« La droite doit oser faire le bilan de la mondialisation néolibérale »

Julien Aubert. Sébastien SORIANO/Le Figaro

Le gaullisme n’est pas une nostalgie impliquant de mener des combats d’un autre temps, argumente le député Les Républicains Julien Aubert. Une politique libérale moderne est selon lui possible, à condition que l’État soit fort et retrouve la maîtrise de sa souveraineté...
par Julien Aubert, député de Vaucluse et président du mouvement Oser la France. (Le Figaro)

À la faveur de la crise économique enclenchée par le coronavirus, un débat s’est fait jour à droite sur la réponse à y apporter. Au cœur de ce débat, la notion de libéralisme a été questionnée par les numéros 2 et 3 de LR, au nom d’une droite « gaulliste », qui serait sociale et critique du libéralisme, allant jusqu’à parler de «planification de l’économie». Aussitôt, les tenants d’un réalisme budgétaire et d’un libéralisme orthodoxe se sont fait entendre, mettant en garde contre une dérive vers le socialisme ou la France insoumise. Certains se sont même payé le luxe de corriger Aurélien Pradié sur sa vision du gaullisme, pointant qu’il avait en 1958 mené une politique de redressement des comptes et de libéralisation de l’économie.

Les épithètes en forme de noms d’oiseau qui ont volé de part et d’autre – socialistes d’un coté, ultra-libéraux de l’autre – sont sans doute un peu caricaturaux et il est regrettable que le gaullisme se soit retrouvé invoqué et un peu pris en otage. Commençons par rappeler que le gaullisme ne peut pas être mis sur le même plan que le libéralisme ou le socialisme, car il n’est pas une doctrine économique mais une croyance charnelle en la nation française, qui conditionne le reste, c’est à dire la politique économique.

L’opposition au progressisme ne doit pas nous amener à la nostalgie ou à la réaction.

L’aile sociale des Républicains a raison de pointer les conséquences désastreuses de politiques économiques menées au nom de l’adaptation à la mondialisation. Elle a cependant tort de mélanger ce néolibéralisme avec le libéralisme classique qui a toujours été au cœur de la droite, et de penser qu’un « gaullisme moderne » suppose de remonter à 1940. C’est pour moi un non-sens. Le gaullisme dans sa conception de l’État et du commandement date d’avant 1940, tandis que ses positions économiques ont bien évolué depuis. L’opposition au progressisme ne doit pas nous amener à la nostalgie ou à la réaction !

L’aile libérale des Républicains a raison de railler des recettes qui fleurent bon la France d’après-guerre mais elle a tort de penser que toute critique du système économique néolibéral est nulle et non avenue, et que le statu quo est notre avenir. Qu’a-t-elle à proposer de si différent par rapport aux vingt dernières années ? Comment ne pas voir avec cette crise du Covid que la France a une politique sanitaire digne du Tiers-Monde ? Qu’aura-t-elle à proposer de différent du macronisme ?

Notons au passage que paradoxalement, les deux camps ont un point commun et se rejoignent pour mélanger libéralisme et néolibéralisme en le considérant comme un bloc. Pourtant, la nuance existe. Ce que les sociaux et les libéraux font mine d’oublier, c’est que pour qu’il y ait une politique économique, il faut déjà une politique. Or, il ne peut y avoir de politique sans État. Et il n’y a pas d’État sans souveraineté nationale.

C’est au peuple de décider de son système économique.

Les avancées économiques néolibérales portées depuis 1990 – libération des capitaux, ouverture commerciale maximale, privatisation tous azimuts, indépendance de la banque centrale, mise en concurrence et fin des monopoles – n’ont pas accru les libertés au sein des États mais ont détricoté les États car le néolibéralisme n’a que faire de la nation. Il balaie les souverainetés, c’est à dire la démocratie nationale, pour donner les rênes du monde aux entreprises, aux marchés, au capital. Pour une partie d’entre eux, les serviteurs de l’État se sont empressés de changer de maître et ont participé au grand dépouillement. La mondialisation néolibérale a étouffé la démocratie et laminé les classes populaires. La réaction à cette dépossession, ce sont des crises de souveraineté : Tea Party, gilets jaunes, Brexit… Ce que les bien-pensants appellent les « populismes ». Ces crises vont s’accroitre et finir par tout emporter si on ne répond pas en urgence à ce problème politique : c’est au peuple de décider de son système économique.

Notre vrai défi est donc de retrouver la maîtrise de notre destin : la souveraineté nationale.

Nous avons besoin d’une réindustrialisation de notre économie, la partie industrielle dans le PIB étant passée à 10 %.

C’est cela qui explique notre incroyable vulnérabilité. La souveraineté, c’est l’indépendance. Or, pour mener une politique industrielle, il faut que l’Union européenne l’accepte et s’extirpe de sa croyance en une concurrence libre et non faussée dans l’espace européen qui fait fi du reste du monde. Voilà comment nous sommes devenus des nains industriels, car Bruxelles empêche l’émergence de géants.

