« Le juge constitutionnel allemand porte un coup qui peut être mortel pour l’Europe »
Les juges allemands ont défendu strictement l’État de droit, rappelant que les institutions européennes n’avaient de pouvoir que délégué par les États-nations.
Par Eric Zemmour (Le Figaro)
La nouvelle est passée sous les radars médiatiques obnubilés par le déconfinement. La décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, la semaine dernière, risque pourtant de faire date dans l’histoire chaotique de l’Union européenne. Les juges allemands ont en effet lancé un double pavé dans la mare des institutions européennes: à la BCE, ils ont dit que la politique conduite depuis 2015 par Mario Draghi de rachat massif des dettes des États était contraire aux traités qui avaient institué la zone euro ; à la Cour de justice européenne, qui avait absous les errements de la Banque de Francfort et sommé la Cour de Karlsruhe de s’incliner, ils ont affirmé qu’il n’existait pas un ordre juridique européen supérieur à l’ordre national, et qu’au contraire, en droit allemand (mais aussi en droit français), le droit constitutionnel national devait s’imposer. Ce faisant, les juges allemands ont défendu strictement l’État de droit, rappelant que les institutions européennes n’avaient de pouvoir que délégué par les États-nations, tout simplement parce que la démocratie s’exprime dans le cadre de ces États-nations. Cette position des juges allemands était celle de leurs homologues français sous de Gaulle.
Il est amusant d’observer la réaction hystérique des partisans de l’Europe fédérale qui n’aiment l’État de droit que lorsqu’il abaisse la souveraineté des États. Il est vrai que le coup porté par les juges allemands peut détruire la zone euro. Ni plus ni moins. Contrairement à ce qu’affirment les partisans de l’Europe fédérale, la Cour de Karlsruhe ne donne aucune injonction à la BCE. En revanche, elle donne ordre au gouvernement et à la Banque centrale allemands de ne plus participer aux opérations de la BCE si celle-ci ne prouve pas, dans un délai de trois mois, que ses décisions respectent le principe de « proportionnalité » entre la gravité de la situation et ses transgressions juridiques.
« Planche à billets »
Or, la BCE, que dirige désormais Christine Lagarde, pourra d’autant moins se justifier qu’elle va plus loin que du temps de son prédécesseur. Mario Draghi respectait en effet une clé de répartition fixe entre les différentes dettes nationales, pour faire mine de ne pas aider en priorité l’Italie. Avec la crise provoquée par le coronavirus, la BCE s’est affranchie de ses dernières pudeurs. Or, les Allemands refusent cette politique de « planche à billets » qui, si elle ne crée pas d’inflation, ruine l’épargne des retraités allemands, contraints de se contenter de taux d’intérêt ridiculement bas.
Personne ne sait comment sortir de cette impasse. Soit Angela Merkel, au nom de l’Europe, ignore les injonctions du juge et renie l’esprit des institutions allemandes, qui a été le ciment de l’Allemagne démocratique et posthitlérienne ; soit elle obéit à ses juges et refuse de participer aux opérations de refinancement de la BCE. Si celle-ci s’incline, ce sont alors l’Italie et la France qui sont étranglées par leur dette énorme qu’elles ne peuvent plus financer. Autrement dit : soit les Allemands sortent de la zone euro, soit les Français et les Italiens le font pour permettre à leurs banques nationales de les financer. Mais sans la « protection » allemande. Dans tous les cas, la zone euro serait morte. On comprend la fureur des partisans de l’Europe fédérale.
Les nouveaux gouverneurs européens
Deux logiques s’affrontent entre la Cour Constitutionnelle Allemande et la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Rappelons que l’Allemagne a renoncé, la mort dans l’âme, au Deutsche Mark au profit de l’Euro. L’abeille n’est pas folle et tient à son miel.
Il est normal dans l’intérêt de son économie et des ses épargnants lésés par des taux bas, qu’elle soulève avec l’appui juridique de la Cour Constitutionnelle Allemande dans son rendu du 5 mai 2020, l’interdiction qui est faite à la BCE au titre de l’article 123 du traité de Lisbonne de racheter des dettes souveraines des Etats membres de la zone euro notamment depuis 2015 sous le mandat de Mario Draghi, ou du moins de son obligation de justifier dans un ultimatum le bien – fondé de son assouplissement monétaire.
Rappelons aussi au passage que depuis le traité de Maastricht de 1992, les Etats n’ont plus la possibilité d’emprunter à leur propre banque centrale ou à la BCE et qu’ils doivent recourir auprès des marchés financiers ce qui peut entraîner des surcoûts financiers sans oublier la pression des agences de notations financières.
