Pourquoi Emmanuel Macron devrait lire Henri Guaino
L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy est l’auteur d’une histoire de l’Occident. En ces temps troublés, on recommande cette lecture aux macronistes.
par Saïd Mahrane (Le Point)
On ne sait pas pourquoi, et c’est une énigme vieille maintenant de quelques années, lorsque Henri Guaino exprime une idée, que l’on soit d’accord ou non, on le présume toujours sincère. Une authenticité qui le situe dans la catégorie des politiques atypiques qui n’hésitent pas à rabrouer leurs interlocuteurs, à quitter un plateau télé ou à brandir leur démission. En l’occurrence, n’y voyez aucune mise en scène : c’est juste lui, Guaino, cet intellectuel engagé en politique, qui a parfois payé une forme d’intransigeance qui lui venait non du respect scrupuleux de traités européens ou de directives de Bercy, mais de sa vie, celle d’un gamin d’Arles élevé modestement par sa mère et sa grand-mère. « Je n’ai jamais oublié. Je n’ai jamais oublié la petite maison à l’ombre des arènes », écrivait-il dans La nuit et le jour (Plon). En effet, il y a du Camus. Cette histoire, si elle ne fait pas une politique, elle la nimbe d’humanité, d’empathie. Elle fait dire des choses qu’un vrai politique, avec un agenda caché ou non, ne devrait pas dire, mais lui, Henri Guaino, dit les choses comme elles viennent, et il en assume les conséquences. Et l’hubris, parfois, l’emporte. Avec Séguin, il a fait campagne contre le traité de Maastricht, défendu par Chirac, Juppé et leurs amis. En 1995, il a fait campagne pour Chirac, contre Balladur. En 1998, il est débarqué, par Lionel Jospin, du commissariat au Plan pour avoir publié un rapport qui montrait la réalité de la pauvreté en France. En face, toujours un même adversaire : un tenant de la pensée unique.
Le voici de retour avec un livre épais, roboratif, érudit, qui lui ressemble, intitulé Ils veulent tuer l’Occident (Odile Jacob). Le Vieux monde a donc encore de la ressource. On songe : qui, aujourd’hui, autour du président de la République peut revendiquer un tel essai, en dépit de ses orientations ? À l’heure où l’on pense la politique à l’échelle des territoires, Guaino chevauche les civilisations afin de comprendre, et surtout mettre en garde contre les forces d’usure et les dérives de notre époque. À l’heure où l’année zéro de la politique a pour point de départ mai 2017, avec l’élection d’Emmanuel Macron, lui déploie une longue fresque, une large histoire de l’Occident, d’Alexandre le Grand au général de Gaulle, du Moyen-Âge à l’Europe selon Bruxelles, où l’on découvre la sensibilité et la subtilité d’un monde en voie d’extinction. À l’heure où paraît un manifeste progressiste qui aurait toute sa place sur un portant à l’entrée d’un campus américain, l’ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy remet la philosophie, la transcendance et la tragédie dans la compréhension de l’histoire.
