À Nikita Khrouchtchev, de Gaulle réaffirme son souhait d’un désarmement global.

 

17 février 1962

Monsieur le président,

J’ai pris connaissance du message, daté du 10 février, que vous avez ait remettre à mon adresse par l’ambassade de l’Union soviétique à Paris au ministère des Affaires étrangères et qui contient vos suggestions quant la manière de traiter, dans un proche avenir, les problèmes du désarmement.

Vous savez l’importance essentielle que j’attache à ce problème. De sa solution dépendent, en effet, non seulement la sécurité et la vie de notre espèce ainsi que la possibilité d’une rénovation complète des relations internationales, mais aussi la mise en œuvre de cette tâche fondamentale de notre époque qu’est l’aide aux pays les moins développés. …

… C’est vous dire à quel point la France est désireuse de prendre part à toute négociation qui pourrait offrir l’espoir d’un progrès, fût-il modeste, dans la direction du désarmement, c’est-à-dire d’abord et essentiellement u désarmement nucléaire.

Pour avoir une chance d’aboutir, il est, suivant moi, nécessaire que la négociation ait lieu entre les puissances qui disposent d’armes nucléaires ou vont incessamment en disposer. On ne voit pas en effet comment la participation d’États qui n’ont pas actuellement de responsabilité directe dans ce domaine pourrait conduire à des résultats positifs.

D’autre part, il me paraitrait tout à fait injustifié de prétendre limiter la discussion aux expériences nucléaires en n’entreprenant pas le désarmement proprement dit. Pour éloigner le danger et alléger le fardeau que les armes atomiques font peser sur l’humanité, ce n’est pas de l’arrêt des expériences qu’il doit s’agir essentiellement, mais bien, comme vous l’avez souvent déclaré vous-même, de la destruction des armes existantes et de l’interdiction d’en fabriquer de nouvelles. La cessation des expériences ne serait en aucune façon par elle-même un début de désarmement et le monopole des pays qui possèdent l’arme nucléaire et qui garderaient par-devers eux ce moyen décisif de domination n’en serait pas le moins du monde entamé.

Il me paraitrait vain, également, de vouloir que la destruction des armes soit réalisée sans qu’ait été mis sur pied et en fonctionnement un système de réel contrôle. Quelle puissance acceptera jamais d’anéantir ses propres moyens sans pouvoir contrôler qu’on en fera de même dans l’autre camp ? Il est vrai qu’étant donné les quantités d’armes atomiques existantes, leur dispersion, le fait qu’il est très aisé de les dissimuler, personne ne pourrait le cas échéant être certain qu’elles seraient détruites, quand bien même seraient utilisés tous les procédés imaginables de contrôle. C’est pourquoi la France n’a pas cessé de préconiser que la destruction, l’interdiction et le contrôle soient appliqués, pour commencer, aux moyens de lancer les armes nucléaires : rampes, avions, sous-marins, etc. Ces moyens semblent en effet, aujourd’hui encore, susceptibles d’être décelés et, d’autre part, les abolir, ce serait, sans nul doute, supprimer presque entièrement le danger atomique lui-même.

Une fois de plus, je puis vous dire, monsieur le président, que la France est prête à participer à des entretiens qui s’ouvriraient entre les puissances atomiques : Union soviétique, États-Unis, Grande-Bretagne. France, et qui prendraient comme objectif immédiat la destruction, l’interdiction et le contrôle de tous les moyens de lancement des projectiles nucléaires. Je souhaite vivement qu’il vous soit possible d’adopter une telle procédure.

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