Dominique de Villepin au Portugal

  • Dominique de Villepin était, dimanche 8 novembre, l’invité du Festival du Cinéma d’Estoril. Il est intervenu sur le thème: « L’invention de la politique culturelle: sa contribution et son héritage ». (extraits)

 

ddv10 Publico (quotidien portugais) : Tout juste sorti du procès Clearstream, vous relancez votre carrière politique. Vous souhaitez être une alternative au Président Nicolas Sarkozy ?

Dominique de Villepin : Ma préoccupation est d’élargir le débat politique. Malgré l’ambition de réforme du pouvoir actuel, il est important de maintenir un regard critique. Les intentions peuvent être bonnes, mais les résultats se font attendre. Il est important d’avoir des propositions, une vision critique, et de débattre de la situation réelle et des préoccupations des Français. Ce que je veux, c’est débattre des grands défis pour l’avenir des Français et de la France.

Que feriez-vous différemment de Sarkozy ?

Dans le domaine de la politique extérieure, j’ai toujours été un fervent défenseur de l’indépendance de la France, et en ce sens, je me suis opposé au retour au commandement intégré de l’OTAN. Je suis également convaincu qu’en préalable d’une nouvelle politique concernant l’Afghanistan, il faut préparer un calendrier de retrait. L’engagement des pays occidentaux en Afghanistan est aujourd’hui considéré comme une occupation et donc il ne répond pas aux problèmes afghans.

Si je comprends bien, vous ne seriez pas aussi atlantiste que Sarkozy ?

Aujourd’hui, le débat n’est plus de savoir si l’on est atlantiste ou non, mais il est de savoir si on obtient des résultats ou non. Aujourd’hui, développer de bonnes relations avec les États-Unis et avec l’Administration de Barack Obama qui se place aux antipodes de l’Administration Bush, c’est être capable de dire à Obama un certain nombre de vérités que personne ne lui dit…

Sur l’Afghanistan, par exemple. Il est clair que la politique américaine est dans une impasse. Il n’y a pas de solution pour l’Afghanistan qui passe par un envoi de troupes supplémentaires ou par la force militaire. Et au Moyen-Orient, nous avons besoin d’impliquer la communauté internationale dans son ensemble afin de créer un État palestinien, malgré les réticences d’Israël. Aujourd’hui, avoir une relation transatlantique forte, c’est être capable d’avoir un débat avec les Etats-Unis qui soit respectueux mais aussi riche de propositions. Ce n’est pas se battre contre les Etats-Unis, mais c’est leur offrir des perspectives d’action.

Cela constitue une stratégie pour la France ou pour l’Europe ?

Le combat de la diplomatie française rejoint celui de la diplomatie européenne. Si l’Europe a des difficultés pour s’affirmer sur la scène internationale, c’est parce qu’elle manque d’ambition. Il est clair que nous sommes divisés entre 27 États, mais nous manquons d’ambition et de vision. Si les Etats-Unis et le Monde ne sont pas capables d’avancer, c’est en partie parce que l’Europe ne réussit pas à assumer ses responsabilités.

Avez-vous un nom à proposer pour le nouveau poste de Président de l’Union européenne ?

C’est très difficile. On voit bien que les chefs d’Etats et de gouvernement européens veulent choisir quelqu’un qui ne leur fasse pas concurrence. Quelqu’un qui soit le plus discret possible. Dont il est nécessaire que le Président de l’Europe soit nommé par les citoyens européens. C’est la seule manière pour qu’une personnalité incarne la destinée de l’Europe…

Par des élections directes ?

Oui. Je pense que c’est l’avenir de la démocratie européenne. Le suffrage direct obligera la personne qui sera élue à s’impliquer elle-même dans la résolution des problèmes du Monde.[1]

En 2012, vous pensez sérieusement vous présenter en tant qu’alternative à Sarkozy ?

Nous sommes à deux ans et demi des prochaines élections présidentielles en France. La seule chose que je peux dire, c’est que mon engagement public n’est pas négociable et que je défendrai mes positions sur le plan national. Nous verrons quelle forme prendra cet engagement. Il est encore prématuré de me déclarer pour une candidature présidentielle. Ce que c’est important, c’est le combat quotidien pour les sujets qui préoccupent les Français.

Et vous voulez écouter avant tout la droite française ?

Non, je m’inscris dans la tradition gaulliste qui dépasse les divisions partisanes de la droite et de la gauche. Dans la vie des nations, il y a des sujets qui dépassent les frontières partisanes.

A quoi sert le Club Villepin qui a organisé de véritables meetings et qui sera derrière ce que vous avez annoncé être votre « rencontre avec les Français » ?

Dans le combat politique, on a besoin d’organisation. Aux Etats-Unis, avec l’élection d’Obama, nous avons vu à quel point les moyens technologiques ont changé la manière de faire politique. Avec Internet, il est possible de créer un débat de proximité avec les citoyens, une relation entre l’homme politique et l’électeur qui n’existait pas avant. Donc j’ai lancé un club qui a pour vocation de défendre le modèle social français, le modèle républicain, et de réunir les personnes qui partagent les mêmes convictions, au niveau national et local. Dans les prochains mois, j’aurai moi-même l’occasion d’aller partout en France pour parler avec les citoyens.

Que pensez-vous du débat sur l’identité nationale lancé par le gouvernement français ?

Il est important que cela ne devienne pas un débat contre nature qui soit contre l’immigré, contre l’étranger. Ce doit être un débat pour – pour un pacte républicain, pour un pacte social, pour un pacte culturel. J’aimerais qu’il en sorte des choses concrètes : qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui d’être républicain, qu’impliquent l’éducation, la santé pour tous? Je souhaiterais que nous sortions de l’idéologie pour nous concentrer sur les préoccupations concrètes de chaque Français.

Vous pensez que le débat prendra vraiment cette tournure ?

C’est difficile, parce que je pense que ce débat a une vocation idéologique. Mais, même s’il a été mal lancé, il est possible de lui donner un sens, et il peut avoir une utilité.

En France, il y a une vague de scandales – au Portugal aussi. Quelle réflexion vous faites-vous sur ce côté obscur de la politique française ?

Dans un contexte de crise économique et sociale, il est toujours facile d’agiter des affaires, des scandales. Il est important d’avoir de la sérénité, d’éviter de céder à la tentation de l’égout. Il y a beaucoup d’artificiel dans tout ceci, beaucoup de polémique, de frustration, de basse politique. Nous avons besoin d’une justice sérieuse, indépendante, capable de faire son travail sans intervention du pouvoir politique.


[1] Il est évident que cette proposition est en contradiction avec la volonté exprimée par D. de Villepin qui veut être « un fervent défenseur de l’indépendance de la France » (Alain KERHERVE – www.gaullisme.fr)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*