Natacha Polony: Vous avez dit ‘président de la République’ ?

Par Natacha Polony (Le Figaro)

Ce qui se joue dans cette campagne, c’est la survie de la démocratie comme régime politique permettant l’expression de la volonté commune, alors que des intérêts privés appuyés sur l’Union européenne grignotent peu à peu ce qu’il reste d’espace public.

Un esprit rationnel – ou peu au fait des mœurs politico-médiatiques – supposerait que ce fut la première question posée, celle qui devait servir de préalable à toute cette campagne : « Qu’est-ce qu’un président de la République française ? » Eh bien, non. Nous aurons traversé ces mois de baroud politique sans jamais nous interroger sur ce qu’impliquent ces mots, « président de la République française », sans jamais expliciter les gigantesques enjeux de cette élection à ce moment de notre histoire. Car demander aux candidats, en ouverture d’un spectacle télévisuel mécaniquement orchestré, de décrire en une minute trente « quel président ils veulent être » n’a rien à voir. Les considérations sur le mode de gouvernement, la manière d' »incarner la fonction », selon l’expression si chère aux fins commentateurs politiques, permettent opportunément de camoufler sous le tapis du folklore psychologisant les débris de ce qui fut une nation.

« Ce que nous devons trancher, c’est la question de savoir si nous entendons préserver la Res publica, la chose publique, ou si nous acceptons de devenir une simple colonie de cet empire globalisé« 

Il y eut pourtant quelques tentatives. Dans le deuxième débat de la primaire de gauche, Montebourg osa préciser que l’essentiel était de définir la marge de manœuvre d’un président alors que des puissances financières ne cessent d’empiéter sur l’espace public. Mais il eut le mauvais goût de citer comme exemple le rôle d’un grand industriel patron d’un empire médiatique. Couvercle refermé par des journalistes présents sur le plateau, et l’on passa à autre chose. Dans le débat des onze candidats, ce fut une remarque de Asselineau, une autre de Cheminade, une autre encore de Dupont-Aignan, sur ces promesses nulles et non avenues quand les décisions dépendent des traités européens et que la finance internationale dicte sa loi aux États. Mais il fallait passer à autre chose, combien de postes de fonctionnaires, combien de points de TVA en plus, en moins ?

Il serait donc plus que temps, à une semaine du premier tour, de poser les bases d’un débat un tant soit peu honnête. Ce qui se joue dans cette campagne, comme dans toutes celles que connaissent depuis quelques années les pays occidentaux, est la survie de la démocratie comme régime politique permettant l’expression de la volonté commune, alors que des intérêts privés, ceux des grandes banques, des multinationales, grignotent peu à peu ce qui reste d’espace public en s’appuyant sur les structures supranationales que sont l’Union européenne ou l’OMC. Ce que nous devons trancher, c’est la question de savoir si nous entendons préserver la Res publica, la chose publique, appartenant à tous les citoyens comme individus autonomes doués de libre arbitre, ou si nous acceptons de devenir une simple colonie de cet empire globalisé qui utilise les États-Unis comme camp de base.

Régime tranquillement totalitaire

Qui, dans cette campagne, a évoqué la question cruciale de l’extraterritorialité du droit américain (l’utilisation de l’arme juridique par les États-Unis pour mener une guerre commerciale contre leurs supposés alliés) pourtant analysée dans un formidable rapport parlementaire des députés Berger (PS) et Lellouche (LR) ?

« La Banque centrale européenne et l’obligation faite aux États de se financer auprès des marchés privent les candidats de toute possibilité de mener la politique pour laquelle les citoyens ont voté »

Qui, dans cette campagne, a rappelé que les États-Unis s’arrogent un droit de regard sur les ventes d’armes dans le monde à partir du moment où un seul composant, fût-ce une puce électronique, est produit par une entreprise américaine ? Il n’y a donc pas la moindre souveraineté possible sans la constitution de véritables filières pour la production de l’ensemble des composants électroniques. Et que dire de la mainmise de quelques géants de la Silicon Valley sur les centres de données ? En matière numérique, nous sommes déjà un pion insignifiant et sous contrôle.

