Une promesse de candidat qu’on aurait pu différer !

La loi n°2016-274 du 7 mars publiée le 8 mars 2016 au journal officiel, est une bombe à retardement. Publiée et validée par le conseil constitutionnel, elle n’a jamais été secrète, ni votée en catimini. Les seuls responsables du silence qui l’a entourée sont les médias, qui ne lui ont pas réservé l’attention qu’elle méritait, ni deviné les prolongements qu’elle contenait. Pourtant elle change complètement la donne de l’accueil des étrangers en France. C’est la raison pour laquelle Assemblée et Sénat n’ont jamais pu se mettre d’accord. L’Assemblée nationale l’a votée toute seule.

Quand donc le pouvoir actuel et ceux qui vont suivre défendront-ils les intérêts de la France, alors que l’Union Européenne tremble, et se fissure sur ses bases devant la crise des réfugiés.

Alors que la Turquie exerce des pressions intolérables, que la France est en première ligne devant les réfugiés, et en état d’alerte maximale devant le terrorisme. Alors que le Premier ministre dit que nous sommes en guerre, et quand le microcosme politique se bat pour (ou contre) une déchéance de nationalité, voilà qu’on nous balance une loi qui ne sera pas perdue pour tout le monde. Un exemple : D’un côté on veut déchoir les uni ou les binationaux (on ne sait pas encore), et de l’autre on ouvre les vannes aux réfugiés. Et s’il y avait des malfaisants parmi eux ? Comprenne qui pourra. Il y en a bien d’autres…

Cette loi doit en premier faire passer deux directives européennes dans le droit français. Les directives européennes sont destinées à harmoniser la législation des pays membres, mais permettent des dérogations nationales. Les exigences européennes sont moins « performantes » que les nationales. Un Etat s’en inspire, mais peut faire autrement, selon sa politique envers les étrangers. Il en a le droit.

La loi en premier lieu généralise le titre de séjour pluriannuel pour l’ensemble des étrangers, après un an de séjour en France. Il s’agirait d’une simplification du droit au séjour des étrangers en France, qui en principe devrait favoriser leur intégration. Voire L’article 17 supprime la carte de séjour d’un an renouvelable cinq ans, avant d’avoir un titre de résident pour dix ans. Les cinq ans de séjour remis en question constituaient une période pour s’assurer précisément d’une bonne intégration. Il y aura désormais une carte de séjour de deux ou quatre ans délivrée au bout « d’un an d’un séjour régulier ». Désormais, quand expire un visa de long séjour d’un an, l’étranger peut obtenir le droit à un titre de séjour de deux ans, donc d’un séjour de dix ans au bout de trois ans sans renouvellement annuel, avant les dix ans. Cet article met surtout un terme au principe de l’annualité des cartes de séjour retenu par le CESEDA.

Bien que la simplification précédente vise à favoriser une intégration meilleure, ce point reste à démontrer. La mesure est couplée à un nouveau parcours d’intégration, « marqué par un renforcement du niveau de langue requis ». Mais lequel n’est pas quantifié, et si on s’en réfère à la directive européenne, il est du niveau basal de maternelle (A1) un tel niveau ne permet pas la communication, ni l’emploi, ni donc l’intégration. De qui se moque-t-on ? Accessoirement on créera un parcours marqué aussi par une redéfinition des prestations servies par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dont on ne sait rien. La suite au prochain numéro, ou circulez il n’y a rien à voir ? Les moyens d’intégration ne sont pas précisés.

Ensuite, dans l’idée louable de renforcer la position de la France dans l’accueil des « mobilités internationales » de l’excellence, de la création et de la connaissance, le passeport « talents » un titre de séjour valable jusqu’à quatre ans pour l’étranger et sa famille, constituera le titre unique ouvert aux investisseurs, aux chercheurs, aux artistes et aux salariés qualifiés, et des simplifications importantes pour favoriser l’emploi des étudiants étrangers qualifiés seront également mises en œuvre, mais on ne dit pas lesquelles. Un fourre-tout sans définition ni cadre.

L’article 13 concerne les clandestins malades sur le territoire français. Sera régularisé celui qu’on ne peut pas soigner correctement dans son pays. La loi précise, le droit au séjour « dans un sens protecteur » des étrangers malades, en prenant en compte la capacité du système de soins du pays d’origine à faire bénéficier les intéressés du traitement que leur pathologie requiert. Tout acquis aux problèmes humains que nous soyions, quand on voit le nombre réel des réfugiés, souhaitons qu’il n’y en ait pas trop. Quand on sait les abus d’une Aide Médicale d’Etat (AME) qui existe en France, au budget très opaque, lourd et en croissance exponentielle, on peut craindre de graves dérives  

