»Il faut revenir à la République, refaire un peuple, refaire des citoyens ! »
Jean-Pierre Chevènement était l’invité d’Audrey Crespo-Mara pour l’interview politique de la Matinale d’Europe 1, le mercredi 13 février
Vous publiez chez Robert Laffont, collection Bouquins, Passion de la France, des moments de toute votre expression publique tout au long d’un demi-siècle de vie politique. Aujourd’hui, on a l’impression que vous avez de la sympathie pour Emmanuel Macron. Faites-vous partie des 36% de Français qui se déclarent satisfaits de son action ?
Je n’ai pas l’habitude de me ranger dans les catégories toutes faites, mais je considère qu’Emmanuel Macron est le président de la République, qu’il a été élu pour 5 ans et qu’il doit donc aller au terme de son mandat. A charge pour lui de trouver une issue satisfaisante à la crise actuelle. C’est une crise qui vient de loin, qu’on ne peut certainement pas imputer uniquement à Emmanuel Macron. Elle a ses racines, je le montre dans ce livre, dans les années 1980, dans les choix erronés qui ont été faits à cette époque-là : l’ouverture sans précaution du néo-libéralisme, de la désindustrialisation, de la paupérisation des classes moyennes et notamment des gens qui ont de la peine à joindre les deux bouts.
Emmanuel Macron est à la fois libéral et europhile, ce qui n’est pas votre cas. Qu’aimez-vous le plus chez lui finalement ? Son tempérament ? Ses idées ?
C’est un homme intelligent qui est capable de rectifier ses erreurs. C’est sa principale qualité. Il faut qu’il trouve une issue démocratique et je préférerais un référendum à questions multiples sur, par exemple, la remise en cause du quinquennat, qui contribue à rigidifier excessivement notre démocratie. Je n’étais pas contre, mais à l’usage – et il faut tenir compte de l’expérience – c’est catastrophique, on l’a vu avec le quinquennat de Jacques Chirac, celui de Nicolas Sarkozy, de François Hollande et maintenant d’Emmanuel Macron.
Vous repasseriez au septennat ?
Il y a deux possibilités à mon avis : soit 7 ans pour le président de la République, qui est le gardien du long terme, et 5 ans pour les députés. Ou alors le sexennat pour le président et on raccourcit à 4 ans la durée du mandat des parlementaires ; c’est un peu court mais cela correspond à un besoin d’expression.
Cela risquerait de conduire à des situations de cohabitation, comme celles qu’on a connues sous Mitterrand ou sous Chirac. Avec qui Emmanuel Macron pourrait-il cohabiter ?
La cohabitation avait des inconvénients mais aussi des avantages. L’inconvénient du quinquennat est cette rigidification de la vie politique qui fait qu’il n’y a qu’une élection véritable, c’est l’élection du président. Le député n’est finalement que le moyen qu’on donne au président de faire sa politique et ça, ça a beaucoup d’inconvénients.
Vous verriez donc plutôt un gouvernement d’union nationale ?
Je souhaite un gouvernement de Salut public pour changer de politique car celle que nous avons suivie ne donne pas de bons résultats. Je regarde la désindustrialisation de la France et je me dis qu’il est temps de remonter le courant : il faut donner à notre pays les moyens d’affronter les vrais problèmes. J’ai fait, en 50 ans de vie politique, un certain nombre de choix, je crois même avoir proposé beaucoup de choses. Ceux qui voudront picorer à travers cet ouvrage pourront s’en rendre compte.
Avant la présidentielle de 2017, vous reconnaissiez avoir de la sympathie pour Jean-Luc Mélenchon. Que pensez-vous du soutien sans faille qu’il apporte aux Gilets jaunes ?
