Christophe Tardieu : « De Gaulle n’a pas hésité à démissionner immédiatement sur un référendum perdu »
Christophe Tardieu. Fabien Clairefond
ENTRETIEN – Dans son premier roman « Le Déjeuner de Colombey » (Albin Michel), le haut fonctionnaire imagine une rencontre fictive entre le général de Gaulle et son successeur à l’Élysée afin de brosser le portrait de ces deux personnages, tous les deux obsédés par le rayonnement de la France. Christophe Tardieu est secrétaire général de France Télévisions. Il vient de publier « Le Déjeuner de Colombey » (Albin Michel).…Par Alexandre Devecchio
LE FIGARO. – Dans Le Déjeuner de Colombey, vous imaginez une rencontre entre Georges Pompidou et de Gaulle en août 1970. Cette rencontre n’a en réalité jamais eu lieu, car les deux hommes ont rompu toute relation après la démission du général de Gaulle. D’où venait leur brouille ?
CHRISTOPHE TARDIEU. – Pompidou a réalisé le plus long mandat à ce jour à Matignon. Entre président et premier ministre, au bout d’un certain temps, des conflits finissent toujours par survenir. Pompidou reprochait à de Gaulle de ne pas l’avoir informé de sa fuite à Baden-Baden le 29 mai 1968 alors qu’une gigantesque manifestation de la gauche se déroulait à Paris. Par la suite, l’affaire Markovic de photos truquées de Mme Pompidou participant à des soirées libertines fut l’élément central de cette brouille. Pompidou a toujours considéré que le Général ne l’avait pas soutenu dans cette épreuve qui fut sans doute la pire de sa vie politique. Le soutien de De Gaulle à son premier ministre fut en effet ténu…
Le Général, pour sa part, était agacé par les réticences de Pompidou à promouvoir la participation, c’est-à-dire l’implication des salariés dans les résultats de l’entreprise. Il est vrai que la pensée gaullienne dans ce domaine, bien que puissante et dans la veine de son exceptionnel discours d’Oxford de 1941, manquait un peu de clarté. De même, alors que la campagne pour le référendum de 1969 était difficile, de Gaulle a considéré que la déclaration de Pompidou depuis Rome dans laquelle il annonçait qu’il serait « un jour » candidat à l’élection présidentielle était une invitation pour les électeurs à dire non à de Gaulle.
Cette uchronie vous permet de brosser le portrait des deux hommes. Quelles sont les principales différences entre Pompidou et son mentor, aussi bien sur le plan politique qu’humain ? Sur le plan politique, le pompidolisme représente-t-il davantage une continuité, ou une rupture ?
De Gaulle est un incroyable visionnaire, presque un voyant. Pompidou va beaucoup apprendre de lui en ce sens. De Gaulle est obsédé par le service de la France et, dans l’intérêt du pays, tous les moyens sont bons. « Soyez dur, Pompidou », disait le Général à son premier ministre. Et ce dernier, dans un bon sourire, disait : « J’essaie, mais ce n’est pas facile. » Pompidou est davantage un hédoniste, amateur d’art et des plaisirs de la vie, ce qui est à mille lieues du Général. Pour autant, ce que l’on appelle le pompidolisme, c’est-à-dire ce que Pompidou a fait pendant son mandat, se montrera d’une totale et absolue fidélité à l’œuvre du Général, y compris sur la participation, grand sujet de fâcherie entre les deux hommes et que Pompidou finira par promouvoir.
Pompidou est-il finalement le dernier des présidents réellement gaullistes ?
C’est évident. Je pense qu’il n’a jamais pris une décision importante à l’Élysée sans se demander ce que le Général aurait fait.
De Gaulle se définit lui-même comme un révolutionnaire. Était-il plus à gauche que Georges Pompidou, voire plus à gauche que bien des hommes de gauche ?
Malraux fait dire à de Gaulle dans Les Chênes qu’on abat : « Le seul révolutionnaire en France, c’est moi. » Ce n’est pas faux. Il était le seul homme politique du XXe siècle capable de véritablement renverser la table, et il l’a fait à de multiples reprises, ne serait qu’avec son départ à Londres, l’indépendance donnée à l’Algérie ou sa proclamation du Québec libre à Montréal en 1967. En définitive, les notions de droite et de gauche importaient peu au Général. La seule chose qui comptait à ses yeux, ce n’est pas son propre camp, c’est la France.
Pompidou était aussi un pragmatique qui détestait le prêt-à-penser et qui n’avait cure d’apparaître comme progressiste et populaire. Christophe Tardieu
La conversation entre ces deux hommes visionnaires est aussi pour vous une manière de réfléchir sur le présent. De Gaulle et Pompidou redoutaient une « dictature technocratique ». Qu’entendaient-ils par-là ? Qu’auraient-ils pensé de la situation politique actuelle ?
