Et si on arrêtait de se plaindre ?

De gauche à droite : François de Closets, l’auteur du best-seller « Toujours plus ! » ; la journaliste Sonia Mabrouk, qui vient de publier « Douce France, où est (passé) ton bon sens ? » ; le philosophe et écrivain Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation. ©Léa Crespi

Réunis par Le Figaro Magazine, la journaliste Sonia Mabrouk, le philosophe Luc Ferry et l’éditorialiste François de Closets tentent de comprendre pourquoi, dans un pays qui ne va pas si mal, les Français ont une vision si pessimiste des réformes et de l’avenir. Par Ghislain de Montalembert

LE FIGARO MAGAZINE. – La mobilisation sociale de ces derniers jours révèle la grande inquiétude des Français face à l’avenir. Ont-ils raison d’avoir peur ? Tout va-t-il si mal en France ?

Luc FERRY. – La France est un pays épatant : c’est à la fois le plus râleur et le plus heureux du monde. C’est vrai, ne nous mentons pas, notre pays est le champion des prélèvements obligatoires au sein de l’OCDE, la dépense publique est aberrante et la dette atteint 100 % de notre produit intérieur brut. Passons aussi sur le fait qu’il offre un paysage politique dévasté, avec une droite et une gauche qui ont explosé en vol. Mais si on regarde les principaux indicateurs socio-économiques depuis le début du siècle dernier, on s’apercevra qu’il n’y a pas un seul domaine dans lequel les choses ne se sont pas améliorées. L’espérance de vie des Français est passée de 45 ans en 1900 à 85 ans aujourd’hui pour les femmes et près de 80 ans pour les hommes. Qui prétendra que c’est sans importance ? Le pouvoir d’achat réel des Français a été multiplié par trois depuis 1950. L’alphabétisation des filles a formidablement progressé, les femmes ont obtenu le droit de vote et conquis leur place légitime dans la société. Qui dira que ce n’est rien? Que ce soit en matière de liberté, de protection sociale, de santé, d’éducation, de niveau et d’espérance de vie, mais aussi de criminalité, les progrès ont été extraordinaires. Sans parler de la période de paix exceptionnelle que nous traversons : je suis le premier garçon, dans ma famille, à ne pas être parti faire la guerre…

La communication politique, médiatique et plus largement sociale, est devenue inopérante; les Français ne croient plus aux discours des politiques et des experts….Sonia Mabrouk

François de CLOSETS. – S’il y a un endroit au monde où il fait bon vivre, c’est bien la France. Nous avons hérité de l’histoire et de la géographie du plus beau pays du monde ! Ce n’est pas du chauvinisme, le monde entier le dit et le prouve en venant le visiter. Nous recevons ainsi une rente touristique de 60 milliards d’euros chaque année. N’est-ce pas merveilleux ? Cette beauté de la France n’est qu’un atout parmi beaucoup d’autres : notre potentiel agricole, notre façade maritime, nos services publics, nos grandes écoles, nos grandes entreprises, nos marques, nos chercheurs, nos traditions… Aucun pays au monde ne dispose d’un tel potentiel. En 1970, le Hudson Institute californien s’est livré à une grande étude sur l’avenir de différents pays. Il en est ressorti qu’il y avait un dragon économique en Europe qui allait dépasser tous ses concurrents et devenir le pays le plus riche du monde : la France ! Voilà ce qu’est notre pays et voyez ce qu’il est devenu. Tant d’atouts gâchés ! Tant de possibilités pour une résilience. Le problème, ce n’est pas la France mais les Français, qui ont sombré dans un individualisme destructeur. Dans les années 1960, durant lesquelles l’économie française a connu une envolée extraordinaire, le général de Gaulle avait mis les Français au service de la France. Dès lors qu’il est parti, ses successeurs ont mis la France au service des Français. Ils ont sacrifié le collectif au particulier, l’avenir au présent. Cela a commencé dès le premier choc pétrolier quand on a fait porter la charge par les entreprises avant de laisser filer les déficits publics. Progressivement, on a transformé les Français en clients desquels on n’ose rien exiger. Ce faisant, le pouvoir a vu son autorité décliner. Or, si un État n’a pas d’autorité, il n’a plus non plus la capacité d’apporter la sécurité et, secrètement, il fait naître l’angoisse…

Pourquoi, alors qu’à vous entendre la France va plutôt bien, les Français sont-ils si pessimistes ?

