Il y a cinquante ans, le jour où les Français ont dit «non» au général de Gaulle

Le soir même, le Général démissionnait de ses fonctions. Son projet de rénovation du Sénat et de la régionalisation, très critiqué, n’avait pas été compris des Français.

Minuit venait de sonner ce dimanche 27 avril 1969 et, peu après, un communiqué de deux lignes, signé «Ch. de Gaulle», annonçait sobrement: «Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi.» Le général de Gaulle venait de perdre son référendum sur la «rénovation» du Sénat et la régionalisation. Il en avait eu le pressentiment depuis quelques semaines.

Dès le 20 avril, il avait confié à Michel Debré : «Les Français veulent que je m’en aille.» Aussi n’a-t-il pas attendu à l’Élysée les résultats de la consultation populaire. Dès le vendredi 25 avril, il est retourné dans sa résidence de la Boisserie, en Haute-Marne ; sa DS noire a quitté la capitale aux alentours de 13 h 45. Il a passé le lendemain, samedi 26 avril, à Colombey sans rencontrer personne. Le dimanche 27, comme tous les Français, il est allé voter à la mairie de son village. Puis il a attendu durant la soirée de ce dimanche – «peut-être la plus sombre de sa vie» – dans son bureau.

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6 commentaires sur Il y a cinquante ans, le jour où les Français ont dit «non» au général de Gaulle

  1. Delecourt Jean-Louis // 5 mai 2019 à 17 h 59 min //

    Très juste analyse de Jacques Payen. A son crédit, un récent article de Christine Clerc dans le Figaro des 27/28/04/2019 sous le titre « De Gaulle avait pressenti la relégation de la France périphérique » à propos des objectifs du référendum de 1969.elle souligne aussi son »rêve de la participation » en opposition à Pompidou…

  2. Pour ma part, dès juillet 1968, il voulait aller très loin dans le domaine de la participation. D’ailleurs, quelques semaines avant le 27 avril 1969, un projet « révolutionnaire » était dans les cartons. Mais pour le faire passer, il était nécessaire qu’il ait une large majorité du peuple derrière lui. Car son projet était rejeté par les syndicats de salariés qui n’avaient rien compris, les syndicats patronaux qui, eux, avaient tout compris, les politiques classés plus à droite que réformistes. Une révolution dans le monde du travail s’annonçait. Les conservateurs de droite comme de gauche ont agit en dépits du bon sens.

  3. J’ignore combien d’ouvrages ont été publiés sur le général de Gaulle, sûrement plusieurs centaines. Le référendum a t-il été un suicide politique ou pas, les avis divergent. Je pense qu’il faut s’en tenir au fait à savoir que de Gaulle a su très tôt que ce référendum était perdu et qu’il a voulu le maintenir contre l’avis des ses plus proches collaborateurs.

    Eisenhower est mort le 28 mars 1969, le Général est allé à ses obsèques. Lors de son retour, il était accompagné de Hervé Alphand représentant de la France à l’OTAN entre 1952 et 1954 qui a révélé que, dans l’avion, au cours du trajet retour, de Gaulle lui avait confié que le référendum était perdu. La presse de l’époque titrait « De Gaulle veut provoquer son échec » pour les uns, « de Gaulle joue à la roulette russe pour les autres » et, une fois le résultat connu, la plupart des journaux ont écrit que cette réforme aurait pu attendre.

    En fait, d’autres ont une thèse différente. Le Général savait que le « non » l’emporterait mais il voulait cette réforme Sénat- Région car il y croyait. Malgré la pression mise par certains ministres qui voulaient non seulement repousser la réforme mais de plus la scinder pour créer 2 projets différents et malgré la mise en garde de Jacques Vendroux son beau-frère, de Gaulle a pensé que les Français comprendraient qu’ il s’agissait d’une véritable décentralisation voire départementalisation.

