Patriotisme, souveraineté, nation : ce qui vaut pour l’Ukraine vaut-il pour la France ?

Emmanuel Macron, qui considérait en 2017 le « souverainisme » comme un relent réactionnaire, théorise aujourd’hui la nécessité de garantir la souveraineté alimentaire, sanitaire et énergétique de la France et de l’Europe. - Hannah Assouline

L’opprobre jeté sur le patriotisme en France explique aussi l’augmentation des violences entre individus et la défiance généralisée. Une leçon pour nos politiques d’éducation et d’intégration ? Qu’au moins l’atrocité d’une guerre sur le sol européen permette, en France, de renouer avec cet « idéal national » universaliste, en même temps qu’avec la nécessaire souveraineté... par Natacha Polony (Marianne)

Aux confins de l’Europe, un peuple se bat pour son intégrité territoriale et son indépendance politique. Un État-nation revendique son droit de ne pas se voir dicter son destin par son imposant voisin. Aux confins de l’Europe, l’Ukraine affirme la spécificité de sa culture pour refuser de se fondre dans cette Russie dont les premiers tsars furent les princes de Kiev. Et, tout à l’ouest, ceux-là mêmes qui proclamaient depuis trente ans la mort des États-nations, ceux pour qui l’expression « identité nationale » disqualifiait quiconque la proférait, se font désormais les chantres du patriotisme. Mieux, ils traquent les « souverainistes », coupables de n’avoir pas prôné l’écrasement de la Russie par l’Otan depuis vingt ans, affublant de ce terme en forme de stigmate, « souverainistes », aussi bien les nationalistes d’extrême droite que les anticapitalistes d’extrême gauche, et plus largement tous ceux qui ne communiaient pas dans l’avènement du grand marché mondial.

Au-delà des rodomontades des habituels fauteurs de guerre, dont on ne sait pas bien s’ils assument réellement la destruction planétaire que provoquerait l’attaque qu’ils appellent de leurs vœux – et qu’elle aurait aussi bien provoquée en 2014 (puisqu’ils estiment qu’il fallait frapper plus tôt) – ou s’ils rejouent simplement 1940 pour se persuader qu’ils auraient été du bon côté, une question nous revient dans le vacarme de l’Histoire et nécessite de poser les termes du débat : celle de l’articulation entre nation, patrie et souveraineté.

SOUVERAINETÉ ET DÉMOCRATIE

Premier point, si quelque chose comme le « souverainisme » existe, il réside dans le fait de considérer que la souveraineté se confond avec la démocratie. Rien à voir, donc, avec un quelconque nationalisme. Il s’agit de proclamer que c’est le peuple assemblé qui décide en commun de son destin, et que cela ne peut se faire que si la nation, en tant que communauté politique, est indépendante, c’est-à-dire que la volonté du peuple est pleinement respectée et que l’État a les moyens de l’appliquer. Est-il utile de souligner combien la crise sanitaire et la guerre en Ukraine mettent brutalement en exergue la pertinence de ces analyses, au point qu’un Emmanuel Macron, qui considérait en 2017 le « souverainisme » comme un relent réactionnaire, théorise aujourd’hui la nécessité de garantir la souveraineté alimentaire, sanitaire et énergétique de la France et de l’Europe ? Il faut encourager les nouvelles vocations, mais on aimerait que les nouveaux convertis, au moins, ne se paient pas le luxe de continuer à invectiver ceux qui, humblement, prêchaient dans le désert…

La souveraineté, donc, n’est que le moyen par lequel l’État exerce son rôle de protection des citoyens dans un monde qui n’avait cessé d’être dangereux que pour les adeptes de Francis Fukuyama et de la « fin de l’Histoire », et elle se décline de manière extrêmement concrète, à l’inverse exact des politiques de flux et de division mondiale du travail prônées depuis quarante ans par les néolibéraux affirmés ou leurs cousins honteux, les sociaux-démocrates.

SENTIMENT NATIONAL

Reste la question de la nation, et celle du patriotisme. Celui dont fait preuve le peuple ukrainien force aujourd’hui l’admiration et efface le nationalisme des groupuscules extrémistes, bataillon Azov et Pravi Sector, qui avaient entaché la révolution de Maïdan (mais que les observateurs occidentaux n’avaient curieusement pas vus). Là encore, le drame de l’Ukraine nous rappelle que les êtres humains s’organisent en communautés dont les racines peuvent être culturelles, historiques, religieuses ou linguistiques. Ces communautés partagent un territoire dont la nature géographique et climatique influence les modes de vie et la sociabilité des hommes qui y vivent. Rappeler ces évidences est visiblement nécessaire, puisque l’Occident a rêvé depuis la fin du XXe siècle d’une uniformisation du monde par le droit et le marché et que ce rêve semblait justifier son mépris total pour tout pays qui ne partagerait pas ses « valeurs », par définition moralement supérieures.

