Du ruissellement au plan-plan !

Un ersatz de plan croupion ?

De Gaulle revient ! En cette année 2020, tous les médias, en nombre, des émissions et leurs colonnes consacrent Charles de Gaulle.

Le rebelle solitaire de juin 40, le constructeur du Pays au sortir de la guerre, le bâtisseur incontesté de la Ve République, le promoteur du développement de la France, l’initiateur de son entrée dans le monde moderne, lâché en 1969 par un cartel d’intérêts contradictoires, fait son grand retour 50 ans après son décès.

Les acteurs politiques et même les médias de toutes tendances reconnaissent sa stature hors du commun, ses qualités exceptionnelles au point de revendiquer son héritage en partie, voire en totalité. Pas étonnant quand il s’agit d’une personnalité politique que l’on rencontre qu’exceptionnellement à raison d’une unité tous les 200 ans !

Dans l’édition du Ouest-France le 9 novembre dernier, Yves-Marie Robin consacre un article intitulé « Que représente Charles de Gaulle aujourd’hui ? » en sollicitant l’opinion de cinq femme et hommes politiques du Grand-Ouest qui en raison de leur âge n’ont pas connu de Gaulle dans l’exercice de son art.

Il nous appartient de revenir sur cet article et de faire quelques remarques, fussent-elles désobligeantes.

« De Gaulle appartient à tous les Français » affirme Guillaume Garot (PS). Oui, dans la mesure où de Gaulle figure dans le petit cercle des plus illustres Français ; non quand il s’agit de se racheter une virginité pour bon nombre de ses opposants qui l’ont méprisé au point de lui interdire l’accès à la radio pendant sa traversée du désert… Le temps passant, en raison de la fuite du temps, de Gaulle fait donc l’unanimité. Cependant, il convient d’affirmer qu’on ne peut revendiquer qu’une partie de l’héritage du Général, qu’il soit familial ou politique. L’héritage se reçoit ou se refuse dans sa globalité !

Les 5 interlocuteurs reconnaissent les qualités hors normes de « l’homme qui fut l’honneur de la France en 1940 », qui refuse la fatalité, le déclin de son pays, aujourd’hui consenti par bon nombre.

De Gaulle, préoccupé par le seul souci de la grandeur de la France, de son indépendance, de sa souveraineté, de son rayonnement dans le monde avait une vision à long terme pour elle.

Qu’en est-il aujourd’hui du projet de nos dirigeants ?

Pour de Gaulle, le verbe est action. S’il dit, il fait ! Son parcours, sa vie, ses actes de 1940 à 1969 en témoignent. De plus, le visionnaire était doublé de réalisme et de lucidité car les faits lui ont donné raison. C’est le cas de sa vision de l’Europe, son refus de voir entrer la Grande-Bretagne dans l’U.E., l’Otan, la Chine, la décolonisation…

Il est bon et judicieux de reprendre nombre de ses discours – Oxford le 25 novembre 1941, Brazzaville 1940 et 1944, Bayeux 1946, Bagatelle le 1er mai 1950… pour apprécier la profondeur de vue du Général qui maîtrise ses propos et explore l’avenir.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Depuis 1975 la France n’a plus équilibrer un seul de ses budgets. Gérald Darmanin, alors ministre des comptes publics, s’exprimait ainsi le 10 septembre 2019 : « je crois que quand le Président de la République (Macron) est né (1977) un petit peu avant moi (1982), le pays était déjà en déficit ».

Dans le même temps, tout ce qui faisait l’originalité et la force de la France, la planification à la française et l’aménagement du territoire ont été progressivement abandonnés au profit de la politique du marché, prétendument facteur de progrès (lequel ?) et de richesse (pour qui ?). Aujourd’hui, aucun cap, aucun élan, aucune perspective, aucune possibilité d’enthousiasme et de mobilisation de la population active.

C’est si vrai que le « premier ministre bis », François Bayrou, celui qui parle à l’oreille du président, l’a confirmé dans les colonnes d’Ouest-France du 10 novembre (article de Yves-Marie Robin) : « la Chine gouverne à 30 ans, la France, elle, ne le fait qu’à 30 jours, et encore ! » Tout est dit par le « patron » du nouveau commissariat au plan. Que nous réserve le fils spirituel de l’apatride Jean Monnet, ultra-atlantiste, l’homme lige et homme de main de Roosevelt, missionné à Alger en février 1943 pour devenir le cerveau, le bras droit et la plume du général Giraud. Hostile à de Gaulle, Jean Monnet n’appelle-t-il pas ses « protecteurs » à éliminer de Gaulle (cf sa lettre de février 1943 à Harry Hopkins, conseiller principal de Roosevelt ?[1]

Dans ce même article, François Bayrou affirme que « la France est la championne du monde des compétences inutilisées… Je veux que ces questions autour de l’avenir du pays soient réimplantées dans le débat… Il y a d’autres modes de vie que la métropolisation galopante… Quand aucune porte n’est ouverte sur le monde du travail, je suis inquiet. Cela fait des décennies qu’il n’y a plus de projet pour les jeunes ».

Ces propos de François Bayrou en disent long sur les abandons successifs et réguliers des outils, des moyens mis en place par de Gaulle qui ont assuré le développement, la grandeur, la singularité de la France vers laquelle se tournaient les peuples du monde entier.

