Une semaine Bretagne-Liban
… à Vannes en septembre
Breton par sa mère, Suzanne Jamet (née à Guiscriff, près du Faouët) et d’origine libanaise par son père, né à Saint-Jean d’Acre, en Galilée, Gabriel Enkiri a découvert, lors d’un premier voyage au Liban, en 1970, grâce à Philippe Tesson, alors rédacteur-en-chef de Combat, qui lui obtint un billet d’avion pour aller faire un reportage au Liban, sur les camps palestiniens, sa famille libanaise qu’il ne connaissait pas. C’est à cette occasion que le Patriarche maronite, Paul-Pierre Méouchi lui réserva, à lui et à sa femme, un extraordinaire accueil dans sa résidence d’été à Bkerké, en venant vers lui, les bras ouverts, et en s’écriant : « Comme je suis heureux d’accueillir des parents bretons » ! Et d’expliquer (il le tenait de sa grand-mère « qui ne racontait pas d’histoires ») : » Les Enkiri sont des Méouchi qui ont quitté la montagne, le djebel Méouch, il y a très longtemps (au 18e siècle probablement) pour rejoindre la Terre sainte, à An Nachoura. D’où leur nom « ceux d’An Nachouri » qui a fait Enkiri sur les registres des pères maronites. (Aujourd’hui Naqoura est, au sud,le siège de la FINUL à la frontière libanaise).
Est-ce pour cette raison que vous vous sentez vocation à allier le Liban avec la Bretagne ?
Probablement ! J’ai compris que la rencontre entre mon père et ma mère n’était pas due au hasard ! D’autant qu’un petit livre extraordinaire, dont l’auteur est un Breton de Quiberon, Camille Busson, nous fait découvrir que les Phéniciens sont venus en Bretagne, « sur la route de l’étain », et que même selon Busson, et le père Féron, un autre Breton (de Cancale) qui a participé à l’édification du Musée (phénicien) de Carthage, le nom de la Bretagne serait d’origine phénicienne : Brit-Tanit (le comptoir de l’étain) ! J’ai été sidéré par cette révélation, et j’ai foncé voir Camille Busson qui m’a quasiment convaincu. D’ailleurs la 1ère journée de la semaine Bretagne-Liban sera consacrée à un colloque-débat sur les Phéniciens en général, et avec Camille Busson sur son livre qui est devenu, grâce à moi, je l’avoue un succès de librairie, et ça n’est pas fini, si j’en juge par le vif intérêt que j’ai soulevé à Beyrouth lors du forum « La France au Liban » organisé récemment.*
Les Libanais sont-ils intéressés par la Bretagne ?
Ils éprouvent une grande sympathie pour notre région, et la Mission économique française pour le Liban et le Proche-Orient m’a tout de suite proposé de patronner cette semaine en Bretagne. J’étais venu pour le leur demander ! En effet, la seconde journée sera consacrée aux perspectives de coopération économique dans tous les domaines entre le Liban et la Bretagne. Pas seulement le tourisme ! La 3e journée sera consacrée à la découverte de la vieille ville de Vannes et du Golfe du Morbihan. Nous nous situerons ainsi dans le prolongement de Beyrouth, et il faut savoir que l’an prochain, en 2011, il y aura « Le Liban en France », sous l’égide, comme à Beyrouth, des Chambres du Commerce et de l’Industrie, de la Chambre de Commerce franco-libanaise, de la Mission économique naturellement. Je leur ai dit que l’on pouvait envisager une décentralisation de ces manifestations, également en Bretagne. Et ils m’ont dit : « c’est ce que nous recherchons». Mon ami Naji Farah, le dynamique président de RJLiban, souhaite ajouter trois jours de vrai tourisme en Bretagne, vers des sites réputés, tels que la Pointe du Raz, Belle-Île, les Alignements de Carnac etc. Ce qui ferait effectivement une semaine pour les Libanais qui nous ont fait savoir qu’ils viendraient à Vannes.
Pourquoi Vannes ?
Vannes est la capitale des Vénètes (pour Camille Busson, c’est là tout naturellement que l’on devait se retrouver. Pour lui, les Vénètes et les Phéniciens, en particulier dans le Golfe du Morbihan, et sur toute la côte méridionale, ont effectué des échanges commerciaux. Il prononce d’ailleurs « Phénètes » – tout comme la Vénitie = Phénicie ! ). Il est certain que les Phéniciens, qui nous ont légué l’alphabet, et qui étaient d’extraordinaires marins, ont relié la Méditerranée à l’Atlantique, vers le nord et vers le sud, en franchissant les colonnes d’Hercule. D’ailleurs au Portugal comme en Espagne, les traces de leur passage sont avérées. Nous savons qu’ils sont allés jusqu’en Mer du Nord. En somme, nous sommes quelque peu des « phéniciens » renouant avec un passé occulté – peut-être pour des raisons religieuses ?
Comment avez-vous retrouvé le Liban, après cette guerre qui l’avait détruit ?
J’ai été impressionné par la reconstruction de Beyrouth, et son activité décuplée par les investissements en provenance des pays riches. Le contraste est saisissant entre ce pays, qui n’est qu’à 4 heures de vol de Paris, et le nôtre : d’un côté une activité spectaculaire, à la chinoise pourrait-on dire, de l’autre une atonie générale inquiétante. A ce propos, j’ai constaté de visu que le français est en train d’être supplanté par l’anglais, utilisé par tous les investisseurs étrangers. Je pense au pays de mon père qui fut francophone, et je comprends l’inquiétude de ceux qui sont encore francophiles et francophones au Liban. Si on ne fait rien, dans 15, 20 ans ça sera fini. Le monde sera d’ailleurs entre les mains des deux super-Grands, les Etats-Unis et la Chine. Au dernier salon du livre, vous en avez parlé vous-même, Philippe de Saint-Robert et Claude Hagège (ce dernier est originaire de Carthage !) ont lancé un appel, appuyé par de nombreuses associations francophones. J’ai moi-même un projet que j’exposerai bientôt, peut-être d’ailleurs à Vannes, sinon à Lorient, où je retourne vivre. Je tiens à remercier, avec RJLiban, François Goulard, le sympathique et libéral maire de Vannes, pour son hospitalité (Il met le Palais des Arts à notre disposition). C’est avec M. Bruno Bodard, le directeur de l’Office du Tourisme de la ville que nous allons préparer ces journées libano-bretonnes qui auront, nous l’espérons des prolongements bénéfiques pour nos deux pays. Dans la grisaille actuelle, il est bon de faire souffler un vent d’optimisme sur la Bretagne !
*« Essai impertinent sur l’Histoire de la Bretagne Méridionale – les hommes de Teviec dans l’ombre des Phéniciens » de Camille Busson, aux éditions de l’Harmattan – 14€
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