Il faut relire la sixième leçon de sociologie d’Émile Durkheim pour comprendre l’importance de l’« idéal national » dans la constitution d’une société humaine. Pour le sociologue, le sentiment national est nécessaire pour développer chez l’homme le sens du devoir, à travers l’appartenance à la communauté. Alors, ne pourrait-on concevoir une communauté humaine, un dépassement du patriotisme par le cosmopolitisme, pour éviter la bascule dans le nationalisme, c’est-à-dire l’orientation vers le dehors – contre les autres – de ce sentiment d’attachement à la communauté ? Dans un « avenir indéterminé », pourquoi pas, nous dit Durkheim. Mais, en attendant, « que chaque État se donne pour tâche essentielle, non de s’accroître, d’étendre ses frontières, mais d’aménager au mieux son autonomie, d’appeler à une vie morale de plus en plus haute […]. Que l’État n’ait d’autre but que de faire de ses citoyens des hommes dans le sens complet du mot ». L’opprobre jeté sur le patriotisme en France expliquerait donc, si l’on suit Durkheim, l’augmentation des violences entre individus et la défiance généralisée. Une leçon pour nos politiques d’éducation et d’intégration ? Qu’au moins l’atrocité d’une guerre sur le sol européen permette, en France, de renouer avec cet « idéal national » universaliste, en même temps qu’avec la nécessaire souveraineté.

13 commentaires sur Patriotisme, souveraineté, nation : ce qui vaut pour l’Ukraine vaut-il pour la France ?

  1. Gilles Le Dorner // 20 avril 2022 à 13 h 48 min //

    Ce n’est pas manquer en humanité à l’Ukraine , l’escalade ou la précipitation d’une entrée de l’Ukraine en UE en réponse à l’abomination qui se voit déjà et profile est pire et en facilité de la réponse en facilité du bien contre le mal . Ce n’est que pousser non pas les frontières mais l’empire (détesté ou du moins je déteste l’ esprit d’empire) . Et à ce rythme d’une supranationalité de la dite bien-pensance la main sur le coeur osant même s’appuyer sur la Bible en bombes ou chars Abrams , faudra t il nous proposer ou plutôt subir et suivre en immédiateté l’adhésion de la Turquie par l’OTAN et à ce rythme l’Etat d’Israël en bloc lequel n’ est pas / et ce n’est pas insulte ou pire en insulte ni détail en Shoah de dire de l’enfance en Shoah ouvre à l’Enfance si Petite et Plus-Haut / lequel n’est pas seule vérité et en murs . C’est presque Carême , Ramadan encore et Pâque , le temps des méditations et en actes et Trêve et paix ensuite serait un premier pas

  2. Bernadet Didier // 20 avril 2022 à 12 h 24 min //

    La « bête », venue de l’ouest, d’outre-atlantique? Celle qui sème partout le pataqués et propose ensuite de le régler? Celle qui fait de l’Europe une UE sans consistance, sans souveraineté, à sa botte?

  3. Gilles Le Dorner // 19 avril 2022 à 13 h 31 min //

    Les russes ne sont pas tous en Russie la Russie du néo-tsar Poutine ni les simples orthodoxes russes parmi d’autres et simples russes soumis de fait à l’abomination de La Bête qu’ils voient pousser en spirale ses pions et qu’ils subissent

  4. Gilles Le Dorner // 11 avril 2022 à 14 h 14 min //

    Couchés sous le drapeau non pas de Marie mais de murs et sans ponts de quelque commission supranationale fédérale en oeillères d’idéologie et sous bloc en blocs de l’atlantisme facile de l’empire et de l’OTAN , et qui plus est dans le déni de la presque forfaiture du traité de Lisbonne , n’avons-nous en analyses ou déclarations dites correctes aux présidentielles que le passage de l’éloge dit ou tacite de la cohabitation prolongée gauche droite synchrone ou à saute-mouton à la reprise en slogan beurk-bobo du barrage à l’extrême droite ? Non . Sortir du piège politique , je voterai Mme Marine Le Pen