Je ne me suis pas prononcé sur untel ou untel, ni sur Jean-Luc Mélenchon. Quant au soutien aux Gilets jaunes, il ne peut être aveugle car ils sont parasités par des groupes de casseurs, d’extrémistes qui se greffent sur le mouvement et se comportent d’une manière inadmissible. Ce qui me frappe, c’est le déclin du civisme dans notre pays : on n’est plus d’accord sur un certain nombre de règles qui permettent de débattre ensemble.
Jean-Luc Mélenchon, lui, dénonce les violences policières contre les Gilets jaunes. Il réclame la démission de Christophe Castaner. Vous qui avez été ministre de l’Intérieur, trouvez-vous que c’est justifié ?
Le ministre de l’Intérieur fait un métier difficile. Si on enlève telle arme aux policiers, qui doivent pouvoir se défendre, par quoi la remplacer ? Et comment s’adapter à des formes de manifestation qu’on n’avait jamais vues, qui sont une innovation ? Il faut juger tout cela avec précaution.
Après 3 mois de manifestations qui dégénèrent régulièrement, que doit faire le ministre de l’Intérieur pour mettre un terme à la violence ?
Il doit s’adapter à ces formes de manifestation. Je suis convaincu qu’on devrait d’abord s’en prendre à ces black blocs, ces extrémistes qui se greffent sur le mouvement. Je pense que les Gilets jaunes sont bien conscients du tort qu’ils se font et de la dérive possible qu’ils créent vers l’extrême droite. Tout cela n’est pas sain. Il faut que les Français se mettent d’accord sur un certain nombre de fondamentaux républicains. Il faut revenir à la République, refaire un peuple, refaire des citoyens !
A eux deux, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont réuni 40% des voix aux dernières élections présidentielles et pourtant, la France insoumise et le Rassemblement national ne représentent que 4% des députés. C’est parce que l’opposition est mal représentée à l’Assemblée nationale qu’elle s’exprime dans la rue ?
Je ne pense pas, encore que… La réforme qui consisterait à introduire un élément de proportionnelle à hauteur de 15% environ dans la représentation parlementaire paraît aller dans le bon sens : le sens d’une meilleure expression. Mais n’en attendons pas non plus des miracles, il faut garder un principe majoritaire.
Dans ce climat de violences, une série de graffitis antisémites ont été tracés sur les murs de Paris, des croix gammés sur les portraits de Simone Veil… Les actes antisémites ont augmenté de 74% en 2018. Emmanuel Macron a-t-il raison de comparer notre époque à celle des années 1930 ?
Ces signes sont évidemment très inquiétants. L’antisémitisme est un baromètre de la société : il nous indique qu’il y a un glissement vers l’extrême-droite. Cela dit, je ne comparerais pas la situation actuelle à celle des années 1930 : je la comparerais plutôt à celle qui a précédé la Première Guerre mondiale. Il y avait deux puissances dominantes, l’Empire britannique et l’Empire allemand, qui fourbissait ses armements navals, et c’est une cause profonde de cette guerre mondiale.
Dans les années 1930, tous les pays européens sont en crise…
Mais nous avons quand même une opposition fondamentale entre les Etats-Unis et la Chine. C’est cette opposition qui structure le siècle à venir ; on peut le regretter, mais l’Europe rétrécit à vue d’œil. Toutes les nations européennes sont en effet en crise, il n’y a pas un seul pays qui y échappe, même l’Allemagne.
Dans ce contexte-là, Emmanuel Macron reste le meilleur de la classe politique à vos yeux ?
Il est élu président de la République, il doit être respecté. Je n’accepte pas les manifestations de haine totalement irrationnelles qu’il suscite. Il peut avoir des défauts, on peut ne pas l’aimer, mais on doit respecter le premier citoyen de la République.
