Dominique de Villepin, mondialiste idéaliste (1/2)

 

Ce n’était pas sans une certaine impatience que j’attendais de lire l’analyse de Dominique de Villepin sur la grave crise économique que nous traversons. Ce contexte a-t-il favorisé une évolution de sa pensée ou pas ? Réponse en deux temps : aujourd’hui, l’analyse de son constat.

Diplomate gaulliste

Sur la diplomatie, Dominique de Villepin est ancré dans la tradition diplomatique que nous a léguée le Général de Gaulle. Il plaide pour un monde plus multipolaire, où les occidentaux seraient plus ouverts sur les autres cultures et où la France garde un rôle bien spécifique à jouer, fidèle à sa tradition.

Il dénonce les néoconservateurs (à passeport français ?), qui installent « deux poids, deux mesures pour les pays, en rejetant certains dans l’axe du mal absolu, en conservant d’autres, non moins autocratiques, parmi les alliés privilégiés ». En cela, il revient sur l’absence d’intervention en Tchétchénie qui démontre le double langage de l’Occident. Il souligne même que « la radicalité d’Hugo Chavez (…) vis-à-vis de Washington se nourrit des expériences collectives du passé ».

Il affirme également que « le siècle à venir ne se passera pas des Etats, et devrait même, la crise aidant, leur accorder un rôle de plus en plus grand ». Pour lui, il faut mettre fin au « choc des civilisations » pour ne pas pousser la Chine et la Russie vers une voie agressive et traiter prioritairement la question palestinienne mère de bien des conflits dans le monde. Il se demande si on peut vraiment « reprocher aux Palestiniens de ne pas disposer d’un gouvernement capable d’assumer des pourparlers de paix ».

Un constat lucide sur la crise

Sur la crise, il commence par une remarque très juste : « il faut se garder de deux écueils : la célébration béate des vertus de la crise, car le renouveau naît de douleurs humaines (…), la démesure prophétique ». Il dénonce nommément la révolution néolibérale, individualiste, dérégulatrice et marchande menée par Thatcher et Reagan, qui ont mis à bas l’héritage de Roosevelt et Kennedy. Il note également que ce système produit des crises de plus en plus fréquentes et violentes depuis les années 90.

Il met en cause « un comportement prédateur justifié exclusivement par le rendement du capital, une politique dérégulée fondée sur l’autonomisation de la sphère financière et une pression économique source de déséquilibres pour les hommes et les territoires ». Il souligne que « notre ordre économique continue de creuser les fossés » et critique « la confiance aveugle dans la capacité d’autorégulation des marchés ». Il conclut élégamment qu’à force « de laisser faire, le laisser-aller l’a emporté » et dénonce une « anarchie »…

Il affirme que « le G20 marque une promesse, pas encore un progrès » et soutient que ceux qui « demandent des mécanismes de régulation plus stricts ne remettent pas en cause le capitalisme en tant que tel, mais sa variante néolibérale. Il appelle un meilleur équilibre capital / travail en dénonçant la stagnation des salaires et les inégalités, reconnaissant la pression induite par  la main d’œuvre chinoise. Il critique ce « capitalisme de combat » qui organise « une jungle de vaincus et de vainqueurs ».

Une Europe hors-sujet

Mais Dominique de Villepin m’a encore plus surpris sur l’Europe. Il reconnaît que la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale et souligne qu’elle est « un voile masquant les divergences intérieures et retardant les ajustements ». Il souligne que les divergences nationales peuvent faire que la zone euro se retrouve « coincée dans une trappe inflationniste dans certains endroits et dans un piège déflationniste dans d’autres ». Il dénonce les comportements de « passagers clandestins » de certains pays.

Encore mieux, il dénonce le biais néolibéral de l’Europe, affirmant que « le dogme de la concurrence libre nécessite des révisions tant il est profondément inadapté à la nouvelle phase de mondialisation qui s’annonce ». Il attaque également l’alignement européen sur les Etats-Unis en appelant à « réinventer le lien transatlantique ». En réponse il soutient « l’audace de l’indépendance » et glorifie le rôle de notre pays « trait d’union naturel », pont entre le Nord et le Sud ainsi qu’entre l’Est et l’Ouest.

Mieux, il affirme que « l’Europe est forte quand elle coordonne ses voix, pas quand elle leur surimpose une voix nouvelle et artificielle ». Il soutient même que « les souverainetés essentielles doivent être aujourd’hui préservées en matière de sécurité, d’économie et de culture. La défense de l’une sans les deux autres est vouée à l’échec ». Il affirme que « l’indépendance est vitale pour tous les peuples parce qu’elle est le ferment de leur identité, la liberté qui leur permet de prendre en main leur propre destin ».

Mais si le constat rejoint de manière surprenante les analyses des partisans d’une autre politique et d’une autre Europe, ce sera une autre histoire sur les solutions à apporter…

  • Source : « La cité des hommes », Dominique de Villepin, Plon

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