  5. Gilles Le Dorner // 9 avril 2022 à 2 h 37 min //

    Ce qui manque c’est la France . Et ce qui menace de disparaitre c’est la France . Engloutie dans l’OTAN et l’alignement atlantiste , oubliant la multipolarité des nations , offerte à la mondialisation effrénée , acceptant la destruction de l’idée de nation et nations , livrée aux dogmatiques de l’Europe de l’Ouest en dogmatisme rampant inexorable fédéral qui argumentent leur avancée de dogmes même en contexte et prétexte de conflit , un empire en bloc dans une logique d’empire et bloc alimentée d’un conflit de blocs , consacrant dans le présent conflit une politique étrangère par voix européenne se justifiant du traité de Lisbonne , consacrant la présidence de la commission européenne dans une légitimité qu’elle n’a pas et autorisant la commission européenne à passer du promouvoir qui promeut à la gouvernance de fait où l’on ne sait plus qui fait quoi en légitimité , jusqu’à avancer l’idée d’extension de l’Europe à chaud en conflit de blocs . Quant aux invectives ou états d’âmes sur invectives , elles n’honorent pas ceux ni celui de l’Elysée qui les profèrent et n’ont aucune portée en conflit quand le maintien digne de la politique étrangère n’est pas un ring

  6. la patriotisme uni, la nationalisme divise,l’intérêt national est ce que doit représenter, promouvoir et défendre un chef de l’état,
    Notre capacité à vivre ensemble est possible en rassemblant tous les gens qui vivent sur notre sols et sont fiers d’être français ou veulent le devenir.
    En 2022, le patriotisme c’est l’indépendance nationale , fonder sur la souveraineté du peuple.
    L’intérêt nationale est de redevenir indépendant de Washington et de l’Atlantisme belliciste.
    C’est de retrouver notre place dans le concert des nations, faire entendre notre différence, nous ne voulons pas devenir américains, nous devons lutter contre l’invasion anglo-saxonne: GAFAM, Uber, Starbucks, Macdonald, Coca Cola qui changent notre mode de vie, notre culture.
    Nous ne voulons pas non plus devenir Chinois, mais refusons la guerre froide de l »administration Biden contre la Chine, rejetons le boycott illégal décrété par Washington contre la Russie, mais aussi le Venezuela, Cuba, l’Iran qui pénalisent nos relations historiques avce la Russie, la Russie éternelle, avec l’Iran, avec Cuba , avec le Venezuela.
    Défendons Julian Assange et offrons lui l’asile politique.
    Français nous sommes Européens, mais remettons en cause les critères de Maastricht qui pénalisent nos entreprises, notre modèle social, favorise les hyperriches, les oligopoles anglo-saxons,leurs actionnaires aux dépens des gens qui vivent de leur travail,
    Européens nous proposerons une Défense européenne indépendant de Washington et du bellicisme Atlantiste.
    L’Europe que nous coulons construire est une Europe de la paix, de la culture des échanges avec nos voisins, une Europe de l’Atlantique au Pacifique, que d’autres ont appelé la maison commune, que le général de Gaulle décrivait de l’Atlantique à l’Oural.
    Cette Europe là est l’Europe de la civilisation Européenne, millénaire , éloignée de l’utilitarisme anglo-saxon.

  7. Gilles Le Dorner // 1 avril 2022 à 15 h 40 min //

    Marie ou St-Paul ? Des « lapins » de Colombey ou d’ailleurs sous Notre-Dame des Otages ? C’est Carême et même Carême et Même Carême et Grand Carême en tout respect de laïcité et de l’Enfance en Innocence « aussi » ,et du « aussi »qui coince parfois , c’est Carême en Chrétienté avec ou sans patriarche de Russie et plus largement d’Espérance et de déposer les armes

  8. Gilles Le Dorner // 31 mars 2022 à 21 h 02 min //

    pardonnez moi , oui d’ une demande de report d’élection , d’un « rien » non , ça nous dépasse , ça ne saurait sombrer en piques ou surenchères de petites phrases en joutes de électorales , et s’il faut « rendre à César » c’est très particulier ce Carême ou ces temps en toute laïcité c’est indicible ce Carême et si vaste et si profond et si Vrai indicible simplement de pudeur aussi et d’Espérance

  9. Gilles Le Dorner // 31 mars 2022 à 20 h 43 min //

    Il aurait été convenable de reporter ces élections même étant adhérent au RN et de l’avoir demande et au RN en limite à droite et non d’ extrême droite car serait piège encore mitterrandien , ou alors sortons , sortons de ces piques qui et minables et de très intelligents structurés nous gouvernent et persistent en alignement de discours et vassal dans le en même temps de présidence de la France de présidence en UE de chefferie en force d’intervention en OTAN et de candidat certes intelligent structuré

