Du FMI ou de Bruxelles, qui est le plus sévère avec l’Irlande ?

 

clip_image001«Heureusement que le FMI est dans les négociations...» Ce n’est pas une blague : dans une Irlande en pleine crise, la phrase, entendue à plusieurs reprises ces derniers jours dans la bouche d’économistes et observateurs inquiets, traduit un état d’esprit assez répandu sur l’île. Face à l’intransigeance de l’Union européenne pour négocier le plain d’aide, tout s’est passé comme si le Fonds monétaire international (FMI) avait presque fait figure d’allié, pour adoucir les angles de la rigueur.
 

Photo : Manifestation contre l’austérité, samedi, à Dublin : de mauvais à pire…

Passage en revue des désaccords entre les deux partenaires, alors que le plan d’aide de 85 milliards d’euros, dévoilé dimanche 28 novembre, n’a pas réussi, loin s’en faut, à convaincre les marchés.

1 – Que prévoit le plan ?

Les subtilités ne sont pas encore connues mais les grands équilibres, eux, ont été arbitrés. Par rapport au «sauvetage» de la Grèce au printemps, l’échafaudage s’est complexifié. Ce bailout plan repose sur trois piliers. D’abord, l’Irlande elle-même a décidé de puiser 17,5 milliards d’euros dans son fonds national pour les retraites (utilisé, ainsi, pour recapitaliser ses banques, cherchez l’erreur…). Le FMI apporte quant à lui 22,5 milliards. A Bruxelles revient le gros de l’enveloppe – 45 milliards.

Dans le détail, les choses se compliquent. L’Europe va en fait piocher dans deux fonds, complétés par des prêts bilatéraux. Une première part (22,5 milliards) sera débloquée du Fonds de stabilité financière, cette structure créée au printemps, en pleine crise grecque, au sein des membres de la zone euro, pour aider l’un des leurs. S’ajoutent à ce premier fonds, trois prêts bilatéraux conclus avec Dublin, de la part de pays non membres de la zone euro (Danemark, Grande-Bretagne, Suède). Enfin, un tout nouveau «mécanisme de stabilité», géré lui par la commission européenne, et potentiellement destiné aux 27 membres de l’Union, apporte la seconde moitié.

Le contribuable français va donc être mis à contribution pour le «sauvetage» irlandais via trois des quatre étages de la fusée (les deux fonds européens et le FMI, proportionnellement, à chaque fois, aux quotes-parts de la France dans l’institution).

2 – A quel taux de remboursement ?

Aucun remboursement n’est exigé durant les trois premières années après l’enclenchement du plan. Le taux moyen, et susceptible d’évoluer à la hausse ou à la baisse au fil des mois, est de 5,8%. C’est un peu mieux que ce que redoutaient les journaux irlandais en fin de semaine dernière – le taux de 6,7% avait été annoncé à grands cris.

  •  Pas touche à l’impôt sur les entreprises
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Mais cela reste très supérieur au plan grec conclu au printemps (5,2%), et très élevé vu les modestes perspectives de l’économie irlandaise en 2011. Concrètement ? Des traites gigantesques d’environ 5 milliards d’euros par an, pour rembourser les prêteurs. «Un taux brutalement extravagant», écrit l’éditorialiste vedette de l’Irish Times Fintan O’Toole. Le FMI, lui, a répondu lundi 29 novembre aux critiques : «C’est un taux bien meilleur que celui auquel l’Irlande peut emprunter sur les marchés aujourd’hui.» En fait, comme l’a rappelé l’Américain Paul Krugman, c’est le taux auquel l’île empruntait pas plus tard qu’en septembre et qui posait déjà beaucoup de problèmes à son économie… 

Sur ce point, en tout cas, aucun doute : l’argent prêté par le FMI coûte beaucoup moins cher que celui de l’Europe. Et c’est la commission qui, jusqu’au bout, a milité pour un taux à plus de 6%, selon la presse locale. Le parti d’opposition irlandais Fine Gael, favori pour le scrutin du printemps prochain, avait prévenu qu’il comptait rediscuter tout accord basé sur un taux supérieur à 5%. A voir. 

3 – L’austérité sur combien d’années ?

Là encore, le FMI s’est montré plus coulant que les négociateurs européens. C’est lui qui a obtenu l’allongement d’un an de la période accordée à l’Irlande pour rentrer dans les clous budgétaires. C’est-à-dire pour ramener son déficit, aujourd’hui à 32% du PIB, à 3%, conformément au traité de Maastricht. La date-limite n’est plus 2014, mais 2015. Ce modeste report devrait permettre d’alléger, à la marge, les mesures d’austérité, en étalant leur mise en œuvre. Même si, sur le fond, les deux prêteurs ont applaudi au plan d’économie de 60 milliards d’euros dévoilé par le gouvernement, qui devrait être adopté le 7 décembre prochain par l’Assemblée.

4 – Quel avenir pour l’impôt sur les entreprises ?

C’est le point présenté, à Dublin, comme une vraie victoire : le taux d’imposition des bénéfices des entreprises va rester inchangé, à 12,5%. Indispensable aux yeux de l’Irlande pour la reprise économique. Paris et Berlin avaient pourtant fait du relèvement de la fiscalité irlandaise une condition sine qua non au déblocage du prêt. Peine perdue – selon la presse locale, le FMI a lâché le premier sur cette spécificité irlandaise. En moyenne, les entreprises sont imposées à hauteur de 27% dans la zone euro, et la fiscalité très avantageuse de l’Irlande passe, aux yeux de certains Européens, comme une concurrence déloyale pour leur propre économie.

5 – Les créanciers privés mis à contribution ?

Encore un désaccord entre le FMI et Bruxelles : fallait-il ou non faire participer les créanciers privés des banques irlandaises, détenteurs de dette publique, dans le plan de sauvetage ? Le FMI était pour, afin de soulager un peu le contribuable, déjà mis à contribution, et plutôt deux fois qu’une, dans ce plan de sauvetage. La Commission européenne a pour sa part refusé (à l’encontre de certains de ses Etats membres, dont l’Allemagne), de peur de déstabiliser les marchés d’obligations ailleurs en Europe. Bruxelles l’a emporté, comme le confirment les déclarations lundi du commissaire européen Olli Rehn à la presse irlandaise.

 

 

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