Source : L’interview politique d’Audrey Crespo-Mara – Europe 1
Sur les critères d’appréciation de la faiblesse, de l’incapacité de pouvoirs publics à maîtriser la paix civile dans un pays donné et de la responsabilité du dit pays dans l ‘exportation des insécurités ainsi engendrées aux voisins les plus proches, il faut en convenir, la défaillance n’est pas une, elle est multiple, spatialement répartie sur le globe, avec cependant pour unique conséquence le malheur des populations exposées Ce ne sont pas les pauvres et les sinistrés qui engendrent les ratés gouvernementaux, ce sont bien les défaillances de l’état dans la prévention des crises qui engendrent de nouvelles victimes. On peut en débattre dans les assemblées « courant d’air » ,mais à l’évidence les responsables sont les « politicards » !
Certes, les causes du naufrage d’un gouvernement peuvent apparaître nombreuses : inefficacité, absence de vision stratégique, manque de discernement, distanciation trop importante avec le peuple, manque de moyens, prévarication, plomberie démocratique, exécutif sans courage politique, sans caractère, etc.…
Défaillances d’ordre interne, défaillances par rapport au respect des Institutions internationales ou européennes, tout ou partie de ces défaillances, combinées ou non, risquent d’entraîner l’anarchie, la violence, la perte d’influence internationale, la guerre civile, l’effondrement de l’Economie et tout simplement la disparition de l’Etat lui-même . Puisse le « chérubin du palais » nous offrir d’autres issues plus positives que celle actuellement tracée en marche de travers par sa cohorte de béni oui oui.
A « Cording » et « Jacques Payen » :
JPC est très bon pour analyser une situation politique, notamment en matière de politique internationale. Et il est souvent très convaincant.
Le problème se situe plutôt au niveau du passage à l’action.
En fait, il n’arrive pas à franchir le pas et à couper vraiment « le cordon ombilical » (je n’aime pas trop l’expression mais c’est la première qui vient) avec la classe politique dont il sait très bien qu’elle est nocive mais qui est quand même sa famille.
On l’a vu lorsqu’il a enfin quitté le PS pour créer le Mouvement des Citoyens : il n’a eu de cesse que de se rabibocher avec ses anciens « camarades » et de participer à la mascarade de la « gauche poubelle » (pardon, gauche plurielle). Puis, on le retrouve en 2007 à soutenir Ségolène Royal. Et aujourd’hui, c’est tout juste s’il ne défend pas le chérubin (lui-même ancien du PS) … Et la liste n’est pas exhaustive.
Mais, après tout, quelle importance ? Prenons JPC pour ce qu’il a de bon (sa capacité d’analyse) et oublions ses mauvais côtés.
A Alain Kerhervé :
Je suis bien d’accord avec vous. Les autres candidats à la présidence ont encore moins de légitimité que le chérubin. Mais eux, au moins, ne gouvernent pas.
C’est bien là où quelque chose cloche dans notre monde politique ! On peut y exercer le pouvoir en représentant 13 % de la population … Ce n’est pas faire injure à la république que de signaler ce fait et demander son départ … de même que ses partisans ont également le droit de le défendre. C’est le débat politique
Je suis par ailleurs étonné de la bienveillance de JPC vis à vis du chérubin.
On tourne en rond et pas seulement sur les ronds points, même nos têtes dites pensantes nous abreuvent de parler vrai pour ne rien dire et surtout ne rien faire pour sortir la France de l’emprise d’apprentis sorciers parvenus à diriger l’Etat en marche de travers. Tous en appellent au Peuple….mais quel peuple aujourd’hui instruit aux mamelles du MOIDABORD généreusement offertes par la droite la gauche et maintenant tout à la fois depuis plus de quarante ans ? L’épidémie de la médiocratie se répand et ce n’est pas la réforme des fiches scolaires « Parent1, Parent2 » qui attestera de notre évolution cérébrale. Nous sommes aujourd’hui ,la France, rendue aux urgences d’un hôpital national où les malades dicteraient la conduite à tenir aux chirurgiens et aux médecins urgentistes dans un grand débat de couloirs !!!
L’hôpital va mal parce que les patients délirent et que les professionnels de santé sont à leur tour contaminés !