    Quinze jours avant le référendum de Gaulle reconnaît que selon son expression « c’est foutu » et le 24 avril, Maurice Schumann révèle que le Général lui confie que c’est perdu et que c’est dommage. Une fois le résultat connu de Gaulle reconnaît s’être trompé par cette phrase « j’ai mis à côté de la plaque ».

    Alors de Gaulle était-il trop fatigué ? Aurait-il accepté par anticipation cette défaite ? A t-il pensé qu’au denier moment les électeurs se raviseraient. La parole est aux Historiens mais ils divergent. En ce qui me concerne, je crois que de Gaulle était profondément convaincu des bienfaits pour le pays de cette réforme et que même la sachant perdue, il est allé au bout de sa conviction quitte à devoir démissionner. Doit-on appeler son geste un suicide politique ou un courage politique. Je crois à la seconde hypothèse et aucun politique de nos jours n’est capable d’une telle attitude c’est à dire se sacrifier pour la défense de ses idées. Mais, il y a des cas où le sacrifice n’est pas un suicide.

  4. Jacques Payen // 28 avril 2019 à 23 h 07 min //

    Il est peut-être temps que l’on « verbalise » la vérité.

    En 1969 la grande bourgeoisie possédante littéralement affolée par les « lubies » participationnistes du Général combattit massivement le projet référendaire. Absolument normal : ses intérêts directs étaient en jeu.

    Le problème c’est qu’elle entraina dans son sillage une très notable partie de la moyenne et da la petite bourgeoisie qui constituait une partie significative du « métro » électoral du général. Cette opération fut facilitée par la présence, en coulisse, et comme recours, de Georges Pompidou, qui, alors qu’il était premier ministre, avant 1969, s’était ouvertement et violemment opposé aux fers de lance de la Participation, René Capitant et Louis Vallon, et à « leurs projets délirants ».

    La déclaration que fit à Rome Georges Pompidou quelques mois avant le référendum, fit bien comprendre aux « affolés » qu’avec lui, on aurait l’Ordre. L’Ordre, bien entendu, mais sans la Participation et ses conséquences désastreuses pour les grands possédants.

    Le 27 avril 1969 de Gaulle fut lâché par une grande partie de ceux qui le soutenaient par pur intérêt de classe.
    Il perdit la partie. Alors que le vote d’une part significative de la classe ouvrière et salariée lui resta jusqu’au bout acquise.

    Depuis l’échec du referendum de 1969, la mouvance gaulliste n’a cessé de payer -très cher- la trahison des tenants de Pompidou.

  5. Leçon de démocratie

    L’orateur du discours de Bayeux de juin 1946, n’aurait pas à rougir aujourd’hui du résultat du référendum d’avril 1969 au cours duquel le peuple de France a rejeté son projet relatif à la création de régions et la rénovation du Sénat, en dépit du fait que la sphère politique et intellectuelle d’alors ait employé des mots durs à l’encontre de son initiateur tels que : « sabordage politique », « suicide en plein bonheur » ou « tenter le diable ».

    On peut certes comprendre ces critiques sur le moment dans la mesure où la majorité présidentielle remporte très largement les élections législatives de juin 1968 après la dissolution de l’Assemblée Nationale en réponse à la crise de mai 68 et que la démission du Président C. De Gaulle en 69 intervient au milieu de son mandat présidentiel de sept ans.

    Des regrets, il peut toujours y en avoir lorsqu’il est dit que l’erreur de Charles de Gaulle fut de n’avoir pas été assez clair dans le but qu’il poursuivait alors que lui même érigeait en principe le fait « que le peuple comprenne et y voie clair ». C’est une explication mais pas forcément convaincante.

    Dans l’ensemble, c’est oublié un peu vite l’homme politique, le visionnaire, l’homme de conviction qu’était De Gaulle qui n’hésitait pas à mettre sa démission dans la balance dès lors qu’il estimait qu’un enjeu crucial se posait pour l’avenir du pays. C’était l’homme du plébiscite. Si c’est non, je m’en vais puisque ma politique est désavouée par les Français.