L’article 33 concerne l’immigration irrégulière (clandestins) Il supprime la rétention administrative de cinq jours pendant laquelle le préfet peut garder en rétention, un clandestin le temps d’organiser son départ. La rétention passe désormais à 48 heures, autrement dit plus assez de temps pour organiser un retour dans le pays d’origine. Le juge des libertés pourra seul autoriser une prolongation. N’attendons rien d’autre de ce juge que l‘application de la loi, et qu’il n’ait pas trop de travail. Enfin, il y aurait de nouveaux outils dans la lutte contre l’immigration irrégulière, en assignant à résidence[1]* tous les étrangers, mais tout en précisant et encadrant les pouvoirs des forces de l’ordre. Comment peut-on imaginer que même une certaine rapidité administrative pourrait transformer cette assignation en mesure d’éloignement. On ne comprend pas bien ce que tout ça veut dire.  Tandis que cette loi interdit le placement en rétention des familles avec enfants. Ceux-là ne sont pas assignés ? Il suffirait donc d’avoir un enfant avec soi pour que les forces de l’ordre soient encore privées d’intervenir ? Enfin, il que veut-dire «la loi accroît le niveau des pénalités dues par les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations de contrôle » ?

Est-ce cela la lutte contre les passeurs ?

Mais voilà ce que dit l’article 59, mesure-phare. Le droit du sol est élargi ! Naguère la loi pour devenir Français, était « acquisition ou filiation ». L’acquisition était l’autre nom du droit du sol, c’est à dire celui de devenir français si on naissait en France. Ce fut mon cas personnel, né d’apatrides russes. Aujourd’hui l’histoire n’est plus la même. Deviendront français à leur majorité, ceux qui vivent en France depuis l’âge de six ans, qui ont suivi une scolarité obligatoire en France…lorsqu’ils ont un frère ou une sœur devenus Français par le droit du sol. Autrement dit on devient français, au moyen d’un droit (du sol ?) transmis par frère ou sœur, devenu eux-mêmes français par le droit du sol. Un droit par fratrie qui n’existait pas encore vient d’être inventé. Tandis qu’on commence à savoir que les terroristes se déplacent, et agissent en fratrie !

Voilà pour le fond de la loi,  soyons sérieux et pragmatiques : La République a des principes, utilisons les dans l’intérêt du pays. La Conjoncture ne se prête guère aujourd’hui à de telles décisions. Cette loi manque de flair. On cherche les ennuis et on les trouvera. Occupons-nous de la sécurité des Français d’abord, on y verra mieux et plus clair, tout humaniste qu’on soit.

Mais pour la forme rien à dire. Ce projet date de deux ans. Il modifie la loi CESEDA et il a été présenté au Conseil des ministres du 23/07/2015, et il a même demandé un important travail, que les médias n’ont pas répercuté dans l’opinion comme il le fallait, et il est passé inaperçu. Sans doute parce qu’il s’agit d’abord d’une modification du code de l’entrée et du séjour des étrangers (L.314-2) et de l’introduction dans le droit français d’une directive européenne. Seuls les députés de la Nation Philippe Foliot et Guillaume Larrivé l’ont vigoureusement combattu au nom de leur groupe. Ce texte a donc fait les aller et retour habituels et nécessaires entre l’assemblée nationale et le sénat, et même davantage. Car suite à un vote favorable de l’Assemblée 60 sénateurs au moins ont adressé une demande au Conseil Constitutionnel qui a censuré un article (décision du 3/03/ 2016, qui concerne le paragraphe VII de l’article 20 de la loi, jugé contraire à la Constitution). Toute la procédure a donc été reprise. De nouveau passage en commission, puis devant le Sénat (16/02/2016) aboutissant à une commission paritaire (Assemblée/Sénat) mais comme il n’y a eu aucune possibilité de trouver un accord, la discussion ne pouvant se passer qu’entre le rapporteur et les représentants des partis politiques représentés, cela a permis après une seule lecture à l’assemblée le vote de la Loi par l’Assemblée nationale seule, le PS étant majoritaire, et le projet présenté par la majorité est donc passé.  D’autant qu’il s’agit d’une promesse électorale du futur Président de la République.

Aujourd’hui, la situation est un fait accompli, qui ne s’est pas fait en catimini, mais régulièrement avec même un important travail parlementaire, qui a duré 2 ans. La loi existe restent les décrets d’applications. Que va-t-il se passer ? L’avenir n’est pas écrit. Aujourd’hui nous ne pouvons rien faire d’autre que de porter un jugement. Le premier est que la loi pèche par sa faiblesse de n’être ni précise, ni encadrée. Des abus des dérives sont possibles. Et comme toujours les étrangers ont des droits, mais où sont leurs devoirs ?

 

Jack Petroussenko


[1] Une assignation à résidence a lieu quand une autorité administrative ou un juge impose à une personne de résider dans un lieu déterminé pour des raisons diverses.


 

7 commentaires sur Une promesse de candidat qu’on aurait pu différer !

  1. Edmond Romano // 8 avril 2016 à 18 h 26 min //

    Revenez, Mon Général, ils sont devenus fous!!!

