Zone euro : l’analyse qui donne froid dans le dos
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Par Institut Turgot (Texte au format PDF)
Ceci est sans doute l’une des meilleures études jamais publiées sur l’euro depuis sa création. Son auteur, Bernard Connolly, est un ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne, dont il a été brutalement congédié, en 1997, après avoir publié un ouvrage magnifiquement prémonitoire (The Rotten Heart of Europe)
Jusqu’au début de la crise financière mondiale, l’Union monétaire européenne était peut-être l’exemple au monde le plus flagrant d’un système Madoff (Ponzi Scheme) à grande échelle.
Plusieurs pays de la zone euro (l’Espagne, la Grèce, le Portugal et l’Irlande), avaient des déficits courants élevés ou croissants, que ne justifiaient ni l’attrait d’une croissance rapide de la productivité ni celle de taux de rentabilité attendus sur les investissements. En fait, la croissance de la productivité ne cessait de diminuer, alors que les déficits y augmentaient.
L’Espagne, par exemple, avait enregistré une croissance effectivement nulle de la productivité totale des facteurs depuis le début de la décennie : une grande partie de son taux de croissance relativement rapide ne provenait que d’une baisse du chômage et d’un niveau très élevé d’immigration.
L’Italie, même si son compte courant affichait un déficit relativement faible, appartenait conceptuellement au même groupe, car l’évidente inquiétude de sa population quant aux perspectives d’avenir du pays aurait dû engendrer un excédent net courant, les Italiens épargnant en prévision d’une baisse future de leurs revenus.
Tous ces pays étaient extrêmement peu compétitifs sur les marchés internationaux. Dans le cas des quatre premiers, une forte demande intérieure avait pour conséquence que leur manque de compétitivité se traduisait par des déficits importants de leur balance commerciale. Dans le cas de l’Italie, étant donné la faiblesse de la demande intérieure, son manque de compétitivité entraînait un ralentissement de la croissance alors même que le reste du monde était en plein boom. Cependant il était clair que, pour les cinq pays, les résultats économiques obtenus et les prix de marché qui prévalaient en 2007, et avant, excluaient toute possibilité politiquement réaliste de les voir rester dans les rails des normes et contraintes budgétaires en principe imposées par l’Europe. Or, la dette de ces pays, on la détenait bien volontiers, en fait avec enthousiasme. C’était ça le « système Madoff ». (Ponzi Scheme)
1– L’UNION MONETAIRE AGGRAVE LES BULLES DE CREDIT
Pourquoi ces pays se trouvaient-ils dans cette situation ? La réponse est simple : c’était la faute à l’Union monétaire.
Dans les quatre premiers pays, le niveau élevé de la demande intérieure n’était qu’un effet de la bulle mondiale de crédit. Cependant, la bulle y était considérablement amplifiée parce que le marché pensait qu’en l’absence de monnaies nationales, du fait de l’Union monétaire, il ne pourrait plus y avoir de crise financière.
Comme, au sein de l’Union monétaire, la monnaie ne peut pas se déprécier – assurance d’une volatilité absolument nulle des taux de change à l’intérieur de la zone -, la « chasse au rendement » devenait la priorité de chacun, et les opérations sur les écarts de taux les faisaient progressivement disparaître : il y a moins de deux ans, il n’y avait pratiquement plus de différence entre les rendements des obligations d’état allemandes et ceux des titres émis par les états dont la balance commerciale était en déficit.
Le marché oubliait une chose : que, dans une union monétaire, le risque de défaut remplace le risque de change. Cette conduite imprudente des acteurs du marché, les tireurs de ficelles de l’Union monétaire l’avaient accueillie avec une satisfaction béate, et ils l’avaient revendiqué comme preuve de la « réussite » de leur Union . Leur hypocrisie quand, par la suite, ils ont accusé les marchés financiers « anglo-saxons » d’avoir causé la crise financière n’était que trop prévisible, mais n’en reste pas moins déprimante.
La réalité, union monétaire ou pas union monétaire, était qu’un pays qui encourt un important déficit courant, – que ce soit aujourd’hui ou, pour demain, comme dans le cas de l’Italie (2) -, devra, pour respecter ses engagements internationaux en matière de dette, dégager un jour des excédents.
Ces excédents, comment les obtenir ? La réponse doit inévitablement passer par une contraction de la demande intérieure par rapport à la production potentielle. Mais comme, à l’exception de l’Irlande, le taux d’ouverture extérieure de ces pays par rapport à leur taille reste relativement limité, la plus grande partie de cette contraction de la demande intérieure ne peut porter que sur des biens et services non échangeables, c’est à dire sans contribuer notablement à améliorer la balance commerciale.
2 – COMMENT AMELIORER LES BALANCES COMMERCIALES
L’amélioration nécessaire de la balance commerciale exige ainsi une contraction de la demande intérieure qui soit un multiple de l’amélioration des échanges. Ce qui implique une récession profonde et durable. A moins que les exportations nettes n’augmentent autant que la demande intérieure se contracte,
Mais parvenir à une forte amélioration des exportations nettes demanderait une amélioration très substantielle de la compétitivité internationale qui ne peut être obtenue – puisqu’on ne peut pas dévaluer à l’intérieur de l’Union monétaire – que par une dépréciation très importante de l’euro, ou une désinflation relative dans les pays déficitaires.