Abandon du plan, de l’aménagement du territoire, de la formation des jeunes, avec ses corollaires inévitables : recul de la France dans tous les classements économiques, lent glissement vers la médiocrité, rayonnement de la France en berne, déclassement inexorable et régulier de notre pays désormais dans « le ventre mou », dans l’évaluation PISA (Rapport OCDE décembre 2019), jeunesse désemparée. Quand il n’y a plus de projet national susceptible de mobiliser, de transcender, de dynamiser un peuple, il n’y a pas lieu de s’étonner de la situation actuelle.

La planification à la française mise en place le 3 janvier 1946 par le Général de Gaulle, unanimement soutenue par l’Assemblée législative, institue un modèle de planification en économie libérale. Comme l’écrit Pierre Massé[2], « le plan est un réducteur d’incertitudes ». Dans le « plan ou l’antihasard » – 1965 – la planification est indicative et non coercitive. C’est « l’ardente obligation », une orientation qui a pour objectif de donner du sens à l’action politico-économico-sociale, ou encore la concrétisation raisonnée de la vision partagée de l’évolution souhaitée de la Nation. L’État engage tous les citoyens, à travers les organismes représentatifs de la vie politique, économique, sociale, culturelle dans la phase de concertation. Il s’ensuit la phase de décision qui appartient au président de la République, garant de la volonté nationale, qui établit les priorités…

La phase d’exécution ou de réalisation est mise enfin en œuvre.

« Il importe, sous peine de déséquilibre, qu’avec le Plan, que toutes les catégories avancent en même temps que l’ensemble et que chacun ait sa part » précisait alors le Général le 4 février 1945. D’où son attachement, son intérêt à l’aménagement du territoire.

Des personnalités de gauche ont exprimé leur attachement à la planification.

En 1962, Pierre Mendès France n’écrivait-il pas « L’État est responsable de l’évolution économique… personne ne croit plus à la valeur de la vieille formule laisser faire, laisser passer… »

« Les institutions de l’État doivent constituer un ensemble cohérent dont les différentes parties se renforcent, se complètent et se soutiennent les unes les autres. Cet ensemble, c’est le Plan. » dans la « République moderne ».

Ce propos d’un leader charismatique sous la IVe République est d’autant plus signifiant qu’au fil des années de 1946 à 1958, on constate un déclin du Plan dans les actes des gouvernements.

40 ans plus tard, Jean-Pierre Chevènement s’engage comme candidat à l’élection présidentielle de 2002 : « Pour tout ce qui concerne la préparation du long terme (Energie, transports, industrie, aménagement du territoire), l’État, dont c’est pourtant la tâche essentielle, s’est mis aux abonnés absents » – discours de candidature à Vincennes le 9 septembre 2001.

Depuis 1975, c’est la dérive, la planification est de plus en plus écornée, et François Bayrou a été membre, entre 1993 et 1997, de 3 gouvernements qui ont réduit l’importance du plan.

Voici que nos « élites » politiques redécouvrent les vertus, les bienfaits de la planification, ce depuis quelques mois. François Bayrou a été nommé « haut-commissaire au plan », mais pour mettre en œuvre quel type de plan, selon quelle méthode, quels sont les objectifs prioritaires définis par qui, de quelle façon ; enfin, le projet sera-t-il sanctionné par le vote d’une loi d’orientation par le pouvoir législatif ?

Or, François Bayrou a pour mission « d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’État »

Dépourvu de toute influence, et surtout d’autorité sur une quelconque administration, le maire de Pau se trouve être un haut-commissaire au plan… sans plan, puisqu’il n’a aucune ambition de relancer une vraie planification à la de Gaulle qui a fait le la décennie 1960 une période inégalée en terme de prospérité.

Au mieux, nous pouvons espérer un ersatz de plan croupion ! Loin des attentes des citoyens, hélas !

Gérard Quéré,
Co-président de l’association
« Général de Gaulle : souvenir et fidélité »


[1] Découvrir, comprendre De Gaulle page 224 (Alain Kerhervé et Gérard Quéré)

[2] Pierre Benjamin Daniel Massé -1898-1987 : économiste et haut fonctionnaire français.

3 commentaires sur Du ruissellement au plan-plan !

  1. L’essentiel de ce parfait profiteur de la République qui ne sait pas où il habite était de ne pas rester en plan !
    Le Modem ,image de tous ces politicards qui sont prêts à vendre Père et Mère
    au kilo pour exister ne pouvait qu’inspirer le « chérubin du Palais » roi du bla,bla,bla et des plans » foireux », à commencer par la désignation de ses serviteurs. Tout cela est minable et le COVID19 n’y changera rien !

  2. Latini Jacques // 24 novembre 2020 à 18 h 34 min //

    Je suis désolé mais je n’ai aucune confiance en Bayrou aucune ce type est nul c’est un raté.
    Par contre je suis fier d’avoir servi sous la présidence du général et je me dis bien souvent qu’il nous manque face à toutes ces politiques désastreuses et je suis souvent écœuré par ceux qui se disent gaulliste alors qu’ils ne sont rien !

  3. Non seulement De Gaulle était interdit de radio mais les socialistes n’étant pas une turpitude près, ont souvent couper l’électricité de la boiserie pour que De Gaulle ne puisse pas entendre la radio!
    Les socialistes ont pourri la France ils n’ont donc aucune légitimité à s’exprimer.

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