Qui, dans cette campagne, a mis en avant le fait que l’indépendance de la Banque centrale européenne et l’obligation faite aux États de se financer auprès des marchés les privent (pour la France, depuis 1973) de toute possibilité de mener la politique pour laquelle les citoyens ont pourtant voté?

Un président de la République française, si ces mots ont encore un sens, doit se donner les moyens de lutter contre l’incommensurable puissance de ces intérêts privés. Des intérêts supranationaux, ou des intérêts nationaux quand ce sont trois centrales d’achat qui ruinent des filières agricoles, tuent le commerce de proximité et couvrent la France de centres commerciaux en s’arrangeant parfois avec la légalité et les plans d’urbanisme. Un président de la République française doit se donner les moyens d’affronter tout ce qui met en péril la France en tant que nation, c’est-à-dire en tant que constitution d’un peuple, héritier d’une histoire et porteur d’une culture, en une entité politique souveraine capable de traduire ses valeurs en organisation économique et sociale. Le reste n’est qu’un soubresaut de la société du spectacle dans un régime tranquillement totalitaire.

Cet article est publié dans
l’édition du Figaro du 15/04/2017.

 

9 commentaires sur Natacha Polony: Vous avez dit ‘président de la République’ ?

  1. Gilles Le Dorner // 1 mai 2017 à 12 h 39 min //

    NDA , à ras de terre , inexistant . Bien en dessous de l’ Espérance , France Espérance ,b fracture de France . Un envol valant peut-être même le mépris . Par delà les larmes , condoléances aussi . S’ aimant de ses dires , et dires en verlan et seules valeurs , « valeurs » au gré du vent , « Marine de tout mon cœur » , comme un commerce en somme , commerce des valeurs . Aux antipodes .

  2. Gilles Le Dorner // 30 avril 2017 à 6 h 16 min //

    De tant d’ années , hier , aujourd’hui et demain , la clique du FN , pour moi , c’est Non . Et pas besoin d’ un long discours à NDA double discours et grand écart entre les actes et les dires , c’ est Non , oui , froidement , simplement , lucidement , sans colère , c’ est encore Non . Vote blanc . Ne pas désespérer non plus . G. Le Dorner , 77 St Pierre les Nemours

  3. Ce serait une analyse correcte si justement les confrères de Mme Polony traitaient les candidats à l’élection qui (osent) s’expriment sur l’ingérence des US sur les politiques des autres pays n’étaient pas taxés de complotiste et traités avec condescendance.

    Le débat ne s’est pas ouvert à ces questions A CAUSE des journalistes qui ficellent les questions et réduisent les temps de parole.

    Les candidats doivent évoquer leur programme et répondre aux questions annexes en 8min !!! Sauf Macron soutenu par les principaux grands groupe de presse : tv, radio, presse écrite, il est partout.

    Certains candidats doivent en boucle d’une chaîne à une autre répondre invariablement aux mêmes questions toujours en 8min et l’approche journalistiques de certains journalistes n’est absolument pas objective.

    Ce serait bien que Mme Polony soit claire et objective à ce sujet au lieu de tout mettre sur le dos des candidats qui font avec ce qu’on leur donne.
    La situation désastreuse dans laquelle se trouve la France est principalement causée par le rôle que les médias y jouent. Au lieu d’informer honnêtement et de favoriser les débats constructifs nous nous retrouvons avec des infos superficielles, du spectacle, des animateurs qui se prennent pour des journalistes et choisissent quel candidat et pas un autre il vont recevoir dans leur émission. Affligeant !

    Les médias sont tous pro-europe aucun n’ose s’afficher contre (sauf sur le net les médias alternatifs) du coup nous n’avons eu aucun débat de fond sur le sujet sauf des sondages nous montrant qu’une majorité de français y était défavorable. Si c’est pas de la propagande ça !