Sachant que la Banque Centrale Européenne détermine son objectif de hausse de prix pour l’ensemble de la zone euro, il s’ensuit que, même dans le meilleur des cas, il faudrait qu’il y ait carrément déflation dans les pays déficitaires (et, ce qui n’est pas sans importance, que les prix augmentent davantage que la cible dans le reste de la zone).
Cependant, dans une économie de marché, on ne peut imposer une déflation qu’au prix d’une longue période de chômage élevé. Ce qui, combiné avec des taux d’intérêt réels élevés (en raison d’une part du mouvement de déflation interne, et d’autre part de ce que les taux restent fixés en dehors du pays, et qu’ils sont peu affectés par ce qui s’y passe) implique en définitive une « dépression« .
Lorsque la bulle de crédit éclate, les prix des actifs – notamment les prix des logements- s’écroulent, ce qui réduit la demande intérieure et, avec elle, entraîne l’effondrement du système Madoff de l’Union monétaire. Arrive alors l’heure de vérité : – les écarts de taux sur les obligations des pays à balance déficitaire s’accroissent, ce qui exacerbe le problème ; – la déconfiture de leurs finances publiques contraint leurs gouvernements à augmenter les impôts et à réduire leurs dépenses, aggravant encore la récession et la déflation.
Il en résulte que les taux d’intérêt réels augmentent encore davantage, d’où éviction de toujours plus plus de dépenses privées et aggravation des risques de faillite. Même les agences de notation doivent se rendre à l’évidence : elles se mettent à déclasser la dette souveraine des pays en déficit.
Au début les dirigeants politiques font croire aux entreprises et aux ménages que la récession, quoique douloureuse, prendra bientôt fin.
Lorsqu’ils prennent conscience qu’ils ne pourront pas s’en tirer seuls, le désespoir s’installe. Il frappe les entreprises et les ménages, et déprime la demande intérieure au-delà même de ce qu’il faudrait pour obtenir l’amélioration nécessaire des échanges extérieurs. La déflation s’accélère encore; les taux d’intérêt réels augmentent encore plus ; le fardeau de l’endettement devient insupportable et le chiffre des faillites grimpe de manière spectaculaire. Ce n’est plus seulement le tissu économique, mais tout le tissu social et politique qui sombre.
Si les pays en déficit ne peuvent pas trouver par eux-mêmes le moyen de se sortir de ce cauchemar aussi longtemps qu’ils restent dans l’Union monétaire, est-il possible que d’autres pays aient les moyens de les aider à s’en tirer ? Et si ces moyens existent, quelles raisons ces pays auraient-il d’intervenir (ou de ne pas intervenir) ?
La réponse à la première question est simple : pour sauver ces pays il faudrait procéder :
– soit à une dévaluation très importante de l’euro,
– soit à des transferts financiers très importants, de nature permanente (pas de simples prêts), accordés par les autres pays membres de la zone euro qui, eux, sont en excédent.
3– L’HYPOTHESE D’UNE DEVALUATION DE L’EURO
Une dépréciation substantielle de l’euro permettrait aux pays à déficit de la balance courante d’accroître leurs exportations nettes pour compenser la chute de leur demande intérieure. Leur niveau de vie chuterait par rapport à ses niveaux de l’époque Madoff, mais au moins on éviterait la dépression, le chômage de masse, la déflation, les faillites et un éventuel effondrement politique et social.
Cependant, comme près de la moitié du commerce extérieur de ces pays se fait avec la zone euro, et que leur situation initiale est franchement mauvaise, il s’ensuit que, pour obtenir le résultat recherché, il faudrait que la dévaluation de l’euro soit très forte. Des calculs ont été faits qui laissent entendre qu’il faudrait que l’euro tombe de 1,57 $ à 60 cents (8) pour obtenir un impact suffisamment significatif sur l’économie des pays à balance déficitaire. Mais cela entraînerait en contrepartie une hausse galopante des prix en Allemagne. En se fondant sur l’utilisation du modèle de la BCE, ces calculs font apparaître qu’une telle dévaluation pourrait entrainer une hausse des prix allemands de l’ordre de 70% en cinq ans (3).
Ces calculs ont été faits avant la crise et l’effondrement du commerce mondial. Aujourd’hui, avec la fourchette actuelle de l’euro, la véritable menace, aussi bien pour l’Allemagne que pour les pays en déficit, est celle de la déflation et non pas d’un risque d’inflation. Ce qui signifie que si l’on veut véritablement conjurer le risque de dépression, de déflation, et d’effondrement généralisé dans les pays déficitaires, il faudrait que l’euro se déprécie encore bien plus que ne le laissent entendre ces calculs. Et cela sans pour autant chasser tout risque d’inflation en Allemagne même.
4 – DES TRANSFERTS ANNUELS POUR COMPENSER LES DESEQUILIBRES
La seconde porte de sortie serait de les faire bénéficier, tous les ans, et à perpétuité, d’immenses mouvements de transferts.
