Gaullistes, restez vigilants !

normal_elysee Chacun admet aujourd’hui que les médias, exception faite d’Internet, ont une fâcheuse tendance à vouloir imposer aux électeurs une vision de l’élection présidentielle particulièrement chétive :

– choix entre deux candidats adoubés par les deux grandes formations politiques, UMP et PS ;

– sondages exclusivement « réservés » à ces candidats, même si, pour leur donner plus de relief, Jean-Marie Le Pen y est présent et François Bayrou prend la place que Jean-Pierre Chevènement occupait il y a cinq ans à 6 mois de la présidentielle de 2002.

Cette approche exclusivement « commerciale » des instituts divers et des partis politiques les plus importants veut priver les Français d’un premier tour présidentiel permettant aux électeurs d’exercer un choix positif.

Nous nous retrouvons dans la même problématique que les deux dernières consultations nationales : 2002 avec l’inédit second tour, et le référendum européen qui devait être une balade de santé pour ceux qui défendaient le projet européen supranational.Primaires or not primaires

Ce dernier mois a été essentiellement marqué par le débat très médiatisé des primaires socialistes. Les Français ont approuvé majoritairement la démarche. Cette culture du débat est plus ancrée à gauche qu’à droite : c’est un constat. Pour autant, si cette approche est a priori alléchante, il nous appartient de dénoncer avec force le risque majeur de plus en plus probable de voir les deux partis politiques dominants prendre les commandes de l’élection présidentielle au suffrage universel, élément essentiel de la vie démocratique française. Nous subissons aujourd’hui la reconstitution du régime des partis qui avait conduit la IVème République au trépas.

Pourtant, pour ne pas être en reste, même l’UDF s’en mêle. Jean-Louis Bourlanges, député européen, supporter inconditionnel de François Bayrou, veut aller plus loin : »Nationaliser les primaires ». Regrettant que la droite ne puisse s’organiser à l’identique des primaires socialistes, il préconise une élection présidentielle à 3 tours. « Le choc des cultures politiques à droite montre que cette ambition était excessive. Sans doute la solution passerait-elle par l’organisation par l’Etat de primaires générales, c’est-à-dire d’un avant-premier tour destiné à éliminer les petits candidats et à permettre aux autres de se jauger » précise-t-il dans une tribune au Journal du Dimanche. Et pourquoi pas une « star-académy » citoyenne avec élimination chaque semaine d’un candidat, et ce jusqu’à épuisement du stock. Restons sérieux. La véritable primaire, s’il doit y en avoir une, ne peut être que le premier tour.Revenir aux fondamentaux

Face à ces balivernes pseudo-démocratiques, il nous appartient, gaullistes de conviction, de revenir à l’essentiel : quelle France voulons-nous ?

Retenons cinq points fondamentaux :

– L’Europe. Le choix des Français s’est exprimé clairement le 29 mai 2005. Le « non » n’a pas été un « non » à l’Europe, mais un refus de l’Europe qu’on nous impose depuis plus de 25 ans. L’Europe atlantiste, celle de Monnet a été rejetée et celle du général de Gaulle, de structure confédérale garantissant ainsi la maîtrise de notre destin, a, quant à elle, la préférence des Français. Il est donc inconcevable que certains candidats proposent de contourner le vote des Français en faisant adopter par voie parlementaire, après 2007, un texte certes réduit mais toujours aussi néfaste à notre Nation. Par ailleurs, nul ne peut ignorer les points principaux qui ont été portés par le débat référendaire. Les candidats à la magistrature suprême ne sauraient se soustraire à la définition des frontières européennes. Ainsi a été abordée la candidature de la Turquie à l’Union européenne et chacun connaît la réponse apportée le 29 mai 2005. « Ce qui n’est plus possible, c’est une Europe qui se dilue dans un élargissement sans fin et qui n’a pas de frontière » clame bien haut Nicolas Sarkozy[1]. S’affirmer contre l’adhésion de la Turquie et admettre que le gouvernement dont on est un membre éminent l’accepte sans autre forme de procès est une tromperie. La confiance ne règne plus.– Une économie orientée. Tous affirment qu’il ne saurait être question de « laisser faire ». Et pourtant, il ne se passe pas une réunion publique sans que l’Etat soit critiqué pour son omniprésence et omnipotence par ceux qui souhaitent une vague ultralibérale. Les gaullistes le savent : l’Etat doit orienter l’évolution de notre économie car il lui appartient de défendre l’intérêt général. La planification est certes un outil qu’il convient d’adapter à la mondialisation, mais l’Etat ne peut s’en passer pour déterminer les stratégies économiques de demain.

