Résister, encore et encore …

… à l’Europe fédéraliste.

Les sondages qui ont émaillé les dernières semaines de campagne ont au moins un point commun : seul un tiers des Français se déclare intéressé par le débat sur le traité constitutionnel européen qui est soumis à ratification par voie référendaire.

Si peu de Français se sentent concernés par ce projet, il semble que l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, aussi lointaine qu’on veut bien nous la présenter, fait réagir un plus grand nombre de nos concitoyens. Tous les sondages indiquent une même tendance. La très grande majorité des Français ne veut pas d’une intégration de la Turquie dans l’Europe (y compris les partis politiques !) et ambitionne, pour cette grande nation et les autres pays méditerranéens, des liens forts et privilégiés.

Les partisans du « OUI » à cette constitution, PS-Verts (sauf les « dissidents » !), UMP (sauf les « dissidents » !), et UDF (sauf quelques « dissidents » !), se sont organisés autour de deux thèmes centraux, à défaut de pouvoir convaincre à partir du texte lui-même.

  • La constitution européenne et l’élargissement à la Turquie : ne pas mélanger les deux problèmes, le refus du second pouvant peser sur l’acceptation du premier,

  • L’affirmation primaire et gratuite du Président de la république : « on ne peut être européen et voter NON ».

Pour beaucoup de nos concitoyens, la complexité du sujet alimente ce désintérêt, mais il convient aussi de noter ce sentiment d’impuissance qui se manifeste : quoi qu’ils fassent ou pensent, les dés sont jetés. La responsabilité des médias sur ce point est évidente. La diabolisation du vote négatif est particulièrement pesante : dire non à ce traité, c’est être un anti-européen primaire et ringard. C’est vouloir la guerre, alors que ceux qui disent oui sont les messagers de la paix. Ils veulent nous faire croire que l’Europe a fait la paix, alors que c’est la paix qui fait l’Europe. Dans les réunions publiques, sur Internet, sur les marchés… les distributions de tracts explicatifs (par nature modérés) exaspèrent ceux qui n’acceptent pas l’éventualité d’un NON majoritaire. Pour eux, nous sommes des anti-européens, comme s’il ne pouvait exister qu’une seule façon de concevoir l’Europe (dans ce cas, pourquoi demander l’avis des Français ?). Leur déchaînement frôle bien souvent l’inquisition. Ce raccourci simpliste basé sur la peur perturbe beaucoup de nos concitoyens, notamment ceux qui n’ont pas encore arrêté leur position. Mais comme le précise Michel Anfrol, « Les dissidents de 2005, déjà qualifiés de  » traîtres  » à leur parti, peuvent attendre avec sérénité la sanction de l’Histoire ». Patience ! Courbons l’échine, mais n’abdiquons pas.

– En votant NON, la France serait montrée du doigt ; elle deviendrait le « vilain mouton noir » nous promet le Président de la République.

– Que faire le 30 mai si la veille les Français rejettent cette Europe supranationale, ultralibérale et atlantiste, refusant ainsi de tourner la page d’une  » certaine idée de la France  » écrite par le Général de Gaulle et ceux qui l’ont suivi et soutenu ? Poursuivre notre chemin avec le traité de Nice approuvé par l’ensemble des pays de l’Union, faut-il le rappeler, traité valable jusqu’en 2009. L’Europe fonctionne aujourd’hui, elle ne fonctionnera pas plus mal demain : il n’y aura pas de chaos !

– Qui peut penser sérieusement que l’Europe va disparaître si le peuple de France se rebiffe ? La France en a vu d’autre, et ceci est le lot des peuples libres et des nations qui avancent. Si l’Europe sans la France n’a plus de raison d’être comme aiment à nous le susurrer nos « amis » européens ou d’outre atlantique, la France sans la maîtrise de son destin n’est rien.

– Par contre, l’abaissement de la France, phantasme secret de certains qui estiment la France trop gênante, est insupportable et inacceptable pour nos concitoyens.  » L’Europe ne peut servir à camoufler l’effacement d’une France qui n’aurait plus, sur le plan mondial, ni autorité, ni idée, ni message, ni visage.  » clamait bien fort Jacques Chirac face à Valéry Giscard d’Estaing dans son fameux appel de Cochin approuvé par tous les héritiers du gaullisme.

 

Mais en ce début mai 2005, un autre constat s’impose à tous : les partisans du oui squattent les médias. Des associations, des syndicats, des journalistes protestent contre «l’omniprésence» des partisans du traité dans toute la presse.

Dans les médias «dominants», éditorialistes et chroniqueurs, unanimes, se livrent à une propagande éhontée pour le oui. Dans les journaux télévisés, «les défenseurs de la Constitution accaparent 73 % du temps de parole». La «quasi-totalité des titres de la presse écrite» fait compagne pour le oui. Bref, le débat sur le référendum est biaisé. C’est la conviction de l’Observatoire français des médias. Nous la partageons.

En disant NON, les Français donneront à la France et à l’Europe une nouvelle chance et un nouveau départ.

Le renouveau de la construction européenne nécessite une méthode simple, pédagogique, interactive et organisée en trois phases : un constat partagé, une vision de l’Europe, une feuille de route pour y parvenir.

 

Le constat, état des lieux instantané, identifie nos atouts et nos faiblesses. Il doit être partagé par une large majorité des acteurs politiques, notamment par le parlement de chacun des Etats membres. Il ne peut y avoir de projet sans un constat préalable globalement approuvé de tous.

 

La vision de l’Europe ne peut se concevoir qu’à long terme. A ce niveau, il est évident que plusieurs conceptions peuvent s’affronter. C’est la condition indispensable à un véritable débat sur ce que nous voulons (Limites de l’Europe, organisation fédérale ou confédérale, degré plus ou moins prononcé d’intégration, répartition des compétences dans les différents scénarii, conditions du partage du pouvoir, etc.)

C’est à ce niveau que doit intervenir la décision souveraine du peuple. Ce dessein doit s’appuyer sur un texte simple et compréhensible de tous, sans orientation politique gravée dans le marbre comme c’est le cas aujourd’hui, laissant ainsi aux peuples des Etats membres le soin de décider de leur avenir en toute souveraineté. Pour être forte, l’Europe doit concentrer ses efforts sur des domaines essentiels. Avons-nous besoin d’un « machin » pour fixer le taux de TVA des restaurants Français ?

 

Ce projet s’imposant à tous, il s’agit, dans cette troisième phase, de définir les étapes et les moyens nécessaires pour sa mise en œuvre. Sous le contrôle de leurs institutions parlementaires respectives et des instances européennes existantes, en constante relation avec les acteurs sociaux-économiques et dans le cadre d’une parfaite information en direction des citoyens, les exécutifs des Etats membres mèneront les politiques nécessaires à la réalisation des objectifs définis. Chaque Etat ira à son propre rythme, dans les domaines où il excelle ; il ne peut pas en être autrement sauf au risque de créer des tensions permanentes mettant en péril l’ensemble de l’édifice.

 

A partir de ces quelques considérations, le véritable débat sur l’avenir de l’Europe pourra être engagé : quelle Europe voulons-nous ?

 Quelles valeurs doit-elle défendre ?  Quelles frontières, géographiquement parlant, sont les plus pertinentes ?  Quelles relations souhaite-t-elle établir avec les autres Nations ?  Veut-elle être une autre référence que celle impérialiste des Etats-Unis ?  Comment faire coopérer les Nations qui la composent sans les affaiblir, sans les détruire ? 

 

Cette chance, nous devons la saisir. Il n’y en aura pas d’autre avant longtemps.

 Alain KERHERVE

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