Rappelons-nous que le compte courant est la somme algébrique des soldes sur le commerce international des biens et services, de la rémunération des facteurs payée à l’étranger ou venue de l’étranger, et des transferts nets issus de l’étranger ou partant vers l’étranger.
Si les pays excédentaires de la zone euro – qui se réduisent pour l’essentiel à l’Allemagne – acceptaient de consentir aux pays déficitaires des transferts permanents d’une ampleur égale à leurs déficits commerciaux, les échanges extérieurs de ces derniers n’auraient pas besoin de revenir à l’équilibre, ou de réaliser des excédents, et ils n’aurait pas besoin d’améliorer leur compétitivité. Etant donné que ces transferts seraient définitifs, la consommation des pays déficitaires s’accroîtrait d’un montant égal à leur déficit, et il n’y aurait pas de dépression de la demande intérieure. On éviterait la dévaluation de l’euro et l’inflation en Allemagne; mais il en résulterait que l’excédent commercial allemand – quelque 5% du PIB l’an dernier -, au lieu de nourrir la consommation allemande à venir, entretiendrait la consommation présente et future des pays déficitaires.
Quelle devrait être l’ampleur de ces transferts ?
Ici, il est important de se rendre compte que la France elle-même est en train de devenir un pays avec un déficit de sa balance courante. L’effondrement de l’économie mondiale rend très difficile d’évaluer et de prédire les évolutions à court terme des balances courantes; mais, actuellement, le déficit de plein emploi courant de l’économie française est probablement de l’ordre 4% du PIB, et ne cesse d’augmenter.
La France n’est pas compétitive. Sa situation n’est pas aussi mauvaise que celle de la Grèce, de l’Espagne ou du Portugal, mais le même raisonnement peut lui être appliqué. Si la France ne se retire pas de l’Union monétaire, si l’euro ne se déprécie pas substantiellement, ou si l’Allemagne ne lui envoie pas massivement des subsides, même si la conjoncture mondiale se stabilise, tôt ou tard la France se retrouvera dans un cercle vicieux de dépression, déflation et risque de défaut de paiement..
Au total, il a été calculé qu’aujourd’hui, si on voulait tout faire pour éviter aux pays à balance déficitaire (France comprise) de sombrer dans la dépression, c’est 7% du PIB allemand qu’il faudrait leur transférer ad vitam aeternam.
Quand on prend tout cela en compte, il apparaît que les pays en excédent de la zone euro devraient transférer – chaque année, et à perpétuité -quelque chose comme 7% de leur PIB commun (soit, en moyenne, 16% de leurs recettes budgétaires) aux pays en déficit. Pour mesurer ce que cela veut dire, il faut se rappeler que si, après 1919, le Traité de Versailles avait été réellement appliqué, les réparations qu’il était prévu d’imposer à l’Allemagne se seraient traduites par un transfert global annuel de 10% de son PNB sur une période de 70 ans. En valeur actualisée, le montant global des deux flux est à peu près équivalent. Ce qui, si cela se savait, entraînerait certainement de violentes réactions de la part de l’opinion allemande.
5 – L’ALLEMAGNE AIDERA-T-ELLE LES PAYS EN DEFICIT ?
La question est de savoir si l’Allemagne pourrait accepter, ou ne pas accepter, l’une de ces deux portes de sortie, et pour quelles raisons ? Y répondre suppose qu’on examine d’abord les conceptions et idées fausses que les hommes politiques et l’opinion allemande nourrissent au sujet de l’Union monétaire et de ses effets sur leur pays.
Que pense l’opinion allemande de l’Union monétaire ? L’attitude des hauts fonctionnaires allemands se caractérise par une forte dose d’égoïsme borné à courte vue. La plupart d’entre eux considèrent que l’Union monétaire fonctionne enfin de manière satisfaisante pour leur pays, qu’elle sert enfin à protéger la compétitivité du pays et de ses excédents commerciaux.
Quelle est leur logique ? En l’absence d’Union monétaire, raisonnent-ils, il y aurait un « choc de change » : les monnaies des pays à déficit de balance commerciale se déprécieraient fortement contre le mark, obligeant le pays à accroître sa demande intérieure pour éviter le chômage. Cette combinaison d’une moindre compétitivité allemande et d’une augmentation de la demande intérieure en réponse à un « choc de taux » risquerait de faire disparaître l’excédent commercial allemand. Or Mme Merkel, comme les autres dirigeants allemands, ne manque jamais une occasion de souligner à quel point il est essentiel que l’Allemagne conserve une situation extérieure excédentaire.
De telles attitudes sont de nature typiquement mercantiliste et expriment une tendance politique fondamentale au chacun pour soi. En outre, elles sont parfaitement hypocrites. Car c’est bien le souci, au cours des premières années de l’Union monétaire, de faire fonctionner la zone euro de manière à favoriser ce qu’on considérait être alors les intérêts allemands, qui a puissamment contribué à créer les bulles dont les pays déficitaires sont aujourd’hui les victimes.