Gardons cependant espoir , parfois un minuscule événement peut bouleverser le cours des choses .
JPC, toujours du côté du pouvoir en place. On comprend mieux qu’il n’a jamais su ni voulu s’imposer comme une alternative politique, un peu comme Philippe Séguin.
Macron, capable de réparer ses erreurs ? une vaste blague ! Le Grand débat n’est qu’une nouvelle campagne électorale de Macron pour essayer de faire entériner sa politique de classe. Macron a un pouvoir légal mais pas légitime parce qu’il bafoue la Constitution et aliène notre liberté, souveraineté pour l’illusion d’une souveraineté européenne qui n’est que le visage d’une UE sous direction allemande. Macron n’est en aucune façon un président respectable et le feuilleton Benalla n’est qu’un exemple de la conception et de l’exercice indigne de sa fonction. Il doit partir avant terme dans l’intérêt bien compris du pays.
Pas de contradiction chez Chevènement ?
Comment peut-on soutenir un Président de la République qui est dans la pure continuité des « choix erronés des années 80 » que par ailleurs l’on dit condamner à longueur de livres et d’entretiens (Maastricht, Acte Unique, dérégulation bancaire etc).
Vraiment trop byzantin pour moi.
A Jean-Dominique.
Sur le point 1, on peut considérer qu’il n’a pas de légitimité… Mais les autres encore moins. N’oublions pas l’élection de Chirac en 2002.
Sur le point2, Chevènement donne son point de vue sur la composition du gouvernement. C’est son droit… Et il ne remet pas en cause sa légitimité, celui-ci ayant été validé par le Chef de l’Etat et l’AN, comme le stipule la constitution.
Quant aux « casseurs » dans les manifs de Gilets jaunes, il n’invente rien. Il le déplore.
Je ne trouve pas de contradiction.
Comme toujours, Chevènement.
Bon analyste.
Piètre politique.
Toujours empêtré dans ses contradictions.
Je retiendrais 5 choses de cet entretien :
1) « On doit respecter le premier citoyen de la République ».
Le propre d’une République, c’est qu’il n’y a pas de citoyen qui vaut plus qu’un autre. La notion de « premier citoyen » est donc, pour le moins, inappropriée.
Par ailleurs, le chérubin du palais (je me permets, cher BaertJC, de reprendre votre expression) a obtenu au 1er tour de la présidentielle 18% des voix par rapport aux inscrits et 13% par rapport à la population totale du pays. Dans le genre légitimité populaire, on fait mieux !
Certes, au 2nd tour il réalise 66% mais il bénéficie du rejet de MLP par les électeurs. Rejet d’ailleurs à relativiser si l’on considère le pourcentage par rapport aux inscrits (43,5%) et à la population (31%).
Par conséquent, l’élection du chérubin est légale mais ce n’est pas non plus un crime contre la souveraineté du peuple de réclamer son départ.
2) « Je souhaite un gouvernement de Salut public pour changer de politique car celle que nous avons suivie ne donne pas de bons résultats »
Autrement dit, JPC remet en cause le gouvernement d’E. Philippe. Mais ce dernier a été nommé par le chérubin dont JPC nous dit qu’il faut le respecter ! Allez comprendre.
3) « Il faut que les Français se mettent d’accord sur un certain nombre de fondamentaux républicains »
Sauf erreur, il me semble que c’est ce que demandent les Gilets Jaunes ?
4) « Les Gilets Jaunes sont parasités par des groupes de casseurs »
En tant que vieux routier de la politique et ancien Ministre de l’Intérieur, JPC ne saurait ignorer les instrumentalisations politiques que peuvent permettre les « casseurs » ni les opportunités qu’ils représentent pour un gouvernement qui cherche à discréditer un mouvement social de l’ampleur de celui-ci.
5) En conclusion, on a connu JPC bien meilleur !