Sarkozy ne renonce pas au bouclier fiscal.

Même pour les bonus des traders!

  • Sylvain Lapoix - Marianne | Mercredi 26 Août 2009

1-898687-1062610Pour encadrer les bonus des banques, Nicolas Sarkozy mise sur leur bonne foi et refuse catégoriquement la taxation des très hauts revenus, poursuivant la logique du bouclier fiscal, alors que la moitié de l’Europe s’y rallie.

 «Je n’ai pas été élu pour augmenter les impôts», tonnait Nicolas Sarkozy quand son bouclier fiscal avait été remis en cause en mars dernier. Qu’il pleuve, qu’il vente, que la BNP réserve un milliard d’euros pour les primes de ses traders neuf mois après la chute de Lehmann Brothers, on ne touche pas au bouclier fiscal !

De la réunion avec les pdg des grandes banques à l’Elysée, mardi 25 août, il est ressorti deux choses : aucune loi ne sera votée pour encadrer les très hautes rémunérations et le chef de l’Etat continue de croire que les crises se résolvent à coup de déclarations tonitruantes. Pour les bonus ? On créé un «superviseur des rémunérations», Michel Camdessus, en l’occurrence, pour vérifier que les règles du G20 sont respectées.

Le manque de prêt aux PME ? Les banques sont priées de «tenir voire dépasser les objectifs fixés» de 4% de croissance de l’encours sur l’année. Et si elle ne le font pas ? Et bien Sarkozy les reconvoquera sans doute pour leur dire qu’il n’est pas content du tout ! Après sept rendez-vous cette année, on n’est pas à une entrevue près avec les patrons des banques !

 

Taxer les bonus? Personne n’y croit! (à part les Pays-Bas, l’Angleterre, la Belgique…)

Comme pour la pénurie de crédit, le président de la République a décidé d’externaliser les mesures coercitives en mettant en place une «médiation». Une façon de ne pas légiférer sur les bonus pour ne pas fendre le sacro-saint bouclier fiscal. L’argument présenté, une fois de plus, c’est la concurrence sur le marché : taxer les hauts revenus de la finance dans son coin, c’est faire fuir les élites là où l’imposition est moindre, comme aime à le répéter Bercy.

Si c’est bien le cas, alors l’afflux des traders en direction de la France ne risque pas de se tarir : la Grande-Bretagne elle-même envisage d’augmenter son taux marginal d’imposition à 50% pour les hauts revenus, frappant indirectement les salaires mirobolant de la City (et contrecarrant, au passage, un important déficit public). La Belgique travaille sur un projet du même type et l’Espagne s’en prendrait également aux hauts salaires pour financer sa politique de grands travaux.

Mais l’expérience la plus intéressante reste celle des Pays-Bas : après avoir imposé à 30% les primes au delà de 500 000 euros nets annuels en janvier dernier, le Parlement menace aujourd’hui de voter une loi taxant à 90% les primes et aurait la majorité pour la faire passer ! Les banquiers ont-ils déménagé les ordinateurs des traders pendant la nuit ? Bien au contraire : Gerrit Zalm, patron de la banque ABN Amro-Fortis, a immédiatement menacé ses cadres de licenciement s’ils ne rendaient pas 67 millions d’euros de prime distribués en 2008. Pas même adoptée, la loi porte déjà ses fruits !

 

Pourquoi faire simple quand on peut faire inefficace!

Certes, Nicolas Sarkozy a déclaré que l’Etat ne travaillerait plus avec les banques qui ne respecteraient pas les critères imposés. Mais, ce faisant, il reproduit juste les vœux pieux du G20 sur les paradis fiscaux : en établissant des exigences minimales pour basculer de la liste noire des «méchants paradis fiscaux» à la liste grise des «gentils paradis fiscaux», les autorités avaient permis de vider la première dans la seconde en quelques semaines, faisant disparaître le problème au lieu d’y trouver une solution. Laissant les coudées franches aux grandes entreprises (notamment celles du Cac40 ), qui y sont massivement implantées.

Car, quelles que soient les déclarations du chef de l’Etat, ce dernier ne peut guère se passer des grandes banques actuellement : lourd de dettes, il ne trouve de l’argent frais que dans les établissements renfloués par le plan de relance qui use des taux réduits des banques centrales pour se refaire en prêtant à 4% de l’argent obtenu pour 0% ! Alors que la taxe carbone soulève ceux qui y voient un poids pour les ménages modestes, on se demande si Nicolas Sarkozy n’aurait pas besoin des banques pour lancer son «grand emprunt», plutôt que des Français. Et si le Président ménageait tout simplement ses créanciers ?

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