A l’époque du passage à l’euro (2001), l’Allemagne enregistrait un déficit (modeste, il est vrai) de ses comptes courants, et sa compétitivité avait été sérieusement affectée par les conséquences inflationnistes de la réunification. Ses finances publiques étaient en difficulté et le chômage y était très élevé. Pour aider l’Allemagne, la BCE – dominée par Tietmeyer et son protégé Trichet – a fixé ses taux d’intérêt sur l’euro bien au-dessous du niveau qui aurait théoriquement été optimal pour l’ensemble de la zone. Ces décisions ont entraîné une dépréciation très importante de l’euro au cours de ses deux premières années d’existence (4).
En baissant à ce point, l’euro a directement amélioré la compétitivité de l’Allemagne vis-à-vis des pays de la zone non euro (notamment vis à vis de la Grande-Bretagne). Mais cette combinaison d’une politique trop laxiste de la BCE et d’un euro faible a provoqué un emballement de la demande et des investissements immobiliers dans les pays déficitaires de la zone, et finalement suscité la formation d’une formidable » bulle » qui y a entraîné la montée de l’inflation, avec comme résultat un retournement des termes de l’échange au profit des produits industriels allemandes devenus, juste retour des choses, de plus en plus compétitifs vis à vis de leurs concurrents de la zone euro.
En même temps, le gouvernement Schröder lançait ses réformes du marché du travail. Il en fallait certainement des réformes, pour rendre plus souple et plus efficace un marché par trop corporatiste. Cependant, les réformes effectivement mises en œuvre ont été essentiellement de nature défensive et négative : pour l’essentiel, elles ont consisté à menacer les travailleurs de transférer leurs emplois à l’étranger s’ils n’acceptaient pas de voir leurs salaires baisser.
Résultat : les coûts unitaires relatifs de la main-d’œuvre allemande ont fortement baissé, ce qui a encore amélioré la compétitivité des produits d’outre Rhin. Mais en agissant ainsi, en cherchant à faire peur, à saper la confiance des ménages, on a découragé la demande allemande de consommation, et cela même après que la reprise des exportations ait entraîné une reprise de l’emploi, de la production et des investissements.
C’est ainsi que l’Allemagne s’est mise à engranger d’énormes excédents commerciaux. Dans l’environnement mondial actuel, vouloir à tout prix maintenir de tels excédents, au lieu de chercher à rééquilibrer l’économie vers la demande intérieure, représente indiscutablement le comble d’une attitude égoïste qui s’exerce aux dépens des autres.
S’agissant des pays en déficit, la position officielle des Allemands est qu’ils devraient faire ce que leur pays a réussi avant eux, et par les mêmes moyens. Ce faisant ils oublient quatre choses :
– 1. que les bulles et les déficits dont ces pays sont aujourd’hui victimes, et dont l’origine se situe pour une très large part dans la politique menée initialement par la BCE, aux débuts de l’Union monétaire, pour venir en aide à l’économie allemande, sont d’une ampleur infiniment supérieure à tout ce à quoi l’Allemagne a jamais eu à faire face;
– 2. que plusieurs de ces économies déficitaires se caractérisent par des degrés d’ouverture sur l’extérieur très inférieurs à l’économie allemande, ce qui implique de leur part, pour redresser leur compétitivité, des sacrifices de demande intérieure beaucoup plus élevés – autrement dit, toutes choses égales d’ailleurs, un coût économique global sans rapport avec ce dont l’Allemagne a fait l’expérience;
– 3. que, pendant toute sa période d’ajustement, l’Allemagne a bénéficié d’un environnement économique mondiale particulièrement favorable (alors même que les bulles des pays déficitaires ont, par la suite, à leur tour, favorisé l’expansion du commerce extérieur allemand au-delà de ce qui résultait de la simple amélioration de la situation concurrentielle allemande);
– 4. enfin l’importance de l’aide directe dont l’Allemagne a bénéficié de la part de la BCE au cours des toutes premières années d’existence de l’euro.
6 – CE QUI SE CACHE DERRIERE LE MERCANTILISME ALLEMAND
D’où provient ce mercantilisme allemand ? Il procède en grande partie des idées des années 1890 et des premières années du vingtième siècle. Ce que l’on pourrait appeler « le darwinisme national » renforçait alors le « darwinisme social » comme philosophie dominante de l’État, empruntant aussi bien à Nietzsche qu’à Hegel en termes de philosophie politique, et à Friedrich List en guise de pensée économique. En outre, dans une Allemagne wilhelmienne socialement rigide, où la lutte des classes n’était jamais bien loin (Marx, après tout, était allemand), on tenait que les intérêts du patronat et la préservation de son statut seraient mieux servis par la création d’une vaste zone d’influence économique et politique pour l’Allemagne.
L’idéal d’une Mitteleuropa dominée par l’Allemagne, préconisée par les patrons allemands, était en septembre 1914 au cœur du Memorandum secret de Bethmann-Hollweg sur les buts de guerre de l’Allemagne.