Je pense qu’ils auraient été horrifiés par l’envahissement des textes européens dans notre droit national, qui prive le pays de l’exercice de sa souveraineté, et du développement métastatique de la bureaucratie en France, qui a pour seule cause le fait que les administrations ne sont plus dirigées. L’instabilité ministérielle actuelle est catastrophique pour la bonne gouvernance du pays. On a pu assister pendant le Covid à des délires administratifs jamais encore connus à ce jour. Pompidou avait dit à Chirac, qui lui présentait de nouvelles normes : « Mais arrêtez d’emmerder les Français ! » Comme il avait raison ! On ne peut pas en vouloir aux administrations d’essayer de pondre de la norme. Encore faudrait-il qu’elles soient dirigées et contrôlées.
De Gaulle n’a pas hésité à démissionner lorsqu’il a été désavoué par le peuple. Cet homme que l’on présente volontiers comme monarchiste était-il en réalité profondément démocrate ?
A-t-on connu dans notre histoire un plus grand démocrate que le général de Gaulle ? Je ne le crois pas. D’abord, il a promu le suffrage universel avec le vote des femmes en avril 1944, et avec l’élection du président de la République au suffrage universel en 1962. Tout au long de sa vie politique, il n’a jamais cessé de vérifier sa légitimité vis-à-vis du peuple. Chaque élection nationale, chaque référendum étaient pour lui un test : les Français lui faisaient-ils encore confiance pour diriger le pays ? En 1969, alors qu’il sortait d’élections législatives triomphales un an plus tôt, il a voulu encore le vérifier et n’a pas hésité à démissionner immédiatement sur un référendum perdu sur des sujets mineurs.
Le mandat de Georges Pompidou a été écourté tragiquement. Le destin de la France aurait-il été différent s’il avait pu aller au bout de son septennat et peut-être même en faire un deuxième ?
C’est très difficile à dire, mais je pense que oui. Pompidou était obsédé par le développement industriel de la France et ses résultats étaient excellents dans ce domaine : le parc nucléaire, la fusée Ariane, Airbus, le TGV et tant d’autres grands projets qui triomphent aujourd’hui lui doivent beaucoup. En gardant une industrie puissante en France, notre pays aurait pu mieux traverser la crise pétrolière de 1974 et n’aurait pas aujourd’hui une balance commerciale aussi profondément dégradée. Pompidou était aussi un pragmatique qui détestait le prêt-à-penser et qui n’avait cure d’apparaître comme progressiste ou populaire. Enfin, conserver davantage à la tête du pays un président normalien, féru d’art et de culture française n’aurait pu nuire à la France…

Le Déjeuner de Colombey. De Christophe Tardieu, Albin Michel, 208 p., 17,90 €. Albin Michel
On fait ce qu’ on peut avec ce qu’ on a: « Il ne restera rien que le champ de l’ effort que nous aurons semé » C’ est comme un jeûne , Carême ou pas Carême selon qui le vit , , ou comme un dépouillement en quelque saison où tombent ou pourraient tomber les fanfreluches / en feuilles du superflu ou du nocif , des mordillements ou pire des mépris ou gâchis en avidités en mépris aussi ou conflits jusqu’ en sillons sanglants / fanfreluches cyniques parfois , aux temps à ce jour modernes ou bardés de murs individuels ou collectifs où l’on dit ou revendique , comme d’ avoir raison , tout savoir et partout et sur tout et au sujet de tout parfois dans la dite intelligence en dits progrès des hommes en rapaces ou charognards de vouloir exister . Carême c’ est plus qu’ un poème jour après jour c’ est Noël aussi c’ est comme ça qu’ on le veuille ou non ça interpelle ? de Février 2022 ou ailleurs en dit Orient aussi
Effectivement,l’essentiel est de ne pas désespérer. A 90 ans, après bien des événements, en Afrique, au Liban, à Djibouti, à Suez, puis comme industriel et homme public, j’espère encore avoir juste un peu de temps devant moi pour retrouver une France véritable, celle qui alimenta nos rêves et nos actions, sous l’ombre du Général.
Autres temps , autres mœurs avec en prime l’I.A comme l’Idiotie Aboutie
Il y avait un point essentiel, Pompidou était un homme de la Banque et plutôt atlantiste, un peu l’antithèse de de Gaulle.
une sage ou grande leçon , comme dire on la ferme ou bien on démissionne , ou comme aussi en venir à la chaise vide , quand les éléments ou la conjoncture sont ou semblent bloqués et contraires et en dialogues de sourds ou seraient , de les accepter, dilution ou bâillon ou reniement …. bien sûr d’ autres comportements sont possibles …. mais ne pas désespérer !