Energie : le déni libéral de The Economist

laurentpinsolle Alors que la Commission Européenne continue de préconiser une libéralisation des marchés de l’énergie en Europe, il n’est pas peu piquant de voir The Economist, la bible néolibérale, questionner durement l’efficacité du marché et de la concurrence dans ce même domaine de l’énergie…

La faillite du marché et de la concurrence

L’analyse de l’hebdomadaire anglais néolibéral repose sur l’étude du marché britannique de l’énergie. En effet, ce marché a été libéralisé au milieu des années 90, par le dernier gouvernement conservateur. Les investissements dans les centrales produisant de l’énergie sont réalisés par des acteurs privés et une demi-douzaine d’entreprises se partagent le marché de la distribution de l’énergie aux ménages. Il n’y a pas de contrôle des prix et l’intervention de l’Etat se limite à quelques centrales nucléaires.

Mais dans un papier intitulé « La remise en cause de la main invisible », The Economist critique radicalement la libéralisation. L’hebdomadaire liste trois arguments qui la remettent en cause. Le premier est le changement climatique : le journal souligne que malgré de lourdes subventions, la Grande Bretagne génère beaucoup moins d’énergies propres que ses voisins européens. L’explication vient de la variabilité des prix de marché qui rend aléatoire la rentabilité de projets à long terme.

Le deuxième argument avancé est le renouvellement du parc énergétique. Un tiers du parc britannique doit être renouvelé en dix ans. Mais les acteurs privés ne font pas les investissements nécessaires pour l’instant. S’ils le font cela augmentera le coût de l’énergie de 60% ! Enfin, les seuls investissements faits le sont dans les centrales à gaz, qui compte déjà pour 40% de l’énergie utilisée en Grande-Bretagne, augmentant dangereusement la dépendance du pays…

Contre la libéralisation du marché de l’énergie

La synthèse de l’hebdomadaire est sévère. Il explique même que les bas prix dont ont profité les consommateurs britanniques s’expliquaient essentiellement par le manque d’investissements des acteurs privés et que les lendemains seront difficiles, entre hausse des prix et risque de coupures électriques. Le seul argument que trouve The Economist pour des marchés dérégulés est le fait que les hommes politiques peuvent rejeter la responsabilité des problèmes sur les entreprises privées !

En fait, ce qui apparaît avec le cas britannique, c’est que certains marchés, et notamment le marché de l’énergie, ne sont pas adaptés à la libéralisation. La compétition entre un trop grand nombre d’acteurs peut avoir le bénéfice de faire baisser les prix à court terme, mais cela se paie par un sous-investissement chronique dangereux pour l’avenir. En fait, seule la puissance publique peut prévoir des investissements suffisants sur plusieurs décennies car elle n’a pas la pression des résultats trimestriels.

Globalement, ce sont les marchés dits de « monopole naturel », où le niveau d’investissement est très important, qui doivent rester dans le domaine public. Parce qu’il serait aberrant de construire deux réseaux d’autoroute, deux réseaux électriques ou deux réseaux postaux, et parce qu’un monopole privé tend à se transformer en rente, ces marchés sont des services publics. Par dogmatisme, la Grande-Bretagne a voulu tout privatiser. On en voit le résultat sur le transport ferroviaire ou sur l’énergie.

Le cas britannique devrait faire réfléchir les ayatollahs du tout-marché. Même une revue comme The Economist reconnaît les limites de la libéralisation. Mais même une telle remise en cause ne sera sans doute pas suffisante pour que la Commission renonce à son dogmatisme néolibéral…

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