  4. Madame Polony n’aurait-elle pas eu assez de temps pour écouter les itw de M. Asselineau chez ses confrères ?
    Il passe son temps à recadrer le débat en citant l’art.5 de la Constitution de la 5ème république qui traite justement des responsabilités du Président de la République en tant que garant des institutions :

    « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. »

    Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »

    C’est la raison pour laquelle il insiste si justement sur l’urgence absolue de quitter l’UE par l’art.50 car les négociations qui suivent peuvent durer jusqu’à 2 ans max.
    L’euro n’a plus beaucoup de temps à vivre. Il nous aura tous prévenu à temps pour faire changer les choses pour notre plus grand bien.

  5. Cette campagne présidentielle est une véritable usine à bulles….toutes plus grosses les unes que les autres. Bref beaucoup de pognon qui s’envole une fois de plus sans contribution positive à l’amélioration de la qualité de choix des français et des françaises pour un avenir meilleur !Les éoliennes politiciennes de nouvelle génération font des bulles, pas de quoi s’emballer mais peut-être de s’empaler !Le soubresaut du spectacle dénoncé par Mme Polony c’est bien cela !

  6. Arnaud Ducourthial // 15 avril 2017 à 20 h 51 min //

    L’Europe dans sa configuration actuelle, qui rappelons le n’est pas celle des origines, tue la fonction présidentielle. Aujourd’hui quelle marge de manoeuvre lui reste- t-il, presque aucune. Le Général de Gaulle se sera battu chaque instant depuis l’armistice de 1940 pour faire valoir au départ l’existence d’une France libre et ensuite pour lui maintenir une souveraineté que même nos amis Anglais aurait bien voulu nous amoindrir à l’occasion. A maintes reprises il a dû faire valoir l’indépendance de notre nation y compris face à nos alliés. Et Sarkozy, Gaulliste de pacotille, l’a renié en signant le traité de Maastricht ( que les Français clairvoyant avaient refusés ) puis celui de Lisbonne faisant, de la France une nation soumise à l’Europe et de son président une marionette dont Bruxelles tient les ficelles… Désolant !

  7. Déjà Le même questionnement en 1965

    Etre candidat à la Présidence de la République Française implique l’exemplarité et non pas les tripatouillages.

    C’est la qualité humaine première exigible attendue d’un ou d’une candidate à la fonction suprême.

    La majorité des Français est choquée par les révélations des affaires des dernières semaines. A n’en pas douter, il y aura sanctions lors du scrutin du 23 avril prochain quel que soit le programme affiché par un candidat qui tenterait de s’y réfugier pour faire oublier ses dérapages. Seront -t-elles fatales rien d’impossible surtout si ce premier tour devait se jouer dans un mouchoir de poche !

    Cette élection reste toujours l’alliance d’un homme (ou d’une femme) avec son peuple qui ne veut pas être trompé ni avant le mariage ni après la bague au doigt. Et quand on persiste à mentir malgré les criantes évidences, comment faire croire alors aux Français que les promesses d’une profession de foi électorale seront tenues si elles ne sont que tissus de mensonges ?

    Sur le rôle ensuite qu’incarnera le Président, l’exhumation d’images d’archives de l’Ina nous amène à la conférence du Président Charles De Gaulle du 9.9 1965 qui considérait que le Président de la République ne devait pas se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes.

    Il voulait que la France se maintienne en dehors de toute inféodation, subordination et que son destin ne dépende pas de mains étrangères.

    Il défendait le bon sens et la réalité face face aux mythes abusifs.

    La démocratie dans le sens étymologique du terme qui implique que le pouvoir s’exerce par un peuple et pour le peuple a perdu de sa superbe.

    RF 15.4.2017

  8. Rien à enlever
    Natacha vous êtes parfaite dans votre analyse
    Continuez à éclairer les esprits

  9. fremondiere // 15 avril 2017 à 9 h 08 min //

    a ma pauvre….la FRANCE est une structure, socialo – communiste depuis la fin de la guerre ,et en 2017 ,on continue a ignorer les vrais problèmes ,ou est passer la proportionnelle de MITTERRAND ,a la poubelle , tout comme le référendum de SARKOZY ,le célèbre NON. .donc nous aurons le MACRON ,de la célèbre banque , et le cirque va continuer ….

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*