Du point de vue de la Cour de Justice de l’Union Européenne, « Seule la CJUE est compétente pour constater qu’un acte d’une institution de l’Union est contraire au droit de l’Union et que des divergences entre juridictions des Etats membres compromettraient l’unité de l’ordre juridique de l’Union… » et d’aller plus loin en affirmant que « les juridictions nationales sont obligées de garantir le plein effet du droit de l’Union »
Du point de vue de la BCE, organe indépendant, celle– ci contourne l’interdiction de l’article 123 en rachetant de la dette publique de la zone euro mais sur le marché secondaire. La politique monétaire relève de son ressort avec cette obligation de ne pas commettre d’erreur manifeste d’appréciation dans l’exercice de son mandat lorsqu’elle injecte des liquidités.
.Ce bras de fer entre ces deux juridictions et la pression qu’exerce l’Etat allemand qui tient à sa loi fondamentale défendue par la Cour Constitutionnelle allemande, me fait penser au discours côté français de Philippe Séguin le 5 mai 1992 devant notre Assemblée Nationale, qui fit campagne pour le « non » au référendum sur le traité de Maastricht. et qui disait que 1992 c’est l’anti 1789. Et bien notre souveraineté nationale en principe inaliénable et imprescriptible a été bradée en 1992 en vue de la ratification du traité de Maastricht, puis en 2005 en vue de la ratification du traité instituant une constitution européenne et en 2008 en vue de la ratification du traité de Lisbonne. Notre constitution de 58 a été révisée pour qu’elle se mette en conformité avec le droit européen. Nous sommes à des années lumières du propos de De Gaulle quand il affirmait que « la démocratie se confond exactement, pour moi, avec la souveraineté nationale. La démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple, et la souveraineté nationale, c’est le peuple exerçant sa souveraineté sans entrave ».
Le piège s’est refermé sur nous. Nous sommes prisonniers d’une logique dont on ne peut plus nous dégager.
» Craignons alors que les sentiments nationaux à force d’être étouffés , ne s’exacerbent jusqu’à mener au nationalisme, au fascisme… » dira P. Séguin.
Et c’est maintenant que surgit la grande crainte de nos dirigeants mondiaux, celui d’un effondrement pour reprendre une expression récente, d’un cataclysme dont tout le monde à peur, du spectre d’une crise économique mondiale et d’un soulèvement généralisé que personne n’ose imaginer.….l’antidote mal dosé de la planche à billets peut se révéler en définitive un poison mortel pour la survie de l’Euro et de l’Europe.
Qui aura raison de cette nouvelle crise européenne, le pouvoir politique ou le Saint Graal (ou le peuple comme arbitre car cela arrivera un jour fatalement) ?
Rf 17.05.2020
Cette décision du tribunal constitutionnel allemand doit inciter les uns et les autres a revisiter l’histoire.La question fondamentale est la suivante:les États Nation peuvent -t–t-ils ou doivent -t’-t’ils céder leur souveraineté a un organisme supranational? Même si cet organe est censé disposer d’une légitimité populaire.Dans un monde ou les hommes d’d’Etat ont de plus en plus moins d’envergure,et sont de plus en plus techniques,un retour aux pères fondateurs de l’Europe dont le général de Gaulle et sa vision d’une grande Europe.Qui aurait pense a la sortie du Royaume Uni de l’union européenne et quelles sont les conséquences de cette sortie sur le long terme?
Zemmour s’emballe un peu.
Mme Merkel, qui a souvent démontré sa souplesse politicienne, négociera un compromis, un de plus, avec les autres pays, dans les limites que lui fixeront sa coalition parlementaire et son propre parti. En feignant de respecter le rappel au droit de la Cour Constitutionnelle. Elle en a d’ailleurs tracé la perspective il y a quelques jours.
Car l’Allemagne n’a pas épuisé, pas encore, tous les avantages qu’elle retire, depuis 20 ans, de cette monnaie taillée à l’exacte mesure de son économie : l’Euro, qu’il faudrait appeler l’Euro-Mark.
Et on ne voit pas l’intérêt qu’elle aurait à faire éclater la zone euro en pleine dépression provoquée par la pandémie de Covid19.
L’usine-à-gaz Euro va donc continuer à enrichir les uns et à miner la trame industrielle et sociale des autres.
Evidemment, le courage couplé à la lucidité impliqueraient, de la part de dirigeants dignes et responsables, qu’ils s’entendent pour démonter rationnellement cette usine à gaz, dans le respect des intérêts partagés.
Je parle comme si nos pays étaient dirigés par de grands politiques. Et non par les nains souvent pitoyables que nous connaissons.
A force de jouer avec le feu on se brûle et un rappel à l’ordre est devenu nécessaire ! Une fois de plus le Général savait parfaitement ce qu’il disait et faisait !