Cette orientation économique à moyen et long terme serait inefficace sans une vision réellement sociale renforçant la cohésion du peuple autour d’un « projet pour la France ». La participation, œuvre inachevée du Général, grande querelle du gaullisme du XXIème siècle, est la réponse aux défis actuels. La lutte des classes encore sous-jacente dans les orientations d’une certaine gauche est une idéologie dépassée. Rien n’est possible dans ce monde sans orientations partagées. Une entreprise, quelques soient son domaine et sa taille, ne peut survivre qu’en évoluant sur ses deux jambes : l’économie et le social.– Une politique étrangère réellement et résolument nationale excluant tout abandon de notre stratégie militaire indépendante. Les gaullistes doivent être particulièrement attentifs à cet aspect des choses. L’indépendance est une obligation que rien ne saurait entraver. Le 29 mai 2005 a mis un coup d’arrêt à la tentative de certains pays européens de mettre, définitivement, sous tutelle de l’Otan nos forces armées. Mais prenons garde ! Les visites diplomatiques de certains candidats auprès des « princes » atlantistes (Bush et Barosso) sont une alerte qu’il convient de prendre au sérieux.– Des institutions stables. La Vème république a fait ses preuves. Depuis 1958, quelles que soient les difficultés rencontrées dans l’exercice du pouvoir, nos institutions ont tenu. Le pays a toujours été gouverné. Il n’y a pas eu de crise politique grave. Et pourtant ! A défaut de se mettre en cause, nos élites politiques appellent de leurs vœux une VIème république sœur jumelle de la IVème, redonnant ainsi aux partis politiques le pouvoir absolu. Il n’y a que les plus anciens qui peuvent témoigner de cette période d’après guerre où les hommes politiques, aussi talentueux qu’ils aient été, ne pouvaient assurer une continuité dans l’action de la Nation. Si le gaullisme n’est pas, à proprement parler, une doctrine figée, il est utile de rappeler certaines règles fondamentales : un Président de la République acteur essentiel de la vie politique, un exécutif stable et une solidarité gouvernementale sans faille, un pouvoir assis sur le soutien populaire.

Inutile d’aller plus loin ! Sur ces points capitaux, la rupture est (presque) consommée. Ce n’est pas la réduction du mandat présidentiel à 5 ans initiée par Valérie Giscard d’Estaing, mise en œuvre par Jacques Chirac et approuvée par les socialistes qui a « sauvé les meubles ». Bien au contraire. Il est donc inutile de se parer du drapeau à la « croix de lorraine ». Il faut revenir à un mandat présidentiel plus long que celui des députés. Il en va de la continuité de l’Etat.- Les services publics. L’Europe actuelle s’est fixée un objectif : démanteler les services publics à la française que beaucoup de pays et de peuples nous envient. Elle veut livrer ces outils indispensables à la cohésion nationale à la concurrence, sachant pertinemment que le marché ne s’encombre jamais des branches qui ne rapportent rien. Aujourd’hui GDF, autoroutes, Poste, demain EDF, SNCF, RATP, sécurité sociale… autant de combats à mener pour les gaullistes de conviction. Ne laissons pas la France virer aux couleurs anglo-saxonnes. Le Président de la république ne peut exercer réellement son mandat au nom d’une partie des Français contre l’autre. Le clivage droite-gauche ne saurait se concevoir dans le cadre de nos institutions gaulliennes. Le gaullisme est une notion politique qui transcende ces clivages d’un autre âge. En vérité, les médias traditionnels et le personnel politique, pour une part importante, s’en arrangent par facilité et intérêt propre.

Le gaullisme reste la seule référence moderne digne de la France. Tous les discours et interventions publics de nos « vedettes » politiques s’y accrochent pour blinder une légitimité bien souvent bancale. Même le parti communiste y va de son couplet en s’alarmant de la mort du « gaullisme social ». Grotesque ! Elles lui trouvent néanmoins un défaut majeur : le gaullisme est incompatible avec un régime des partis, le peuple étant, avant tout autre, le critère fondamental de la démocratie. Charles de Gaulle est le seul à nous avoir montré le sens de l’honneur politique un certain 27 avril 1969[2]. Ni de droite, ni de gauche, le gaullisme reste une synthèse de valeurs qui, a priori, s’opposent. Difficile, certes ! Mais tellement exaltant.

 

 


[1] Discours « La France dans la mondialisation » – Saint-Etienne, 9 novembre 2006.

[2] Le Général s’est immédiatement retiré après le « non » au référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat

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