Les clés pour comprendre pourquoi le nucléaire est en ballotage

Si une première loi a été promulguée en mars pour accélérer les procédures de production d’énergies renouvelables, le gouvernement n’a pas réussi à faire voter la fusion de l’IRSN et de l’ASN. wlad074 - stock.adobe.com

DÉCRYPTAGE – Malgré le changement tardif de doctrine sur le nucléaire, Emmanuel Macron va avoir du mal à rattraper le temps perdu par lui-même et ses prédécesseurs. Par Charles Jaigu

  1. Le rapport qui étrille

« Cette histoire est celle de l’endormissement d’une nation qui a oublié de penser sa puissance et son rôle mondial, se recroquevillant sur son marché intérieur et des stratégies électorales », écrit le député LR Raphaël Schellenberger, président de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique. Le Parlement a donc joué son rôle, mais un peu tard. Les quinquennats de Lionel Jospin et François Hollande en ressortent en lambeaux, à chaque fois à cause d’alliances conclues avec les Verts.

Leurs ultimatums antinucléaires ont eu raison du bon sens écologique du Parti socialiste qui avait su servir l’intérêt industriel et énergétique du pays dans les années Mitterrand. Mais, au-delà, il faut souligner l’efficacité des antinucléaires pour noyauter les commissions d’experts. La Commission nationale du débat public (CNDP) est connue pour ses positions antinucléaires. Les scénarios énergétiques de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) misent sur le renouvelable. Il en va de même pour le Réseau de transport d’électricité (RTE), qui parie sur les comportements vertueux des consommateurs pour écarter l’hypothèse nucléaire.

  1. Le gouvernement à la peine

Une première loi a été promulguée en mars pour accélérer les procédures de production d’énergies renouvelables. Mais c’est seulement grâce à un amendement de la droite sénatoriale que le plafond de 50 % du mix énergétique pour le nucléaire, imposé pendant le quinquennat de François Hollande, a été supprimé. Cette loi autorise également EDF à commencer des travaux de terrassement en anticipation de la prochaine loi de programmation des EPR en 2024. C’est bien, mais le gouvernement n’a pas réussi à faire voter la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Les comités d’experts du premier sont hostiles au nucléaire, et leur absorption légitime par l’ASN (comme en Grande-Bretagne et aux États-Unis) est renvoyée à une nouvelle proposition de loi. Enfin, le lancement des 12 EPR promis par Emmanuel Macron reste incertain. Il dépend du vote difficile de la loi énergie climat de 2024. Car elle sera en même temps pronucléaire (et donc combattue par LFI et EELV) et pro renouvelable (détesté par RN et une partie de LR). Une adoption sans recours au 49-3 n’est pas gagnée. Or, Élisabeth Borne exclut désormais le recours au 49.3…

  1. L’Europe en embuscade

Acte 1 : en décembre 2021, la directive sur la taxonomie des énergies propres a accordé du bout des lèvres au nucléaire un statut d’énergie « de transition ». Autrement dit, il devra disparaître, à terme, au profit d’un monde idéal fait d’énergies renouvelables. Par ailleurs, les critères sont difficiles à remplir pour les entrants européens qui veulent développer le nucléaire civil à partir de zéro. Il faudra également attendre des autorisations techniques de la part de la Commission, sans que celle-ci soit tenue de les rendre dans un délai connu à l’avance.

Les levées de fonds privés seront à la merci de ces aléas bureaucratiques. Acte 2: en mars dernier, le « Net Zero Industry Act », annoncé par la Commission européenne pour stimuler la transition énergétique, a confirmé le rôle très secondaire que joue l’atome dans l’agenda européen. Il n’est mentionné que pour la production d’hydrogène, mais avec des réacteurs de quatrième génération (zéro déchet) qui n’existent pas encore, et les petits réacteurs modulaires sont en cours de développement. Enfin, la France n’est pas en position favorable pour renégocier le mécanisme de tarification de l’énergie qui pénalise son industrie nucléaire. L’Europe de l’atome reste un rêve du passé.

1 commentaire sur Les clés pour comprendre pourquoi le nucléaire est en ballotage

  1. Et force est de constater une fois de plus que les électeurs Français sont atteints de scysophrène en ayant propulsé aux manettes de la France les ayatollahs de l’énergie verte et en se rendant compte un peu tard que cela desservait leur indépendance énergétique et alourdissait leur facture !!!!!

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