Une alliance, quoique aujourd’hui animée d’intentions évidemment plus bénignes, entre les ambitions géopolitiques de l’Allemagne (ou de « l’Europe ») et les intérêts des entreprises, notamment leurs intérêts à l’exportation, est encore très puissante. On ne peut pas faire d’analyses ni de prédictions sur la manière dont la crise de l’UEM sera résolue si on ne la prend pas en compte. C’est une coalition au sein d’un État tacitement corporatiste, qui privilégie les intérêts de certaines castes (une quasi-survivance des guildes médiévales) sur ceux des électeurs, contribuables, épargnants et consommateurs allemands individuels. Elle exprime une forme de mépris pour le « modèle Anglo-saxon individualiste » de l’Etat, de l’économie et de la société. Et il se pourrait que ce soit elle qui décidera de répartir les terribles souffrances que l’Union monétaire infligera désormais.
7 – SORTIR DE L’EURO
En premier lieu, cependant, il importe de considérer l’option d’un retrait de l’union monétaire, que ce soit par un ou plusieurs des pays déficitaires, ou par un bloc allemand.
Tout retrait serait certes une épreuve compliquée, marquée par la confusion et la douleur. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’il était si coupable, si téméraire et irresponsable, en son temps, de créer l’Union monétaire. Elle ne se serait sans doute jamais faite dans un système politique et financier de type « anglo-saxon » (5). Sortir de l’euro serait cependant certainement une chose possible. L’objection selon laquelle les traités européens ne prévoient aucune procédure de retrait ne vaut pas grand chose car il est à peu près certain que le droit international public – si quelqu’un s’en souciait seulement – l’autoriserait dans des circonstances qui permettraient d’invoquer une question de vie ou de mort (6).
L’objection que l’on cite le plus souvent est que, si un pays sortait de l’Union pour dévaluer sa nouvelle monnaie, le fait que ses dettes soient libellées en euros alourdirait considérablement leur fardeau. Ce raisonnement est trop simpliste.
Tout d’abord, la lex monetae universellement reconnue dit qu’un pays qui se retirerait pourrait re-libeller toutes ses dettes internes dans sa nouvelle monnaie. Il pourrait aussi tout à fait légalement re-libeller sa dette publique, y compris les titres détenus par des étrangers.
La dette privée détenue à l’extérieur du pays – et ses dérivés comme les swaps sur défaillance de crédit (CDS) – poserait des questions plus délicates, sans aucune certitude juridique quant aux résultats (7). Résoudre ces questions pourrait prendre beaucoup de temps et s’avérer fort couteux, avec d’énormes contentieux juridiques impliquant de multiples conflits de droit fort complexes (8).
Nul ne peut nier que les conséquences financières du retrait d’un pays déficitaire seraient pour certains on ne peut plus fâcheuses. Mais il faut tenir compte de ce que l’aboutissement d’un tel processus (9]), quel qu’en soit le coût, vaudrait sans doute beaucoup mieux que ce que coûterait en définitive une « dévaluation interne » acquise au terme d’un long processus catastrophique de déflation domestique impliquant un très grand nombre de faillites.
Bien entendu, s’ils ont le moindre soupçon qu’un pays à déficit de la balance courante envisage de se retirer, les investisseurs risquent de fuir illico presto et de drainer vers l’extérieur les ressources de son système bancaire. Ce qui créera un énorme problème à la BCE.
Cela, bien sûr, ne ferait que reproduire, au sein de l’union monétaire, la crise de changes à l’ancienne, classique dans un système de taux de change « fixes mais ajustables » tel que le Système monétaure européen (SME) des années quatre vingt dix. Une telle situation peut faire « boule de neige » très, très rapidement. A moins que la BCE ne soit disposée à faire ce que la Bundesbank était prête à faire pour certains pays, mais pas pour d’autres, au sein du SME : non seulement leur ouvrir des lignes de crédit, mais aussi altérer sa politique de taux d’intérêt à leur bénéfice. A défaut, la solution ne peut être que le retrait de la zone euro, si pénible cela soit-il, et même si cela implique des contrôles des changes draconiens, ainsi que de graves perturbations financières avant et pendant la transition.
Se pose alors une autre question : un pays qui se retirerait de l’euro pourrait-il survivre sans que la BCE lui accorde un soutien de liquidités en euros, étant donné que son industrie bancaire risque d’avoir besoin d’un financement continu dans cette monnaie ?
Répondre à cette question n’est pas aisé car pour cela il faudrait d’abord connaître comment sera réglé le problème juridique des dettes re-libellées du secteur privé . En pratique, il n’y a pas de doute que si la BCE refusait ce soutien elle prendrait la responsabilité de provoquer des conséquences très graves.
La BCE sera devant le choix ou bien de laisser les pays à déficit de la balance courante se retirer de l’euro, ou d’accepter de les renflouer, avec toutes les énormes charges que cela comportera ensuite pour l’Allemagne.
