Alain Joyandet et Christian Blanc démissionnent. Jamais deux sans trois ?

 

  • Philippe Cohen – Marianne2

Les deux secrétaires d’état Alain Joyandet et Christian Blanc ont annoncé leur démission à quelques minutes d’intervalle. Le gouvernement affirme que le Président et le premier ministre ont exigé leur démission. Pour protéger Eric Woerth «emboucané» par l’affaire Bettencourt depuis trois semaines ?

Rodho

 

Les tornades médiatiques n’ont rien perdu de leur force. Alain Joyandet, secrétaire d’état à la Coopération et Christian Blanc, secrétaire d’Etat au Grand Paris, ont annoncé leur démission du gouvernement après une semaine de sérieux tangage. Le premier avait été d’abord mis en cause pour la location d’un avion privé pour une somme de 116 000 euros pour se rendre en Martinique. Le Canard enchaîné l’avait ensuite épinglé pour l’obtention d’un permis de construire obtenu dans des conditions discutables pour sa résidence à Grimaud près de Saint-Tropez. Quant au second, pièce rapportée de la seconde gauche au nom de l’ouverture, il a été fauché par sa passion pour les cigares, Le Canard Enchaîné ayant publié une facture de Havanes pour 12 500 euros acquittée par son administration.

Sur son blog (qui n’était plus accessible dimanche soir), Alain Joyandet a écrit un billet amer, se plaignant de l’acharnement et précisant que« pas un euro public n’a été détourné pour mon enrichissement personnel ou celui de mes proches » : « Je n’ai jamais eu besoin de la politique pour vivre. J’ai un métier. J’ai créé mon entreprise il y a près de 30 ans. Cela m’a procuré une grande liberté. Je suis entré en politique par passion, pour servir la France », déclare-t-il encore sur son blog, en se félicitant d’avoir « œuvré pour les pays en voie de développement, le renforcement de nos liens avec l’Afrique et la promotion de la francophonie dans le monde ».
Quant à Christian Blanc, il a été directement mis en cause par le président lors de son déplacement à Mur-de-Barrez (Aveyron). A un vendeur de chocolat qui lui faisait remarquer que ses produits étaient « moins chers que des cigares », le chef de l’Etat avait rétorqué : « Je vais vous dire: moi, c’est mes cigares. Moi, je ne suis pas le genre à faire ça! ».
Les deux secrétaires d’Etat ont été remplacés au pied levé respectivement par Bernard Kouchner et Michel Mercier, qui ajouteront donc les compétences de la Coopération et du Grand Paris aux missions de leurs ministères.

Deux démissions pour protéger Woerth ?

Dans leurs commentaires, certains journalistes évoquent l’hypothèse que cette double démission soit destinée à protéger Eric Woerth. L’interprétation paraissait quelque peu hasardeuse. D’abord à cause du caractère brusque de la démission de Joyandet, qui a entrainé celle de son collègue Christian Blanc. Ensuite parce que l’altruisme ministériel ne semble pas faire partie des mœurs du gouvernement Fillon, où les ministres n’hésitent pas à se montrer cruels envers leurs collègues, « en off » ou même ouvertement.

Mais surtout, on ne voit pas en quoi la double démission protège en quoi que ce soit le ministre du Travail. Mercredi 30 juin, en recevant les députés UMP à l’Elysée, le chef de l’Etat avait promis de remanier le gouvernement en octobre prochain en faisant directement référence à ces affaires, ainsi qu’au séjour de Rama Yade dans un hôtel de luxe en Afrique du Sud.
Pourquoi en octobre ? Le Président a, semble-t-il, confié à ses proches que l’opinion ne comprendrait pas que l’on épargne ces ministres tout en laissant Eric Woerth continuer à occuper son poste de ministre du Travail. On ne voit pas en quoi la réciproque ne pourrait être vraie. En fait, la démission des deux secrétaires d’Etat va rendre encore plus difficile le maintien d’un ministre chaque jour davantage mis en cause par les révélations contenus dans les enregistrements privés et dans les enquêtes publiées dans la presse, comme le remboursement de 30 millions de son ISF ou le dîner au domicile de Liliane Bettencourt. Interviewé par La Croix pour son édition du 5 juillet, le député UMP Etienne Pinte a d’ailleurs déclaré : « Il y a incompatibilité entre les fonctions de ministre et trésorier de l’UMP ». 
 

Dimanche soir, les premiers échos en provenance de l’Elysée semblaient indiquer que le geste des deux secrétaires d’Etat étaient bien « spontané ». Puis, vers 21 heures, le porte parole du gouvernement Luc Chatel indiquait à l’AFP que la démission avait été demandée, « après mûre réflexion » aux deux secrétaires d’Etat. Si bien qu’on se demande si l’Elysée a vraiment exigé ces démissions ou, comme dit le proverbe, feint d’organiser ce qui lui échappe.
 
 
 

 

 

 

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