  10. Gilles Le Dorner // 17 mars 2022 à 7 h 05 min //

    Il convient de demander parmi d’autres le report du scrutin des élections présidentielles , peut-être serai-je en accord avec d’autres comme avec M. JP Chevènement en simple sagesse . Sans prétention personnelle , il convient de réporter le scrutin présidentiel non par profit ou calcul ou négligence de ce scrutin ou temps troublés , car il est vrai que les temps sont troublés et que pour beaucoup malgré leurs aspirations à faire entendre leurs voix et aussi leurs difficultés matérielles , il convient de ne pas diviser en toute diversité la voix les voix de la France aspirant à la paix et par des prises de positions inconsidérées dans quelques emportements électoraux et ou en immédiateté et puis , que si le silence des armes s’imposait et s’impose , il convient de réporter le scrutin présidentiel pour laisser les aides primordiales se mettre en place en soins et en accueil

  11. Gilles Le Dorner // 14 mars 2022 à 16 h 03 min //

    Je vais m’attirer des foudres tant pis , et car ce n’est pas en un claquement de doigt et à l’arrivée d’une candidate à l’Elysée que la France de sa seule voix très particulière en des temps gaulliens pèserait dans le conflit actuel s’il devait se prolonger au-delà de ce jour le demain et de même on ne sort pas brusquement de l’Otan d’un claquement de doigt . On pourra dire que je cautionne un bâillon , il n’en est pas moins vrai que les débats sont faussés et les esprits légitimement préoccupés par d’autres tâches , et sans esprit d’union sacrée de la politique des gouvernants actuels , il me semble sage comme je l’ai exprimé au RN en simple adhérent à Mme MLP que des responsables demandent le report si cela est possible et sans article 16 ni 35 oui le report de 1 à 2 mois ou autre du scrutin présidentiel

  12. Dans un pays où les minorités agissantes occupent tous les espaces depuis le plus haut sommet de l’Etat jusque dans les profondeurs de la vie citoyenne, parler de « ^patriotisme » ,de souveraineté, de nation, ne peut que renforcer l’hostilité de ces mêmes minoritaires vis à vis de ces sujets et à semer le doute chez les autres. Il nous faudrait donc une révolution culturelle profonde pour nous sortir de cette médiocratie galopante et nous faire revenir aux fondamentaux de la Démocratie qui supposent que les minoritaires rentrent dans les rangs !!!!
    On eput révêr, les temps ne nous prédisposent pas à cette remise en ordre.

  13. Bernadet Didier // 11 mars 2022 à 19 h 51 min //

    J’aime beaucoup les commentaires et analyses de Natacha que je suivais régulièrement sur le Fig. Puis elle a un peu orbité vers d’autres sphères et je sens sa dialectique évoluer relativement. Dans cet « édito » je trouve qu’il y a une certaine ambiguïté, culminant notamment sur le fait de prôner sinon d’imaginer, comme Durkheim, un dépassement du patriotisme par le cosmopolitisme, ce qui relève un peu de l’invraisemblance. Le patriotisme est l’attachement à un pays qui se manifeste par la volonté de le défendre, de le promouvoir, alors que le cosmopolitisme est une manière de penser et de vivre qui n’est pas attachée à une culture nationale (c’est la doctrine des « citoyens du monde ») soit,l’antithèse. Que cet objectif soit noble pour un futur indéfinissable, pourquoi pas, mais personne ne peut dire comment et avec quel type de « gouvernance »(surtout pas celle des oligarques financiers actuels)…Mais heureusement la suite du propos revient aux nécessités actuelles. Par ailleurs, dire que la souveraineté se confond avec la Démocratie, c’est tout de même un peu restrictif,au sens de l’Histoire, même si cela nous convient… A ce propos, il est un point de contestation très grave, au sommet de l’Etat, qui peut mettre en cause le devenir de notre pays. A savoir: la Démocratie représentative transmet le pourvoir du peuple à ses représentants, élus par lui. Le Président est de ce fait le détenteur du pouvoir, notamment pour ce qui touche la souveraineté, qui plus est en étant le chef des armées. Or ce même Président a déclaré très officiellement avant son élection puis par la suite, que la France n’était pas souveraine, que l’UE (qui elle ne l’est pas vraiment)l’était pour elle. Personne n’a bronché alors que la Constitution de la Vème république du Général (notamment article 2)impose au Président de s’en faire le garant et défendre la souveraineté… L’Etat gère la Nation, entité abstraite, qui est le lieu de vie de ses citoyens, des patriotes. Le patriotisme, le nationalisme sont des attitudes d’engagement, de défense de ce sol où l’on est né, ou auquel on appartient comme citoyen. Il y a des choses simples qui déterminent notre capacité à « être », à vivre, à bâtir un futur pour nos enfants. Notre Constitution en est la Charte. Alors, aurions-nous changé de Constitution?

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