    Le génie d’un homme parfois, c’est de réaliser un coup de maître avec une lucidité froide comme une oeuvre testamentaire qui déconcerte par son mystère et qui n’est en aucun cas ni un coup de dés ni un coup de tête.

    Rappelez-vous de cette citation du Général : « Puisque tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera, tôt ou tard, source d’ardeurs nouvelles, après que j’aurai disparu ».

    Et bien il le démontre en premier lieu lorsqu’il défend l’idée que le peuple est souverain. Pour preuve, il n’hésitera pas à le consulter par la voie référendaire. Quatre référendums dont trois qu’il gagnera haut la main en 1961 et 1962. Deux sur l’Algérie, et un sur l’élection du Président de la République au suffrage universel avant l’échec du «non » de 1969 à 52,41 % des suffrages exprimés. Rien de comparable toutefois entre cette situation et celle de 2005 au cours de laquelle le peuple français rejette à 54,67 % des suffrages exprimés le projet de loi sur la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe défendus par les antigaullistes qui l’imposeront finalement aux Français par la force par la voie du congrès.

    Notre résistant de la première heure aurait démontré à cette occasion au travers de quelques leçons magistrales de démocratie, tous ses talents et toutes ses convictions de gaulliste pour défendre la souveraineté française ou pour contrer le référendum sur le traité de Maastricht en 1992 avec le soutien d’un homme de la trempe d’un Philippe Séguin bien seul à la tribune de l’Assemblée Nationale en 92 face à ses exécuteurs, ou encore pour défendre la durée du mandat présidentiel ramené à 5 ans en 2000.

    Les taux d’abstention atteindront des sommets après l’ère De Gaulle lors des cinq référendums suivants ce qui témoigne du désintérêt grandissant à l’égard de la politique tant par méfiance que par défiance.

    En second lieu, dans le discours de Bayeux sitôt la fin de la seconde guerre mondiale, il donne déjà les grandes lignes futures de la construction de nos futures institutions et qu’il défendra avec conviction lors de ses mandats dont je cite quelques extraits : «… c’est ici que sur le sol des ancêtres, réapparut l’Etat, l’Etat légitime. Il est vrai que les pouvoirs publics ne valent que s’ils reposent sur l’intérêt supérieur du pays et sur l’adhésion générale des citoyens… En matière d’institutions, bâtir sur autre chose, ce serait bâtir sur du sable, ce serait risquer que l’édifice s’écroule… introduire… des représentatns des grandes organisations économiques, familiales, intellectuelles de telle manière que à l’intérieur même de l’Etat, se fasse entendre la voix des grandes activités du pays… une rénovation qui conduit chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d’aisance, à plus de sécurité et à plus de joie…plus puissants plus fraternels. (Avec la participation pour associer le capital et le travail !)Nous avons à conserver la liberté…

    En troisième lieu, finalement l’échec de 1969 s’est muée en victoire post-mortem. L’esprit de 46 c’était de vouloir éviter le retour des féodalités et des vieux errements et la lettre de 58 c’était de donner la voix à une autre France dans des circonstances particulières et d’éviter qu’elle soit captée par les élites qui ne veulent pas se remettre en question.

    Cette mise en garde du danger antidémocratique n’a pas disparue des esprits même si on cherche toujours à nous le camoufler même après les lois de décentralisation de 1982-1983.

    Elle garde toute sa fraîcheur. L’héritage gaullien doit être continuellement défendu pour éviter sa totale disparition.

    Rf 28.4.2019

  6. Lui au moins aimait son pays, sa nation et il ne s’accrochait pas au pouvoir pour jouir des privilèges et placer tous les copains. Il n’avait aucune casserole au c..
    Lorsqu’il avait dit : « après moi, ce sera le chaos» il ne pensait tout de même pas avoir raison à c point-là ! Mais il avait une lecture des évènements quasi visionnaire.

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