Éloge de la nation, du roman national
Il faut, assène-t-il, sauver « le fragile édifice des sociétés », car « c’est ce qui se passe dans l’homme dont il faut s’inquiéter ». S’il interroge et décrit l’être de raison, il analyse également ce qu’il appelle « les structures inconscientes du langage, de la pensée, de la société ». Et, étonnamment, le gaulliste convoque à moult reprises Freud et la psychanalyse qui « a eu le mérite de nommer ce qui se passe en nous ». En nous, Occidentaux, religieux ou athées, Guaino voit l’empreinte d’un christianisme qui détermine nos représentations collectives. Quelle que soit l’ère, l’homme a spirituellement et physiquement un besoin de transcendance, de limites et d’enracinement. Guaino cite Sartre : « C’est en poursuivant des buts transcendants que l’homme peut exister. » Il cite saint Augustin : « Qu’est-ce que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Si je veux l’expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus. »
Puis on retrouve un Guaino plus classique, toujours plus républicain, qui parle d’assimilation et tient à distance les « identitaristes » enfermés « dans le culte de la pureté ». Qui fustige une école « utilitariste » qui prépare l’élève à son futur emploi et non à la vie et à la liberté. « Souvent, c’est ce qui a l’air de ne servir à rien qui est le plus important dans une vie. » En effet. Il fait l’éloge de la nation, « socle de la République », « peuple devenant lui-même une personne après que, dans beaucoup de pays, les rois furent descendus des trônes », « force du sentiment de la destinée commune ». Il pourfend « la religion du droit » qui confère aux juges un pouvoir suprême qui dépossède les peuples « de leurs choix de société ». Il exalte le roman national. Tente de réhabiliter ce qui « ne peut se soumettre à l’expérience du laboratoire », c’est-à-dire « l’âme », sans laquelle point de « communion ».
On recommande à la macronie, et au président Macron en particulier, de lire le chapitre intitulé « Les sorcières de Macbeth ». Après avoir établi la responsabilité des « architectes du nouveau monde » qui ont fait se tendre « le ressort de la tragédie », Henri Guaino rappelle l’avènement de Macbeth dans la pièce de Shakespeare : « Les trois sorcières dansent autour du chaudron : Macbeth sera roi et l’issue fatale. (…) Les sorcières dansent dans le cercle de la raison. » La pensée unique, on y revient.
Un progressiste y verrait la prose d’un réactionnaire romantique sans voir, en réalité, que c’est un Ancien qui lui parle. Et que, s’il n’est pas nécessaire de suivre à la lettre toutes ses recommandations, peut-être qu’à la lecture de ce livre une sourde influence se manifestera au moment de concevoir l’individu, avec son génie et ses faiblesses, son histoire et sa géographie, ses besoins matériels et spirituels. « Dans la civilisation occidentale, la raison interroge la foi et la foi interroge la raison, rappelle l’auteur. Même le Christ sur la croix a un instant de doute que Camus appelle l’instant tragique : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
« Ils veulent tuer l’Occident », d’Henri Guaino, éditions Odile Jacob, 355 pages, 22,90 euros
Je ne connais pas l’Occident mais l’Europe et sa civilisation, sa culture riche et variée selon les peuples mais avec un esprit commun. Elle n’a pas de limites géographiques vraiment définies. Parmi celle-ci il y a un pays singulier : la France avec son histoire qui parle au reste du monde. Et présente sur les 5 continents.
Qu’importe qu’ il lise ou qu’il ne lise pas , c’est du domaine du passé obstiné en aveuglement idéologique ou louvoiements en dit pragmatisme , le sien , dans les volutes étoilées fédéralistes même matinées des nébuleuses du en même temps . Il faut parfois et certainement et même en quelque rassemblement , et d’ un Non de 2005 , saine base en notre Constitution , se rassembler et dé-diaboliser ce dit rassemblement , et de ce seul Non de 2005 recouvrer le sens / « rivière trop pure n’ amasse pas de poisson » , proverbe chinois aux trop puristes / sans renier le poisson , ni la France
Peine perdue, les sbires du « chérubin de Palais » fonctionnent sans foi ,ni sociabilité. Ils sont la République en marche de travers, alors pourquoi perdraient-ils leur temps à lire les propos réchauffés d’Henri Guaino ?
Eh bien mon sentiment est précisément l’inverse : je suis le plus souvent d’accord avec les idées avancées par Henri Guaino, mais je ne présumerai plus jamais qu’il soit sincère, car il a foulé aux pieds ces mêmes idées en cautionnant la politique néo libérale et européiste de Nicols Sarkozy, et notamment le traité de Nice. En l’espèce du reste, Emmanuel Macron ne fait que réaliser, sans s’avancer masqué, ce dont ses deux prédécesseurs ont rêvé…