Sonia MABROUK. – Il y a un vrai problème de perception des réalités par les Français. Vous avez beau aligner des chiffres démontrant par A + B que la France va beaucoup mieux qu’avant dans bien des domaines, que le pouvoir d’achat, par exemple, a augmenté, ils n’y croient pas ! La communication politique, médiatique et plus largement sociale, est devenue inopérante ; les Français ne croient plus aux discours des politiques et des experts. Une part de leur pessimisme vient aujourd’hui de cette attitude de suspicion, formidable témoignage de leur esprit critique certes, mais qui constitue un piège puisqu’elle conduit à remettre en cause les réalités économiques et sociales.

François de CLOSETS. – Les gens ne vivent pas dans le monde des statistiques ! Quand on leur dit que leur niveau de vie a augmenté de 2 %, ils ne s’en rendent pas compte. Mais quand tout à coup, à la pompe, ils constatent que le litre d’essence a augmenté de 4 centimes, ils le perçoivent immédiatement ! Il y a un décalage entre les statistiques et la réalité vécue. J’ajouterais que les Français comprennent bien que le confort social dont ils ont bénéficié est menacé. Cette fuite en avant dans les déficits et la dette ne pourra pas durer. Pour marier, comme nous le voudrions, l’efficacité du capitalisme à la sécurité du communisme, il faudrait jouer sur la solidarité et la concertation, pas sur l’idéologie et l’affrontement.

Les Français enracinés dans les territoires, de la France périphérique, perçoivent la mondialisation comme une menace insupportable. Elle rime à leurs yeux avec plus de flexibilité et d’inégalités….Luc Ferry

Vous pouvez lire (et imprimer) l’intégralité de cet entretien.
Fichier PDF ICI

 

4 commentaires sur Et si on arrêtait de se plaindre ?

  1. Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
    Pleurant sans cesse,
    Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
    De ta jeunesse ?
    Paul Verlaine, Sagesse (1881)

  2. Les retraites étaient appelées par le gouvernement européen à migrer vers des entreprises d’assurances privés, un ordre.
    Pour adapter notre système à la gestion d’organe privé, on a crée l’idée du point, qui ne sont que des actions. L’argent prélevé est remis aux assureurs qui boursicotent pour des actionnaires en retraite.
    Ce qui fait qu’on remet nos prélèvements entre les mains du hasard, sinon on saurait ce que serait notre retraite. La garantie du point est possible, c’est vrai. Seulement tant que les cotations sont bonnes on paye le point avec.
    Si elle ne sont pas bonnes, l’état en silence emprunte à la BCE (sauf frexit), et paye le différentiel. En fait on a des points à crédit qui alourdissent la dette et qui génèrent d’autres restrictions salariales sociales et administratives. Sachant que, ça y est, on est à 100% de dette. Ceci n’est pas expliquer aux élections.
    Autres détails dès son élection, en octobre « ils » avaient déjà vendu le contenu de notre caisse. Ils vont tout vendre….TOUT, tout sera vendable.

  3. Jean-Dominique Gladieu // 22 décembre 2019 à 19 h 11 min //

    Nous arrêterons de nous plaindre de nous plaindre quand nos gouvernants arrêteront de casser de déconstruire ce qui a été fait à la Libération.

  4. Sachant que le poste de Haut commissaire à la réforme des retraites a été instauré en Septembre 2017, qu’un volumineux rapport a été remis au 1er Ministre en Juillet 2019 , après moultes heures de réunionites aigues, que prés de 350 autres réunions ont été pilotées depuis septembre 2019 par le Haut Commissaire, des Ministres et autres membres de la majorité….qu’il n’en est rien sorti de clair, palpable, compréhensible et acceptable par des esprits raisonnables ,hormis des généralités répétées par le 1er Ministre, franchement, il y a de bonnes raisons pour verser dans la sinistrose politicarde sans que cela puisse étonner les grands esprits !!!!!!

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