Pour que l’économie reparte, il va falloir passer le cap de la crise actuelle, qui est jugulée au prix d’un endettement massif. Les orthodoxes expliquent que cette dette publique devra être remboursée et qu’il est hors de question que la BCE sorte de son rôle en monétisant la dette. C’est d’ailleurs ce que le tribunal allemand de Karlsruhe a réaffirmé. En réalité, là encore, l’UEM va vers sa désintégration si les règles ne sont pas revues. Nous allons vers une inévitable crise de la dette, dont le point de déclenchement sera probablement l’échec d’un emprunt obligataire d’un pays d’Europe du Sud. Comme toute solidarité européenne se heurte aux libéraux orthodoxes allemands, il est urgent de réfléchir à l’avenir de l’euro. Il faut également comprendre que les montants d’endettement sont tels qu’ils seront probablement impossibles à payer à terme, et difficiles à vendre aux opinions publiques : pourquoi les Français devraient payer pour les dégâts commis par trente années de chimère mondialisée, de délocalisations, de désindustrialisation ?

Il va falloir remettre le travail au cœur de notre économie et notre compétitivité.

Voilà pourquoi les solutions innovantes, comme celle d’endettement perpétuel proposée par François Baroin, mais repoussées par les libéraux, sont de bon sens.

Pour payer nos dettes, il va falloir rééquilibrer les termes de l’échange avec l’Asie, et pourquoi pas faire payer la Chine pour les dommages du Covid. Dotons-nous de tarifs à l’importation plus élevés, ce qui suppose de remettre en cause l’abaissement généralisé des droits de douane et notre participation tous azimuts aux accords régionaux de libre-échange. Si l’Europe ne le veut pas, la France devra prendre ses responsabilités pour reconstituer son potentiel économique.

Mettre un droit de douane peut venir compenser des différences objectives de niveau social ou écologique entre deux pays. On ne fausse pas l’échange, on le rend équitable : c’est le protectionnisme d’équilibre.

C’est en recouvrant ses marges de souveraineté que notre pays pourra choisir sa politique économique. Là où les contempteurs de l’État obèse ont raison, c’est qu’il va falloir remettre le travail au cœur de notre économie et notre compétitivité, déflater l’assistanat. Là où ils ont tort, c’est de croire que le service public ne sert à rien, qu’une baisse de dépenses publiques est forcément gage d’efficience, que l’État doit se vider encore un peu plus au profit d’une nouvelle vague de décentralisation.

Sur ce dernier point, c’est bien une décentralisation anarchique qui a fait exploser le nombre de fonctionnaires territoriaux en vingt ans. Girondisme et libéralisme ne sont pas forcément associés. Nous avons besoin d’un État stratège capable d’aménager le territoire et pas d’un retour à une néo-féodalité qui ne saurait se substituer à l’État.

Notre avenir réside dans un pays souverain, un État régalien fort et une économie libre mais protégée des tumultes de la mondialisation. Ce sera ça, ou sortir de l’histoire et devenir une colonie américaine ou chinoise.

6 commentaires sur « La droite doit oser faire le bilan de la mondialisation néolibérale »

  1. Qui bat monnaie est indépendant , je préfère cela à « dirige ».C’est exact que l’euro est le seul nom auquel on puisse ajouter « Européen ». OK pour s’en séparer mais quand?

  2. Que reprochez vous exactement à cette tribune.Quelle apocalypse idéologique, pour qui ?

  3. BAERTJC Jean-Claude // 13 mai 2020 à 13 h 27 min //

    A Julien AUBERT….
    « Notre avenir réside dans un pays souverain, un État régalien fort et une économie libre mais protégée des tumultes de la mondialisation. Ce sera ça, ou sortir de l’histoire et devenir une colonie américaine ou chinoise. »
    MON PAUVRE !!!!!
    Vous n’avez donc rien d’autre en stock que de proclamer l’apocalypse idéologique ?

  4. La seule solution pour sortir la France de cette impasse Bruxelloise est d’oeuvrer à la constitution d’une liste de rassemblement des souverainistes,Gaullistes, patriotes anti Maastricht avec un programme commun précis, honnête, applicable, sobre! dès le premier tour de élection présidentielle de 2022!
    C’est vital

  5. C’est le discours que devrait tenir la direction LR, si elle etait, au fond Gaulliste. Bravo Mr Aubert!

  6. Oui Ce texte présente 2 lacunes majeures
    Quid de la banque centrale européenne situes à Francfort
    Comment imaginer que De Gaulle aurait accepté que la banque de France se retrouve à Francfort.
    On nous parle de souveraineté il n’y a pas de souveraineté sans indépendance bancaire.
    Celui qui bat Monnais dirige.
    Quelle politique n’a pas compris que la banque si tu es à Francfort signifie des employés allemand, des règles allemande, une pensée allemande, et après tout cela on veut nous parler de souveraineté française.
    La souveraineté de Monsieur Aubert et donc de la balivernes tant que nous n’aurons pas retrouvé la maîtrise de notre monnaie
    Deuxième question fondamentale qu’y a-t-il de commun en Europe par le marché ?.
    Y a-t-il une recherche européenne ? Non
    Y a-t-il une médecine européenne ? Non
    Y a-t-il une armée européenne ? Non
    Dois-je continuer ?.
    Donc nous nous construire ont pas une culture européenne commune ce qui veut dire une pensée européenne commune et pour moi la seule pensée qui tiennent une pensée française à la manière de Raymond Aron, le discours des hommes politiques ne seront que des balivernes.
    Tout le monde sait qu’il y a trop de technocrates en France trop de énarques, trop de gens n’ayant aucune expérience personnelle sinon celle de compte rendu, deAbrege, de brèves,Ce n’est pas à partir de compte rendu que l’on fonde une expérience personnelle et d’où ces experts et trois qui exprime dans un couloir étroit leur vision de la France nous n’avons plus d’hommes d’envergure !

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