce que la droite et la gauche ont eu de meilleur, pour que la France poursuive son histoire. Tout le système politique et médiatique s’y oppose ? C’est l’hommage du vice à la vertu.
Si ce n’est son “pari pascalien”, le livre de Jean-Pierre Chevènement, comme Jean-Pierre Chevènement lui-même, nous encouragent à poursuivre dans cette voie.
Mais comme disait le Général De Gaulle « on ne fait pas de politique en dehors des réalités »
Et cette réalité est bien triste.
L’analyse de M. Morvan est tout à fait pertinente le choix politique n’est plus droite gauche mais républicain libéralà ce titre l’annonce de Marine Le Pen en tête au premier tour interpelle que propose t elle si l’on mets de côté ses frasques racistes (partiellement voire totalement reprise d’ailleurs par les Hortefeux et consorts) de remettre de l’état dans la société de dire non à cette europe qui fait peur au citoyen de base à laquelle il avait dit non clairement
Le virage idéologique du Front National est clair libéral sous le pére protecteur et social sous la fille attention !!! le danger existe je n’ose pas imaginer la castastrophe historique pour la France que la première présidente soit d’un parti d’extrême droite le sarkosysme nous aurait entraîner au delà du pensable !!!
Comme d’habitude, François nous livre une analyse claire et rigoureuse, débouchant sur une critique raisonnée de la position actuelle de JPC, quasi-« schizoïde » : d’un côté on fait le bon diagnostic, de l’autre on refuse d’en tirer les conséquences thérapeutiques, à savoir une alliance avec DLR, qui est le seul parti à porter haut les couleurs du programme du CNR de 1945, donc celles de la France. Le mot « gauche » est prononcé tel un mantra, même s’il n’a plus de contenu réel. Et pourtant, JPC est à 90 % sur la même ligne que NDA. Elle aurait bien fière allure, pourtant, cette alliance entre DLR et des composantes du MRC, entre De Gaulle et Jaurès !…