Si la BCE décidait d’intervenir pour assurer les besoins en liquidité d’un pays qui se retirerait de la Zone, elle pourrait le faire par le moyen de swaps de devises entre banques centrales. Pourquoi pas ? Agir ainsi pour assurer la liquidité d’un pays qui se serait retiré de l’euro pour dévaluer sa monnaie présenterait finalement pour elle moins de risque que de continuer à soutenir à bout de bras la solvabilité de tous ces systèmes bancaires nationaux qui, eux, resteraient dans l’Union monétaire, mais en état de quasi faillite permanente.
La BCE pourrait-elle prendre sur elle-même de refuser une telle intervention ? Qui pourrait le lui imposer pour bien signifier aux autres qu’un pays ne peut pas quitter l’Union monétaire sans encourir de sanction ? La BCE se devra de réfléchir très soigneusement à cette question pour ne pas prendre le risque de scier la branche sur laquelle elle est assise. Selon les conditions dans lesquelles un retrait pourrait intervenir, c’est l’ensemble de tout le système financier des pays de la zone euro – et même au-delà – qui court le risque de retrouver fragilisé à l’extrême. On peut considérer que même un pays aussi petit que l’Irlande pourrait présenter une « importance systémique » étant donné le rôle des capitaux étrangers dans le financement de ses banques — en particulier l’engagement des banques et de la finance allemande sur le marché financier de Dublin.
En tout état de cause, qu’un pays se retire de l’union monétaire, ou même envisage seulement l’éventualité d’un tel retrait, les conséquences d’une telle décision seraient désastreuses – même si ce désastre serait de moindre ampleur que ce qui se passerait si le dit pays choisissait de rester dans l’euro sans l’aide d’une dépréciation massive de la monnaie européenne, ou la solution alternative de transferts allemands massifs.
Autrement dit, il faudra bien finir par choisir entre ou bien accepter que certains pays sortent de la zone euro, ou alors les renflouer, avec toutes les énormes charges que cela entraînera pour l’Allemagne.
8 – AUTRE SOLUTION : SE POURRAIT-IL QUE CE SOIT L’ALLEMAGNE QUI SORTE DE L’EURO ?
Y a-t-il une autre option ? Se pourrait-il que ce soit l’Allemagne et les pays qui lui sont le plus liés qui décident eux-mêmes de sortir de l’euro ? En termes purement économiques, ce serait sans aucun doute la moins mauvaise de toutes les solutions, étant donné que la meilleure possible – que l’union monétaire n’ait jamais vu le jour – n’est, par définition, plus à notre portée.
Dans un tel cas de figure, nul doute que l’euro (croupion) se déprécierait contre le nouveau DM. Mais l’euro ne se déprécierait pas contre lui-même. Donc le problème potentiel d’un alourdissement de la charge de la dette des pays déficitaires ne se poserait pas, et ne nécessiterait pas d’être porté devant les tribunaux. De même, pas de problème de liquidité pour les paiements en euros.
Les établissements financiers allemands qui auraient investi des sommes importantes dans la dette des pays à déficit de la balance courante y laisseraient certainement des plumes (10]). Ce serait dommage pour eux, mais en même temps c’est un problème qui resterait gérable, tant sur le plan économique que et financier. De toute façon rester dans un zone euro non réformée risquerait de leur coûter infiniment plus cher, et de leur faire infiniment plus mal, puisque cela ne pourrait se terminer que par la faillite généralisée des pays en déficit. Mais il est vrai qu’il s’agit là d’un raisonnement difficile à faire comprendre aux allemands, compte tenu des idées fausses qu’ils continuent de nourrir s’agissant de l’union monétaire.
Si l’Allemagne sortait de l’euro, les exportateurs allemands y perdraient aussi beaucoup. Mais, comme pour les institutions financières, rester dans une zone non réformée risquerait de leur coûter, au final, infiniment plus cher du fait du processus cumulatif de dépression et de déflation qui finirait inévitablement par s’installer dans les pays déficitaires. Leur compétitivité finirait par s’améliorer, mais au prix d’un effondrement catastrophique de leurs marchés intérieurs qui représentent autant de marchés à l’exportation pour les industriels allemands. Mais, là encore, étant donné les idées fausses qui règnent en Allemagne, il s’agit de quelque chose qu’il est sans doute difficile de leur faire comprendre.
Enfin, les ambitions géopolitiques de la classe dirigeante allemande seraient également perdantes. La France traînerait sans doute les pieds pour adhérer à une nouvelle union monétaire où ne figureraient que l’Allemagne et ses séides (11).
De même, maintenir la zone euro en son état actuel, sans y toucher, porterait un coup encore plus dévastateur aux ambitions géopolitiques de « l’Union européenne» du fait de l’effondrement économique, financier, social et politique qui s’en suivrait. Malheureusement c’est encore quelque chose d’impossible à faire comprendre aux classes dirigeantes allemandes .
Ainsi, que l’Allemagne sorte elle-même de l’euro serait en fin de compte certainement la moins mauvaise de toutes les solutions qui puissent être adoptées.
9 – ALORS, QUE VA-T-IL SE PASSER ?
Malheureusement, dans toute la zone euro les carrières personnelles et les ambitions de la classe politique sont complètement liées à « l’Europe » et à son incarnation la plus visible, l’Union monétaire.
