Villepin « Le moment venu, je verrai les attentes des Français
En créant son mouvement, l’ancien Premier ministre
se pose en rival de Nicolas Sarkozy.
- David Le Bailly – Paris Match
Paris Match. Pourquoi lancez-vous un mouvement politique ?
Dominique de Villepin. En politique, si l’on veut peser, il ne suffit pas de parler derrière un micro. Depuis plusieurs années, la majorité a tendance à se rétrécir, à ne pas assez écouter ses différentes sensibilités, en particulier les gaullistes.
Pourquoi alors rester à l’UMP ?
Je suis issu de la majorité. Comme Premier ministre, j’ai été chef de cette majorité. J’ai une place dans les instances de cette famille politique.
Pourquoi ne jamais avoir été candidat à une élection ?
Les circonstances ne se sont pas présentées.
Vous auriez pu, lors des législatives de 2007 ?
Quand j’ai quitté Matignon, j’envisageais de me consacrer d’une autre façon au service des Français, à travers une fondation pour la paix ou des initiatives en matière sociale. Du fait du procès Clearstream, je n’ai pas pu poursuivre dans cette voie.
Vous seriez prêt, aujourd’hui, à franchir le pas ?
Nous verrons quelle sera la situation au cours des prochains mois. Et quelles seront les attentes et les envies des Français.
Votre démarche, ni droite ni gauche, a rarement été couronnée de succès.
Cela a aussi été la démarche de Georges Pompidou. Compte tenu de la crise que nous traversons, il faut aller vers un rapprochement sur certains grands sujets. Revenir à l’équilibre budgétaire demande douze années d’efforts. Comment y parvenir s’il n’y a pas un contrat entre les responsables politiques et avec le peuple français ? Nous sommes tous d’accord pour lutter contre les déficits. Définissons ensemble une norme contraignante que l’on inscrirait dans la Constitution.
Sur le plan économique, il y a des différences entre la gauche et la droite…
C’est bien pour cela qu’il faut un pacte ! En matière fiscale par exemple, des personnalités de droite – Jean-François Copé, ou de gauche, François Hollande – se retrouvent sur certains points. Pourquoi ne pas réfléchir ensemble sur la retenue à la source de l’impôt sur le revenu, ou sur l’idée de réunir l’impôt sur le revenu et la CSG ?
Vous parlez de rassemblement. Quelle différence avec la politique d’ouverture de Nicolas Sarkozy ?
On ne peut pas ramener la politique à un système de débauchage. L’ouverture, c’est sur des idées, des projets. Ce n’est pas mettre de nouveaux scalps à sa ceinture. Au contraire, cela ne fait que donner le sentiment de la manipulation.
On a l’impression que, selon vous, Nicolas Sarkozy n’a pas les épaules pour être président ?
Il serait ridicule de contester la légitimité présidentielle. Nicolas Sarkozy a été élu ; il est président de tous les Français. Et ce que je me tue à répéter depuis trois ans, c’est que cela crée des devoirs, là où on a l’impression que seul son sentiment personnel l’emporte.
Si Nicolas Sarkozy vous proposait d’entrer au gouvernement, seriez-vous prêt à accepter ?
Cela n’a pas de sens ! Mon rôle est d’offrir une alternative, de faire bouger les idées. Ce n’est pas de revenir dans un gouvernement où j’ai été pendant cinq ans et que j’ai dirigé pendant deux ans.
Pourriez-vous vous rallier à Alain Juppé qui s’est déclaré prêt à se présenter en 2012 ?
Alain Juppé est un ami de très longue date. Et je suis avec beaucoup d’affection et d’intérêt ce qu’il fait et ce qu’il dit. Le moment venu, je jugerai de l’opportunité d’aller dans un sens ou dans un autre.
Avez-vous des soutiens financiers ?
Nous ne recevrons pas de contribution de l’Etat ni des grandes formations politiques. Je tiens à cette indépendance. Nous ferons avec le soutien de nos adhérents, sur la base du bénévolat et de l’enthousiasme.
Cela peut-il suffire pour une campagne présidentielle ?
Oui.
L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac a poursuivi ce vendredi son tour de France par la Haute-Saône, « à l’écoute du terrain ». Au menu, la crise agricole.
C’est « loin des rumeurs parisiennes et du microcosme parisien » que Dominique de Villepin a fait étape ce vendredi en Haute-Saône. D’abord à Froideconche dans une usine de transformation de bois, puis en assistant à l’assemblée générale des Jeunes agriculteurs de ce département à Noidans-les-Vesoul. L’ancien Premier ministre, qui vient de lancer son club politique, a consacré l’essentiel de sa visite à l’agriculture qui connaît « la crise la plus grave depuis plusieurs décennies ».
« Perdre la moitié de son revenu en deux ans suscite évidemment des inquiétudes », a constaté Dominique de Villepin. Même si certains lui ont fait comprendre que lorsqu’il était à Matignon il n’a pas tout réglé, le climat est resté serein. « Votre présence est un signal fort », a pris acte le responsable des Jeunes agriculteurs. « Vous êtes une chance pour notre pays», a répondu l’ancien Premier ministre.
Au-delà des échanges convenus, ce dernier en a tout de même profité pour titiller l’Elysée sans pour autant égratigner Bruno Le Maire, un de ses proches. « Il y a une prise de conscience du ministre de l’Agriculture, encore faudrait-il que cette ambition soit défendue par tous. Ce combat doit être mené au sommet de l’Etat. C’est au plus haut niveau que l’exemple doit être donné », a insisté Dominique de Villepin. Le message ne peut être plus clair.
Jour après jour, l’ancien compagnon de route de Jacques Chirac prend ses distances avec Nicolas Sarkozy. Comme son ancien mentor il a démontré sur le mode « anti bling-bling » qu’il savait trinquer et se comporter dans une étable. A l’occasion d’une visite de ferme, parcourue dans tous les sens, Dominique de Villepin, après un petit coup de traite à la main, a bu du petit lait… à la grenadine.
Il a pris des forces dans la perspective du lancement de son parti le 19 juin. Un lien avec l’appel du 18 juin? « C’est le premier jour à partir duquel on se met au travail », a-t-il souri en revendiquant effectivement l’héritage du gaullisme et en précisant que « ce mouvement ne ressemblera à aucun autre, ce ne sera pas un énième parti ». Il n’a pas confirmé l’appellation PRS (Pour un Rassemblement Solidaire) qui circule dans la presse depuis quelques jours.
En vertu du principe selon lequel «le terrain est un élément de sérénité indispensable », Dominique de Villepin va parcourir le pays autour d’une nouvelle thématique à chaque étape. Comme Nicolas Sarkozy… Mais avec un certain détachement, contrairement au président de la République. « Il vaut mieux avoir l’œil rivé sur le cul des vaches plutôt que sur les sondages », a lâché Dominique de Villepin sur les terres du député UMP Michel Raison, désormais villepiniste convaincu, et ancien agriculteur.
Villepin vanne Sarkozy 9 avril 2010
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