Roms: quoiqu’en dise Reding, l’Union est responsable !
- Par Eric Conan – Marianne2.fr
Les dérapages incontestables du gouvernement ne doivent pas occulter l’énorme responsabilité de l’Union européenne dans la situation catastrophique des Roms. Viviane Reding énonce des principes que doivent appliquer des états qui ne le veulent ou ne le peuvent pas, à l’instar de la Roumanie qui n’a consacré que 175 millions d’euros aux Roms sur des milliards de subventions européennes.
A force de s’ingénier à mettre du sel sur les plaies au lieu de se demander comment les soigner, le sarkozysme finit par rendre service à ceux qui les ont ouvertes. Ainsi de la pénible polémique sur les Roms. En hystérisant et en instrumentalisant politiquement tout ce qu’il touche, non seulement le président pourrit les débats en exploitant les problèmes plutôt que de chercher à les résoudre, mais il dédouane les vrais responsables. En l’occurrence l’Europe, qui se donne aujourd’hui le beau rôle en condamnant la France et ses inacceptables et condamnables opérations de stigmatisation, du discours anti-Roms de Grenoble à la circulaire discriminatoire qui en était la traduction administrative.
Ces fautes permettent aux Commissaires européens de faire un peu trop facilement oublier que si des « sujets Roms » – et non la population des Roms – posent de plus en plus de problèmes d’occupations illégales dans la plupart des pays d’Europe de l’ouest, c’est avant le tout le résultat d’une maladie bruxelloise bien connue : un fonctionnement juridique et procédural qui pratique le déni des réalités aussi bien avant les prises de décisions qu’après, lors de leur application. C’est la langue de Viviane Reding, Commissaire européen en charge de la justice : un monde en apesanteur fait de « droits », de « valeurs communes » et de « principes européens ». Elle laisse le réel aux Etats. Quelque chose ne tourne pas rond dans cette conception procédurale de la construction européenne – le primat donné aux principes sur l’efficacité politique – et la question des Roms en constitue un beau cas de figure.
Nombreux furent ceux qui alertèrent en effet Bruxelles avant qu’il ne soit question d’intégrer la Roumanie et la Bulgarie : il y avait dans ces pays plusieurs millions de Roms maltraités et discriminés, véritables sous-citoyens dans ces contrées pauvres et leur accorder la libre circulation ne pouvait qu’entraîner leurs déplacements, lesquels déboucheraient sur plus de problèmes que de solutions. Depuis 2007 ces craintes sont confirmées. Mais elles restent hors sujet pour Bruxelles où il n’y a qu’un qui tienne : la libre circulation.
Que des populations qui continuent de faire l’objet de discriminations quotidiennes dans un pays désormais membre à part entière de l’Union n’aient comme liberté que celle de circuler d’un bidonville à un autre dans les pays voisins n’indigne pas les grandes voix européennes…
Le problème Roms était essentiellement un problème roumain. L’Europe n’a pas réussi à faire de sa résolution une des conditions de l’adhésion de la Roumanie. Celle-ci s’en débarrasse aujourd’hui sur les autres en poursuivant des pratiques au moins aussi condamnables que les désolants discours français. Bruxelles estime avoir la conscience tranquille en précisant que le Fonds social européen a mis à la disposition de la Roumanie près de 20 milliards d’Euro de 2007 à 2013 pour « l’insertion des groupes vulnérables ». Mais ne se préoccupe pas de savoir que c’est le cadet des soucis de la Roumanie qui n’a utilisé que 175 millions au bénéfice de l’insertion des Roms…
Depuis qu’est morte « l’Europe sociale » de Jacques Delors, qui promettait l’harmonisation économique, fiscale et sociale par le haut, l’Europe se transforme en terrain de jeu où chaque pays membre est libre de se servir selon ses intérêts au nom de la règle minimale mais sacrée de la libre circulation des capitaux, du travail. Et des problèmes. C’est ce qu’a vite compris la Roumanie, faisant preuve d’un cynisme et d’une mauvaise foi crasses. C’était déjà le message de la célèbre circulaire Bolkestein adressée aux nouveaux adhérents : il n’y a plus assez d’argent à distribuer comme au temps de l’entrée de l’Espagne, de la Grèce et du Portugal, alors servez-vous au moyen des délocalisations et des dumpings salariaux et fiscaux. Une Europe qui ne comprend pas la déception qu’elle provoque ainsi chez les peuples européens à force de mettre en concurrence ses Etats-membres comme l’a illustré l’affaire du plombier polonais.
Mise en concurrence des statuts fiscaux, des systèmes d’assistance sociale, des prolétariats, des pauvres. Car il ne faut pas l’oublier, les désagréments provoqués par l’errance des malheureux Roms, de bidonvilles en bidonvilles, ne sont pas également répartis au sein des populations. Ce sont toujours les moins bien lotis dans le ghetto urbain qui en font les frais. Les habitants des banlieues et des zones rurales plus que ceux des centres villes. Les fonctionnaires européens et leur très confortables émoluments ne doivent guère y être sensibilisés. C’est évidemment un argument que d’aucuns qualifieront de « populiste ». En voilà un autre : sait-on que Paris, ville à municipalité socialiste depuis pas mal de temps ne respecte toujours pas la loi sur l’accueil des gens du voyage ?
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