Au nom de « l’Europe », les politiciens des pays déficitaires, comme ceux des pays en excédents, sont prêts à laisser infliger presque toutes les souffrances possibles et imaginables à leurs populations. Ce n’est évidemment pas ainsi qu’ils voient les choses. Ils sont aveugles aux coûts qui risquent de résulter de l’Union monétaire. Et ils sont prêts à tout faire pour en maintenir ensemble les morceaux.
La difficulté est que les mesures palliatives envisagées ne peuvent résoudre aucun des problèmes causés par l’Union monétaire. La BCE joue bien sûr son rôle de bouche-trou. Elle soutient effectivement les secteurs bancaires de pays comme l’Irlande et l’Espagne. Mais l’agitation très évidente de Trichet quand on l’interroge sur ce type de sujet donne carrément l’impression que la BCE ne prendra jamais aucun initiative sans bénéficier au préalable du blanc seing d’une décision politique. La BCE peut intervenir pour racheter des obligations privées, ou même des obligations d’état. Mais alors se pose la question politique particulièrement sensible de savoir quelles obligations, de quels états ?
L’Allemagne peut consentir des prêts bilatéraux. Mais il apparaît clairement que, pour plusieurs raisons,elle tient autant que possible à garder hors du jeu les institutions officielles de l’Union.
Premièrement, elle veut éviter une violation formelle de l’interdiction de renflouer les Etats, qui fait partie du traité de Maastricht.
Deuxièmement, elle espère que, en conservant aux prêts un caractère bilatéral et intergouvernemental plutôt que de porter l’affaire au niveau de la zone euro, ou à celui, pré-fédéral, de l’UE, elle n’ouvrira pas trop largement la porte à cette unification formelle de l’endettement dont le public allemand craint toujours, avec raison, qu’elle ne soit un corollaire inéluctable de l’union monétaire.
Troisièmement, en procédant par prêts bilatéraux elle espère imposer ses propres conditions – comme une sorte de FMI unilatéral – à partir de ses propres idées fausses sur ce qu’il faudrait faire pour réussir l’« ajustement » des pays en déficit, à la manière dont elle a procédé vis à vis de la France, en 1981 et 1983, au grand dam de Jacques Delors.
Ces considérations ne vont pas de soi, ni du point de vue économique, ni du point de vue politique.
Politiquement, le vieux (et d’après moi faux) dilemme du choix entre une Allemagne européenne et une Europe allemande reviendrait bien vite sur le devant de la scène. En termes économiques, chercher à renflouer un pays par des prêts bilatéraux ne sert à rien. Les commentaires de l’économiste britannique Ralph Hawtrey , en 1962, sur le projet d’élargir le rôle du FMI en tant qu’apporteur de liquidités, restent parfaitement d’actualité. A l’époque, il écrivait :
« On ne devrait s’en remettre à une réserve que pour couvrir des déficits de la balance des paiements qui sont temporaire -, c’est-à-dire que l’on doit à des dépenses excessives auxquelles on pourrait mettre fin par une restriction appropriée de la demande. En revanche, la liquidité n’est pas une solution pour résoudre un problème résultant d’une faiblesse chronique que l’on devrait à la surévaluation d’une unité monétaire… S’en remettre à un surcroît de liquidité dans une situation de déséquilibre fondamental, c’est tenter d’écoper plutôt que de colmater la voie d’eau. »(12).
Il est de fait qu’aux conditions allemandes – contraction budgétaire et compression des salaires -, une politique de prêts bilatéraux ne ferait qu’aggraver les choses.
Toutefois, les marchés partagent aussi certaines des idées fausses que les hommes politiques nourrissent sur l’Union monétaire. Il est certain qu’ils commenceraient par accueillir avec enthousiasme un plan de sauvetage sous forme de prêts, qu’ils soient bilatéraux ou qu’ils passent par les institutions de l’UE. Les écarts de taux pourraient d’abord s’en trouver réduits. Un tel resserrement des écarts devrait se traduire par un renforcement initial de l’euro. Mais il ne faut pas se leurrer. Cela ne réglera en rien les problèmes sous-jacents. Ceux-ci ne pourront qu’empirer. Il n’y a pas d’échappatoire. Les seules solutions viables sont la sortie de l’Euroland, une dépréciation massive de l’euro, ou des transferts gigantesques en provenance d’Allemagne.
La classe politique européen n’acceptera pas la solution de la sortie. Le public allemand, s’il a jamais son mot à dire, n’acceptera pas de voir l’euro s’effondrer, et ne donnera jamais son feu vert à des transferts financiers massifs vers les pays déficitaires. On les comprend.
En conséquence, il apparaît bien – hypothèse terrifiante – que les pays déficitaires vont en définitive se retrouver poussés à la limite de l’effondrement économique financier, social et politique.
Risquent-ils d’être poussés au-delà de cette limite ? Si c’est le cas, n’est-ce pas tout l’ordre l’ordre européen (occidental) d’après-guerre qui risque de s’effondrer ? Celui d’une paix, d’une légitimité démocratique et d’une stabilité sociale garanties par l’Alliance Atlantique (l’OTAN).
