La France a un incroyable talent : « Le casoar réhabilité grâce au chœur de Saint-Cyr ! »

« Le casoar s'est imposé en chantant ! » Capture d'écran Twitter M6

FIGAROVOX/HUMEUR – Après la victoire du chœur de St-Cyr lors de la finale de l’émission « La France a un incroyable talent », mercredi 22 décembre 2021, l’écrivain David Brunat réagit à leur triomphe et rend hommage aux «Cyrards».

Ancien élève de l’École normale supérieure et diplômé de Sciences Po Paris, David Brunat a été membre de plusieurs cabinets ministériels. Consultant associé chez LPM Communications, David Brunat est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages. Citons en particulier « Pamphlettres » (Plon, 2015), « Giovanni Falcone : un seigneur de Sicile » (Les Belles Lettres, 2017) et « ENA Circu s» (Éd. du Cerf, 2018).



 

Le casoar s’est imposé en chantant !

Vu de loin, il ressemble selon Buffon à « un animal velu et du même poil que l’ours ou le sanglier ». Il a « un regard farouche » et « une physionomie menaçante ». Un insolite casque cornu qui s’élève sur le front lui donne un air martial. Ses ailes sont armées de piquants mais ne servent à rien puisque cet oiseau ne vole pas. Sait-il au moins chanter ? Non. Il fait entendre des cris d’alarme et des grognements bas, claque du bec, gronde, siffle, souffle. Rien de mélodieux chez ce volatile exaspérant de laideur et de lourdeur. Comment gagner des concours de beauté ou de chant en étant si mal loti ?

Mais, justement, voici le casoar réhabilité grâce au chœur de Saint-Cyr dont il est l’emblème et le représentant officiel empanaché sur les shakos.

Une part des lauriers des quarante jeunes officiers distingués par « La France a un incroyable talent » revient à cette espèce d’autruche antédiluvienne si peu mélomane. Les valeureux chanteurs militaires se sont bien gardés de monter sur la scène de Karine Lemarchand en compagnie de leur encombrant compagnon velu et casqué ; ils se sont opportunément contentés de lui emprunter son panache pour s’imposer face à des concurrents … de haut vol.

La gloire est volatile et le public parfois volage dans ses engouements, mais ce mercredi 22 décembre restera comme un grand jour ou plutôt comme un grand soir pour les élèves officiers de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr.

Le son du canon, le sifflement des balles, le vacarme des convois ont constitué depuis l’aube du 19e siècle la musique de fond de cette école née en 1802 – tout comme Victor Hugo, souvenez-vous du siècle qui avait deux ans, et qui écrira dans ses Chansons des rues et des bois : « Depuis six mille ans la guerre / Plaît aux peuples querelleurs / Et Dieu perd son temps à faire / Les étoiles et les fleurs. »

Saint-Cyr vient de cueillir les fleurs et les étoiles d’une populaire émission télévisée. La fleur au fusil, en quelque sorte.

« Ils s’instruisent pour vaincre » , affirme la devise de Saint-Cyr. Ce mercredi soir, ce fut : « Ils chantent pour vaincre. » A chœur vaillant, rien d’impossible. David Brunat

La légende dit qu’en 1914, les élèves de la promotion « La grande revanche » (un bon titre pour un album de rap ou de variété !) chargèrent sabre au clair et en gants blancs. Ce fut leur chant du cygne. Rideau de feu. Orages d’acier. Hécatombe. Chant funèbre aux champs d’honneur. Silence éternel.

Plus tard, un illustre ancien de la « corniche », promotion 1907, devint la voix de la France malgré son peu d’aptitude pour l’art vocal. Au micro de la BBC, il chanta la liberté, entonna l’air de l’indépendance nationale et de la grandeur de la France, enchaîna les vocalises patriotiques avec un timbre inimitable et une rythmique bien à lui. Quel coffre ! Quelles mélodies ! Quels effets sonores !

Toute sa vie, le chef de chœur de la France Libre s’est fait une certaine idée de l’incroyable talent de la France, comme il le soulignera éloquemment en ouverture de la partition de ses mémoires – cet immense et grandiose chant d’amour pour son pays et pour la dignité humaine.

Toujours est-il que jamais une chorale d’élèves officiers ne s’était imposée dans un concours télégénique comme l’émission de M6. Bingo ! Shako bas !

« Ils s’instruisent pour vaincre », affirme la devise de Saint-Cyr. Ce mercredi soir, ce fut : « Ils chantent pour vaincre. » À chœur vaillant, rien d’impossible.

Ils ont vaincu en gagnant le cœur du public. En y croyant, après avoir multiplié les répétitions et s’être placé sous l’étendard et la baguette experte de leur jeune chef, Paul, qui a fait ses armes au Conservatoire de Chartres. La victoire en chantant !

Les lauriers sonnants et trébuchants de la gloire, 100 000 euros, seront reversés aux associations d’aide aux blessés et aux familles de militaires morts pour la France.

Et se sentant pousser des ailes, qui leur seront plus utiles qu’au casoar, ils envisagent déjà de sortir un album, de donner des concerts, et même de programmer des tournées … Rock you ! Moins cornichons que l’oiseau pataud, dissonant et mal embouché qui leur sert de symbole …

Joyeux Noël à tous, et dans ces temps d’Espérance mettons-nous à l’écoute des belles harmonies, des notes justes et des accords parfaits que le chant du monde fait entendre ici et là malgré les longs sanglots, les plaintes amères et les cris de douleur que contiennent – éprouvant chapelet – le répertoire et le solfège humains. Haut les chœurs !

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