A Marseille, manifestation contre «les généraux assassins»

A Marseille, ils étaient entre 400 et 500 à participer samedi après-midi à une marche de solidarité avec le peuple algérien organisée par le tout jeune collectif Solidarité Maghreb (soit dix fois moins environ qu’au lendemain de la chute de Ben Ali où la manifestation avait rassemblé près de 4000 personnes). Au même moment à Alger, la marche de l’opposition était bloquée par la police algérienne.

«Il ne faut pas oublier que l’Algérie est à une heure d’avion d’ici : si les Marseillais criaient assez fort, on les entendrait de là-bas et vice versa», veut croire Mehdi, un Franco-Algérien de soixante ans. Comme une partie des manifestants, cet ancien commerçant kabyle a fui l’Algérie au début des années 1990, «la décennie noire» qui suivit la tentative de démocratisation du régime.

«Hogra» : mépris.Après avoir participé au printemps berbère de 1980, puis aux manifestations du 6 octobre 1988, il est sans illusions. «On ne demande pas le départ de Bouteflika, car il ne partira pas, mais une démocratisation, explique-t-il. La situation en Algérie est très différente de celle de la Tunisie et de l’Egypte car l’armée, au pouvoir, dispose de la rente pétrolière et a tout à gagner au statu quo.»

Sa femme rit : «Pour un premier essai, la Tunisie a été une réussite ! Alors que nous, nous révoltons tout le temps sans jamais y arriver.»

 

Un représentant du parti d’opposition RCD, Saïd Saï, est invité dans la conversation. «Nous réclamons la levée de l’état d’urgence, la libération des prisonniers politiques et l’ouverture du champ politique et médiatique», liste-t-il. Pour lui, les manifestations de soutien en France sont très importantes «car les Algériens les regardent sur Internet, France-24, etc., alors que la télévision algérienne ne montre pas la vérité».

Drapeaux égyptiens, fabriqués à la va-vite avec des aigles dessinés à la main, et drapeaux algériens se côtoient au son du désormais classique «Dégage». Mais ce dernier ne semble pas tant destiné au président Bouteflika lui-même qu’à l’armée algérienne et à ses généraux décriés dans plusieurs slogans et pancartes.

Farida, une Algérienne de 49 ans mariée à un Egyptien, a fêté vendredi soir sur le Vieux-Port la démission de Moubarak avec ses cinq enfants. Mais pas question de critiquer Abdelaziz Bouteflika qualifié de «gentil». «Il n’est là que pour la photo, c’est l’armée qui écrase le peuple et a toutes les richesses», explique la mère de famille.

  

«Le pouvoir divise les Algériens»

 

Aux premiers rangs, un jeune homme, Adel, brandit une photo montrant la misère du peuple algérien. «L’Algérie a 160 milliards de dollars de réserves en devises, on a de l’argent en excès, on est un pays sans dette et voilà ce que vit le peuple, s’énerve l’étudiant algérien en ingénierie, arrivé en France en 2007. Il y en a marre de ces gens qui commandent en cachette l’Algérie et se disputent pour le gâteau du pétrole : le clan du président Bouteflika et, derrière, celui du directeur du renseignement, le général Toufik.»

 

Lui aussi est sceptique sur les chances de réussite du mouvement en Algérie. «Le pouvoir sait diviser les Algériens : il a isolé les Kabyles et il joue sur les oppositions régionales», souligne Adel. «C’est la faiblesse du mouvement en Algérie, renchérit Mehdi. Le pouvoir manipule les gens, impute les rébellions à des “séparatistes kabyles” et fait passer la grogne nationale pour une grogne régionale

 

Alice, une Marseillaise de 40 ans d’origine algérienne par un grand-père, connaît bien l’Algérie, «un pays riche, qui s’appauvrit en pensée, en possibles». «C’est touchant de voir le décalage énorme entre les aspirations de l’indépendance, en 1962, et la situation aujourd’hui, témoigne-t-elle. Et c’est très dur d’entendre des jeunes, nés dans une Algérie indépendante, dire “Ça devait être mieux avant, sous les Français”. »

 

 

Il fallait chercher les jeunes Marseillais dans le défilé, bien plus nombreux dans la rue piétonne adjacente en ces derniers jours de solde. Mais pour le photographe algérien Kamar Idir, qui a fui les massacres en 1994, ce n’est qu’un début. «Ça rappelle les manifestations à Marseille de la fin des années 1980, dit-il. Ça va monter parce que les jeunes commencent à se rendre compte que c’est important et ramèneront d’autres jeunes

Louise Fessard

 

 

Nicolas Dupont-Aignan : Alors que les arrestations arbitraires se comptent désormais par dizaines en Algérie et que certains manifestants semblent être littéralement tabassés par les forces de police, les autorités françaises doivent prendre leurs responsabilités et condamner fermement les dérapages du régime de Bouteflika

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