  2. A J Petroussenko;
    « D’autant qu’il s’agit d’une promesse électorale du futur Président de la République »…voyons, voyons mais les dès seraient déjà jetés ?
    Bon on a peut être compris qu’il s’agissait d’une promesse de Hollande version 2012.Le problème concernant tous ces visiteurs soudainement attirés par la France est qu’ à l’image de tous ces politicards profiteurs de la République, gauche et droite confondues, ils seront peu ou prou tous traités à la sauce du plus grand profit dénominateur commun des largesses du contribuable français dans l’obtention sans contrepartie légitime de droits exhorbitants que la légitime Humanité ne justifie pas totalement. Mais soyons positifs,Migrants ,demandeurs d’asile, clandestins infiltrés, quelque soient leurs destins, contribuent néanmoins positivement à la création d’emploi dans les secteurs juridiques,police, gendarmerie, justice ONG, et autres services publics qui actuellement débordés vont devoir embaucher principalement des fonctionnaires !C’était peut être cela ce qu’avait en tète le candidat Hollande…Allez savoir ?
    Une fois encore le problème de fond reste entier dans la confusion entrenue politiquement entre Buts poursuivis et Moyens .

  3. J.Payen,
    La France est signataire de 6686 traités internationaux toujours valides… Alors même si l’on dénonce les traitéts de l’Union Européenne., nous ne serons pas en mal de relations internationales et comme vous le dites, nous pourrons en signer d’autres, y compris avec des pays avec qui la politique étrangère de Bruxelles nous empêche de le faire.
    Par ailleurs, la France est le second pays du monde pour ses représentations consulaires, après les États Unis…
    Quand au savoir-faire de nos diplomates, il n’a d’égal que la richesse de notre histoire et a été illustré pour la dernière fois par Dominique de Villepin dans son célèbre discours à l’ONU…
    C’est ainsi que la France sera à nouveau respectée, non seulement à l’étranger, mais par les Francais eux-mêmes…
    Notre premier devoir est évidemment de sortir de l’UE pour nous libérer de nos entraves…

  4. Delaisse Jean-Paul // 30 mars 2016 à 11 h 50 min //

    …Et nous retombons (inévitablement) sur le fait que, depuis 1975, tout se termine à vau-l’eau lentement mais surement ! Bravo nos gouvernants, qui, contrairement au Général, n’ont eu, et n’ont pas, de vision de l’avenir. Ainsi, leurs décisions aboutissent à du n’importe quoi, et ils se retrouvent tout ballots (mais toujours imbus et fiers comme des coqs) de subir des directives extérieures, s’imposant aux pays (dont nous).
    Ces directives sont d’ailleurs issues de technocrates ayant encore moins de visions qu’eux, encore plus imbus de leur puissance, nommés sur on ne sait trop quels critères, mais surement pas de capacités.
    Résultat sur un TPI (qui fonctionne à quelle occasion ?), sur des « droits de l’homme » réattribués sans distinctions, sur des orientations de vie courante proches de la débilité.
    Dans la catégorie, une directive des plus savoureuse aura été les discussions, oh combien importantes !, sur le fait d’attribuer des numéros aux sorties d’autoroute, au prétexte que l’indication d’un lieu, fusse-t’il historique, était préjudiciable aux autres communes attenantes à cette sortie, car elle demeuraient ainsi « inconnues » !!!
    Bravo à nos élus européens, « voilà une place qu’elle est bonne » aurait dit Coluche !!

  5. Par extension à ces aberrations de gouvernance de peuples,qui se disent unis dans la singularité de leurs propres législations c’est ainsi que des terroristes identifiés en Belgique peuvent faire valoir leur droit de ne pas être extradés vers la France pour y être jugés !!!!On rêve sur l’horreur !
    Devant la multiplication des actes terroristes la question que l’on se pose est de savoir si les Etats sont vraiment UNIS dans la lutte ?
    Apparemment NON. Alors qu’il fallut après de très longues attentes mettre en oeuvre un TPI pour les criminels de guerre, n’étant pas en guerre juridiquement établi contre un Etat mais en lutte
    contre des FOUS du FLOU, il nous faudrait créer une instance supra nationale pouvant traduire tous ces « fêlés » psychiatriquement hautement concernés devant un tribunal International ad ‘hoc et donc créer un Tribunal Pénal International pour Terroristes et autres empêcheurs de vivre en paix !
    Cette création permettrait au moins d’authentifier la réelle volonté des Etats à lutter et à disqualifier ceux qui n’adhéreraient pas !
    Qu’en dites-vous ?
    Bien conjointement dans la tourmente ,
    JC BAERT

  6. Edmond Romano // 29 mars 2016 à 11 h 36 min //

    Où est l’Europe des Nations telle que la voulait le Général? L’harmonisation des législations est toujours faite au moins disant. Insidieusement, en catimini, nous sommes conduits vers une Europe fédérale dans laquelle les Etats seront des Régions. Cette voie ouverte par Giscard d’Estaing nous conduit droit dans le mur.

  7. Les Traités européens imposent la transcription des Directives (qui sont des Lois) en droit national.

    Discuter de la position des virgules reste secondaire.

    La seule solution est de dénoncer les Traités européens.(Quitte , évidemment, à en renégocier, qui préservent nos intérêts).

    Tout le reste est bavardage.

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