Après la crise, rien n’a changé
La crise que nous traversons est la plus violente depuis 80 ans. Pourtant, jour après jour, de nombreuses preuves montrent que rien n’a changé, que le système a été sauvé sans qu’il soit modifié. Voici deux nouveaux exemples.
Des bonus toujours indécents
En pleine crise, Merrill Lynch avait scandalisé le monde en versant des bonus à ses équipes malgré des pertes abyssales qui avaient imposé à l’Etat d’aider la banque d’affaire pour la sauver de la faillite. Les banquiers n’ont décidemment rien appris puisque l’on vient d’apprendre que la banque UBS, malgré 1,8 milliards d’euros de perte, a décidé de verser 2 milliards de bonus, en hausse de 34% par rapport à 2008, pour « retenir ses meilleurs éléments ».
Bref, malgré les discours scandalisés de la plupart des dirigeants politiques et les promesses de moralisation des pratiques, rien ne change. Et cela est d’autant plus choquant que tout bonus pour l’année 2009 est par définition illégitime pour les banques qui ont été aidées par l’Etat. En effet, l’existence de ces bonus est la conséquence directe de l’effondrement des marchés en 2008 et du sauvetage de l’Etat. Sans l’un des deux éléments, aucun bonus ne pourrait être distribué aujourd’hui.
C’est donc pourquoi il faudrait taxer à 90% les bonus touchés au titre de 2009, ce qui serait un moyen de compenser le soutien de la collectivité au secteur financier. Dans le cas d’UBS, les bonus sont d’autant plus choquants que la banque perd encore beaucoup d’argent. A la base, les bonus avaient été établis pour intéresser les salariés à la réussite de l’entreprise. On constate dans ce cas qu’il s’agit surtout d’un complément de rémunération pour les dirigeants indépendant des résultats !
Des rémunérations également indécentes
Plus globalement, cet épisode pose la question des écarts faramineux de rémunération entre les simples salariés et certains dirigeants ou traders. C’est ce que Jean-François Kahn rappelle sur son blog. Il dénonce le fait qu’une personne puisse gagner 1000 fois plus qu’une autre dans le cas du patron de Vinci. Il aurait pu également parler de la « limitation » spontanée de la prime du patron de Goldman Sachs à 7 millions de dollars, contre plusieurs dizaines de millions auparavant.
Cette tendance est récente car il faut se souvenir qu’au début des années 90, Raymond Lévy, patron de Renault, gagnait 1 million de francs par an (150 000 euros), environ 15 fois plus que ses ouvriers. Jacques Calvet, alors patron de PSA avait défrayé la chronique avec un salaire d’un peu plus de 2 millions de francs (300 000 euros). Aujourd’hui, leurs successeurs gagnent beaucoup plus en euros que ce que leurs prédécesseurs gagnaient en francs…
Le fondateur de Marianne cite l’étude de Camille Landais qui montre que l’éventail des salaires s’accroit puisque de 1998 à 2006, le revenu de 90% des Français ont progressé de 4.6%, celui du 1% le plus élevé de 19% et celui du 0.01% le plus élevé de 32%. Aux Etats-Unis aujourd’hui, 0.1% de la population cumule près de 8% des revenus totaux, contre 2% en 1973. A peine 1% de la population concentre près de 20% des revenus. Les chiffres sont encore plus importants en matière de patrimoine.
Ces écarts ne sont pas inconnus. C’était exactement la situation d’avant la crise de 1929. Les dirigeants politiques de l’époque avaient décidé de combattre ces excès en rendant plus progressif l’impôt sur le revenu. Franklin Roosevelt avait ainsi créé une tranche à 79% pour les revenus de plus de un million de dollars. Mais depuis, la baisse des tranches marginales et l’explosion des niches fiscales a libéré l’échelle des salaires à un point qui défie la décence et la morale.
Aujourd’hui certains patrons ou financiers peuvent gagner 100 fois plus que des médecins qui sauvent des vues ou 1000 fois plus que le salaire minimum, que les bonus sont distribués quelques soient les résultats, on constate qu’il y a quelque chose de pourri dans le système actuel.
Laurent Pinsolle (DLR)
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