Yves de Gaulle dans la lumière du Général

PORTRAIT – Le petit-fils de l’homme du 18 juin, auteur déjà de deux essais sur son grand-père, publie son premier roman, la vie inventée de son aïeul Jehan de Gaulle.
Par Blaise De Chabalier (Le Figaro)

Sa haute silhouette, sa voix d’une rassurante gravité font immédiatement penser à son illustre grand-père. Dans l’encadrement de la porte de son appartement parisien, où ne figure pas son nom, discrétion oblige, Yves de Gaulle, 71 ans, vous accueille d’un regard dominant, vif et bienveillant. Sur la table basse du salon, se trouve son premier roman, Chevalier solitaire (Plon), qui vient de sortir.

Au fil de cette saga historique au style alerte, de plus de 500 pages, située à la fin du Moyen Âge, l’auteur raconte la vie inventée de son aïeul Jehan de Gaulle. Cet ouvrage marque un tournant dans la carrière d’écrivain de celui qui fut haut fonctionnaire et dirigeant d’entreprises du privé. Après avoir signé deux essais : Un autre regard sur mon grand-père (Plon, 2016) et Ma République. Apocryphe de Charles de Gaulle (Éditions de l’Observatoire, 2019), Yves de Gaulle se lance donc dans la fiction. « J’ai écrit ce que je voulais exprimer sur le Général. Après, il fallait que je fasse autre chose, que je prenne ma liberté », dit-il.

Si le héros de Chevalier solitaire reste un personnage de sa famille, l’auteur précise qu’il n’est « qu’un prétexte. J’ai découvert dans les Mémoires accessoires de mon père, l’amiral Philippe de Gaulle, que nous avons eu un ancêtre, Jehan, qui a été capitaine de la ville de Vire jusqu’au début de l’année 1418, pour défendre la cité contre les Anglais. Ceci lors de la deuxième invasion de Henry V. Je me suis dit, tiens, puisqu’on ne connaît rien d’autre sur ce personnage, pourquoi ne pas lui inventer une vie ? ».

Vous savez, après le Général, on ne peut que descendre… Et puis je pense que je n’avais pas les qualités. Yves de Gaulle

C’est ainsi que le lecteur suit l’existence de ce guerrier qui met son épée au service de Charles VII afin de batailler contre les Godons, surnom en vieux français des sujets du roi d’Angleterre. Notre héros assiste même au procès de Jeanne d’Arc ! Mais cet homme de guerre est également un lettré qui traverse l’Europe au fil d’une fresque foisonnante, à la manière de celles de Ken Follett. Il côtoie Jacques Cœur, van Eyck, Cosme de Médicis ou encore le pape Nicolas V.

À propos de Charles VII, Yves de Gaulle souligne les qualités de ce souverain couronné grâce à l’action de Jeanne d’Arc. Il le considère comme un grand roi et le compare même au général de Gaulle : « Oui, bien sûr, il a laissé tomber Jeanne, et on doit le lui reprocher, mais, comme mon grand-père, il fut un grand homme d’État. Ils ont tous les deux été des refondateurs de la France. Ils ont tous les deux été confrontés à une occupation étrangère, même si elles étaient très différentes. » Comme quoi le nouveau romancier garde toujours à l’esprit l’homme du 18 Juin.

La proximité du jeune Yves avec le Général était telle, que le souvenir de leurs discussions est à jamais dans le cœur et l’esprit du romancier. Un bonheur intact. « C’était pour moi comme un jardin de lumière, glisse-t-il. Ce jardin était un extraordinaire espace de liberté. Mon grand-père laissait les choses complètement ouvertes. Il m’a dit, lors de notre dernière conversation téléphonique, en octobre 1970, un mois avant sa mort, alors que j’avais 19 ans et lui annonçais mon succès au concours d’entrée de Sciences Po “Je te félicite, tu connais la marche à suivre, tu y arriveras.” Mais jamais il ne m’a par exemple conseillé de faire de la politique. »

Ce n’est d’ailleurs pas la politique qui tente le jeune homme. « Vous savez, après le Général, on ne peut que descendre… Et puis je pense que je n’avais pas les qualités. Mes frères et mon père se sont engagés en politique, c’était leur choix », explique celui qui avoue avoir toujours rêvé de devenir écrivain. « J’ai commencé à connaître mon grand-père en parlant des livres, en discutant littérature. Il m’a toujours répété que la culture était la chose la plus importante, que sans elle on ne pouvait qu’aller nulle part. »

La suppression de l’ENA ? « Une ânerie »

Pourquoi avoir alors attendu l’âge la retraite pour prendre la plume ? « Jeune, j’ai essayé plusieurs fois d’écrire, mais à chaque fois, ce que j’avais commencé ne me plaisait pas. Mais la vraie raison est d’ordre psychologique : j’ai manqué de confiance en moi. Malgré tout, ce n’est pas commode d’être le descendant du Général. J’ai tellement mesuré la distance entre l’exemple que j’ai vu et ce que je suis… D’autant plus que mon grand-père était aussi un écrivain. Sur tous les tableauxil m’a fallu accepter cette distance », avoue celui qui deviendra énarque. Au passage, il dénonce la suppression de l’ENA comme étant « une ânerie. Et je ne dis pas ça parce que c’est une dérogation sinon une trahison d’un petit morceau d’héritage de mon grand-père. On fait juste semblant de vouloir régler un problème en détruisant quelque chose qui avait certes des défauts mais aussi des qualités. »

Défendre la mémoire du Général est bien la grande affaire de la vie d’Yves de Gaulle. Il n’a pas oublié, en particulier, les attaques incessantes contre le fondateur de la Ve République. À propos du pamphlet d’un certain François Mitterrand, Le Coup d’État permanent, il se souvient que le grand Charles « a rigolé et m’a dit : “C’est un tissu de conneries !” ». Mais l’adversité était pesante. « Un jour je lui ai demandé : “Vous avez toujours été seul contre tous, ou presque. Comment avez-vous fait pour supporter tout cela ?” Il m’a répondu “J’ai pris sur moi, ça a été extrêmement difficile.” Et ma grand-mère a joué un rôle décisif, elle formait avec lui un vrai couple amoureux. »

Enfin, à la question « Es-tu gaulliste ? » que lui posa son grand-père tout en lui confiant ce que cela signifiait : « C’est une histoire, un homme, une démarche, une méthode, c’est beaucoup de choses », l’adolescent de l’époque lui répondit : « J’espère l’être et le rester. »

1 commentaire sur Yves de Gaulle dans la lumière du Général

  1. Dêvacoumarane VILLEROY // 20 septembre 2022 à 17 h 30 min //

    Les petits enfants du Général De Gaulle devraient être plus présents sur la scène nationale et sur la scène internationale non pas pour un jouer rôle dans la comédie musicale de la politique française mais pour être présents dans cette phrase de l’Homme du 18 juin 1940: »Je me suis fait une certaine idée de la France ». Un citoyen français, originaire de Pondichéry.

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