Chevènement : je ne suis plus socialiste depuis longtemps
Jean-Pierre Chevènement était l’invité des Matins de France Culture, mardi 11 novembre 2014. Il répondait aux questions de Marc Voinchet.
Verbatim express :
11 novembre
- Le premier mort pour la France en 1914 est tombé sur le territoire de Belfort : c’était le caporal Peugeot. Il a trouvé la mort la veille du jour où l’Allemagne a déclaré la guerre à la France. Cela illustre la différence d’état d’esprit entre les deux armées. L’armée française avait reçu l’ordre de reculer à 10 kilomètres de la frontière, pour qu’on ne puisse pas dire que l’offensive vienne de la France. L’armée allemande effectuait une reconnaissance à cheval, apparemment sans trop de précautions, et finalement ça a tourné à la fusillade.
- Belfort a moins souffert qu’on ne le dit en 1914-1918, car Belfort avait résisté en 1870-1871. Les Allemands en avaient gardé un très mauvais souvenir, et n’ont pas cherché à pénétrer par là.Affaire Fillon/Jouyet
- Je suis affligé, mais je ne suis plus socialiste depuis longtemps.
- C’est une affaire subalterne. Fillon et Jouyet déjeunent ensemble. Personne n’a enregistré le déjeuner. A ma connaissance, ce déjeuner n’avait pas du tout pour objet les affaires dont on parle, mais des démarches que François Fillon voulait entreprendre à la Commission de Bruxelles.
- Il y a peut-être une trop grande promiscuité aujourd’hui entre les politiques et la presse. Il y a un proverbe qui dit : « Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre». Aujourd’hui, il n’y a plus que des valets de chambre en France. Nous savons tout. Les hommes politiques sont placés sous un régime de vidéo-surveillance. De Gaulle disait que l’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans éloignement.
Sur le niveau de la classe politique aujourd’hui
- Le système médiatique a beaucoup évolué. Je pense que cela explique l’essentiel. Les hommes politiques sont dans la communication. Ils préparent leur petit « coup » du lendemain, plutôt que de s’occuper de préparer l’avenir, ce qui implique qu’on lise, qu’on travaille, qu’on étudie les dossiers…
- J’entends dire qu’il y a des hommes politiques qui ne lisent plus du tout ! Moi je lis un ou deux livres par semaine. Je l’ai toujours fait, même quand j’étais ministre !
- J’ai connu des grands ténors de la Quatrième République. Je vais citer des gens qui étaient vraiment très supérieurs : Edgar Faure, Pierre Mendès France, François Mitterrand, je les ai tous connus personnellement. C’était des gens qui avaient une culture littéraire, beaucoup d’esprit, une grande classe, une rigueur, une déontologie. Vous pouvez relire aujourd’hui ce qu’ils écrivaient, c’est quand même d’une autre tenue que ce qui se fait aujourd’hui, et même depuis longtemps. Je me souviens que François Mitterrand disait de Jacques Chirac : « Il parle comme une machine à écrire ». C’était au début des années 1970.
Présidence de la République, République et Europe
- François Hollande a absolument besoin de parler aux Français, en leur donnant le sentiment de fixer un cap. Vous me direz, il le fait : la compétitivité. Et je l’approuve, c’est nécessaire. Mais tout cela n’est peut-être pas intégré à une vision roborative de l’avenir pour les Français, c’est à dire qu’ils ne voient pas le bout du tunnel. Et pourquoi ne voient-ils pas le bout du tunnel ? Parce que la monnaie unique juxtapose des économies hétérogènes, les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent toujours plus, et nous sommes accablés par des dispositions d’un traité, le TSCG, qui veut que nous réduisions très rapidement notre déficit budgétaire. Heureusement, il y a une certaine baisse de l’euro actuellement, mais on voit que toute cette affaire-là a été mal calibré.
- Pour moi qui aie combattu la monnaie unique, dès le traité de Maastricht, je vois malheureusement aujourd’hui les résultats de ce qui était prévisible hier.
- J’ai été partisan de l’instauration du quinquennat. Je le regrette, parce que cela a contribué à enlever au Président de la République cet empattement large qui devait être le sien dans l’esprit de de Gaulle.
- De Gaulle avait défini le Président de la Ve République comme devant être l’homme de la nation. Par conséquent, il ne pouvait pas être l’homme d’un parti. Or nous sommes revenus à un régime de parti : ce sont les partis qui comptent. Le général de Gaulle s’est trompé lui aussi, par l’instauration de l’élection du Président de la République au suffrage universel : il a favorisé la bipolarisation de la vie politique française. Les hommes politiques ne font pas toujours ce qu’ils veulent…
- Je pense qu’on attend de François Hollande qu’il soit l’homme au-dessus de tout le monde, au-dessus de la droite, au-dessus de la gauche, qu’il parle aux Français de la France, et du rôle de la France dans une Europe qui a beaucoup changé. Car il y a un malaise aujourd’hui, qui tient à ce que les Français ne voient plus très clairement ce que pourrait être le rôle de la France dans l’Europe de demain.
source : http://www.chevenement.fr/La-conception-de-l-Europe-actuelle-ne-marche-pas_a1671.html
Depuis le 21 avril 2002 Chevènement a perdu toute crédibilité politique et il peut bien émettre toutes les analyses qu’il veut cela ne change pas la donne politique.
De plus il se trompe sur l’élection du Président au suffrage universel, c’est plutôt le mode de scrutin qui a engendré le bipartisme et l’on peut envisager un autre mode de scrutin pour désigner la représentation nationale.
Il s’est trompé sur le quinquennat: il était évident que cela entrainerait l’abaissement de la fonction présidentielle à celle de super-premier ministre et chef de la majorité parlementaire et par ricochet celle de premier ministre à celle de directeur de cabinet du président.
Tous les pseudos héritiers du Général, Chirac le premier, en sont largement responsables.
L’on m’objectera que le système de la proportionnelle favoriserait le Front National.
A quoi l’on doit répondre par des actes. Les politiques se réclamant d’une opposition au Front National doivent, sans délai, poser des actes forts qui auront pour effet de détourner les Français de ce vote funeste. Les politiques, qu’ils soient de droite, de gauche, que leurs actes soient d’inspiration gaulliste ou socialiste, doivent penser avant tout au bonheur de leur peuple.
Le bipartisme n’est pas seulement dû à l’élection du président de la République au suffrage universel, mais aussi à une organisation de la vie politique, qui pousse au duel entre deux partis qui souhaitent participer au gouvernement. L’introduction d’une dose de proportionnelle pourrait faire partie des outils qui combattraient cette logique pour une bonne part.
Je suis d’accord avec ce qu’exprime Monsieur Jean-Pierre Chevènement, excepté pour l’élection du président de la République au suffrage universel. Il m’apparaît nécessaire que l’ensemble des Français puisse avoir un contact direct avec le plus haut degré de l’exécutif ; il s’agit là d’une des conditions nécessaires à mes yeux de citoyen français bonapartiste pour que le peuple puisse garder un contrôle sur des décisions qui après tout, le concernent.