(1) La demande italienne est déjà déprimée par la morosité quant aux perspectives du pays. Lorsque le ralentissement prévu de la production et des revenus se matérialisera, en conséquence des problèmes sociaux, économiques et politiques structurels de ce pays, le déficit courant se creusera.
(2) Cf. “Adjustment in Monetary Union and German inflation: A Disaster Story”, by Melissa Jordan, Banque AIG Market Research note, 14 août 2008.
(3) Une hausse des prix de 70% en Allemagne peut paraître peu plausible. Mais c’est là le calcul de l’impact sur l’Allemagne d’une dépréciation de l’euro nécessaire pour créer une amélioration instantanée suffisante de la compétitivité des pays à déficit de la balance courante. A l’évidence, une hausse des prix en Allemagne accroîtrait encore davantage la compétitivité des pays à déficit de la balance courante : la dépréciation de l’euro améliorerait instantanément la compétitivité des pays à déficit de la balance courante en dehors de la zone euro, puis la hausse des prix en Allemagne (et dans d’autres pays de la zone Euro qui n’ont pas de déficit de la balance courante) réaliserait une amélioration progressive de la compétitivité au sein de la zone euro. Alors la compétitivité des pays à déficit de la balance courante dépasserait l’objectif, ce qui produirait surchauffe et inflation dans les pays déficitaires aussi bien qu’en Allemagne. Il faudrait alors que l’euro revienne sur une partie de sa baisse initiale, pour maîtriser l’inflation dans les pays à déficit de la balance courante. Si on ne tient pas compte de l’éventualité de changements structurels ou politiques irréversibles au cours du processus, le système finirait par converger vers une dépréciation de l’euro – et un effet sur le niveau allemand des prix – plus faibles que les calculs ne le laissent entendre. Cependant, ce chemin-là ne serait pas monotone : il y aurait une instabilité considérable de la production, des prix et du chômage dans la zone euro.
(4) Tout cela était parfaitement prévisible pour tous ceux qui ont compris l’union monétaire et ses antécédents. Par exemple, en septembre 1997 j’avais écrit (dans “Eternal Parities”, World Market Advisory de AIG Trading Group), que la seule raison pour calculer des règles de Taylor dans la zone euro, entreprise à laquelle s’affairaient des armées d’économistes, serait de se rendre compte à quel point la BCE fixerait effectivement son taux refi (lequel serait sans aucun doute le très faible taux allemand) au-dessous d’un taux approprié pour l’ensemble de la zone et, partant, quelle serait la faiblesse de l’euro.
(5) Ce n’est pas un hasard si ce sont les pays qui ont la plus longue tradition démocratique – la Grande-Bretagne, la Suède, le Danemark et, en dehors de l’UE, la Norvège et la Suisse – qui ne font pas partie de la zone euro, si désireuses de la rejoindre que soient leurs élites politiques.
(6) La Convention de Vienne sur le droit des traités permet à un État de dénoncer un traité auquel il est partie si les dispositions de ce traité sont incompatibles avec la raison d’être même de cet État; or l’union monétaire représente pour certains état de l’Union européenne un danger de faillite clair et imminent. En tout cas, l’union monétaire est incompatible avec les objectifs de l’UE, tels qu’ils ont été proclamés, en sorte qu’un Etat pourrait abandonner l’Union monétaire sans devoir pour autant dénoncer le traité de l’UE dans son ensemble.
(7) Voir, par exemple la dernière édition, par Charles Procter, du manuel classique, Mann on the Legal Aspect of Money, pour un avis, quoique – selon moi – certainement pas définitif, sur cette question au regard du droit anglais. C’est important parce que la plupart des CDS concernés sont probablement rédigés selon ce droit-là.
(8) Il y a un hic en ce que les Swaps sur défaillance de crédit (CDS) peuvent être re-libellés dans une « monnaie autorisée » – celle d’un membre du G7 ou d’un pays noté triple-A sans que cela passe pour un défaut de paiement. L’Irlande vient de perdre sa cote triple-A auprès d’une agence de notation, et semble bien risquer de le perdre auprès des autres dans un avenir prévisible. Cela pourrait aussi être le cas de l’Espagne. Il faut nous attendre à ce que la relation soit faussée entre les écarts sur les CDS (car, en l’état actuel, leur rentabilité ne seraient plus assurée en cas de redéfinition et de dévaluation) et les écarts de taux sur les obligations (lesquels, pour leur part, traduisent implicitement le risque de change ainsi que le risque de défaut), à mesure que cette éventualité se rapproche.
(9) Processus qui pourrait impliquer la conversion asymétrique des actifs et des passifs du secteur bancaire, avec d’importantes conséquences redistributives et donc politiques.
(10) … au lieu de ne subir qu’une perte potentielle dans le cas du retrait des pays à déficit de la balance courante.
(11) Pour un parallèle fascinant, voir dans Rotten Heart of Europe mon compte rendu de la crise du SME en août 1993.
(12) Sir Ralph Hawtrey, “Too Little Liquidity – Or Too Much?”, The Banker, Vol. CXII, novembre 1962, pp. 711-712.
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