Corse : la dangereuse ambiguïté de la représentativité séparatiste.

  • par le général (2S) Michel Franceschi

« Il faut rendre hommage au chef de l’État pour sa résistance à la pression débridée des séparatistes lors de son grand débat en Corse le 4 avril. Mais, hélas, il n’a pas saisi cette opportunité inespérée pour trancher enfin le nœud gordien de la représentativité réelle du séparatisme corse, tabou qui n’en finit pas d’empoisonner le climat politique général et les relations entre le pouvoir local et le pouvoir central.

Les Séparatistes, Autonomistes et Indépendantistes confondus, accusent ouvertement le gouvernement de « déni de démocratie », rien de moins, pour persister à leur refuser une « autonomie de plein droit et de plein exercice ».

Voyons de plus près si cette gravissime accusation politique a un fondement. La légitimité démocratique ne se juge pas à des envolées lyriques d’estrades mais au décompte précis des voix dans les urnes électorales, indécrottablement têtues.

Celles qui ont porté les Séparatistes au pouvoir local le 10 décembre 2017, dans un scrutin ne concernant d’ailleurs que l’installation de la nouvelle collectivité unique, sont on ne peut plus éloquentes, pour peu que l’on daigne les analyser sans parti pris. Elles ont mesuré sans conteste la représentativité réelle du séparatisme corse.

Le grand gagnant de l’épreuve fut l’absentéisme qui remporta la majorité absolue avec 50,63 % du corps électoral (47,37 % d’abstentions et 3,26 % de bulletins blancs). À ce seul constat, le scrutin avait déjà perdu l’essentiel de sa signification politique. Apparemment élevé, le score séparatiste de 56,46 % des votants, facilité par la suicidaire désunion de l’opposition, est un trompe-l’œil auquel beaucoup se laissent prendre, y compris de candides lecteurs de Mérimée, épris de la farouche Colomba. En effet, le vote séparatiste ne représente que 26,18 % du corps électoral, soit seulement un Insulaire sur quatre.

Ce verdict sans appel dénie ainsi aux Séparatistes le droit de parler au nom d’un « peuple corse ». Il les prive également de tout mandat constituant, faute de l’onction populaire indispensable. Les choses étant ce qu’elles sont, et ne leur en déplaise, les Séparatistes au pouvoir doivent se résigner pour l’heure à donner la priorité à la gestion de la Collectivité de Corse que les électeurs leur ont légalement confiée.

S’ils n’acceptent pas cette obligation démocratique, il ne leur est pas interdit de demander au gouvernement l’arbitrage du peuple souverain par référendum local. L’idée est dans l’air du temps et a d’ailleurs déjà été mise en œuvre en 2003. De son côté, le gouvernement ne doit pas s’interdire cette procédure en dernier ressort pour purger une fois pour toutes un abcès purulent.

Dans l’immédiat, les responsables politiques doivent prendre conscience que la persistance du flou représentatif recèle un retour à la violence. Des extrémistes en sommeil peuvent se sentir légitimement spoliés des fruits politiques d’un pseudo triomphe électoral. Il importe donc que le Gouvernement officialise le constat de la minorité du Séparatisme, pérenne après un demi-siècle d’une brûlante agitation.

La Corse peut et doit ainsi renoncer aux chimères institutionnelles pour s’inviter dans l’urgente et profonde réforme décentralisatrice du pays, la mieux à même de permettre le libre épanouissement des identités provinciales, dans la vitale unité nationale.

Place donc au vivifiant principe de subsidiarité, loin de nous à jamais le spectre de Munich qui a hanté jusqu’ici la politique corse de tous les gouvernements, et halte enfin à la litanie des expédients statutaires pour acheter une paix intérieure toujours fuyante et de plus en plus chère. On doit bannir la dernière fausse-bonne idée en date « d’inscription de la Corse dans la Constitution ».

De l’aveu même des Indépendantistes, ce n’est qu’un cheval de Troie. De grâce, n’aggravons pas l’insularité géographique de la Corse par une insularité constitutionnelle. Bien plus grave, l’inéluctable contagion au plan national de cette idée funeste dévoierait notre Constitution en auberge espagnole.

La seule exception qui vaille pour la Corse est l’élaboration urgente d’un vrai « pacte solidaire de continuité territoriale », destiné à compenser dans tous les domaines les handicaps induits par son insularité. »

Général (2S) Michel Franceschi

4 commentaires sur Corse : la dangereuse ambiguïté de la représentativité séparatiste.

  1. Jean-Dominique Gladieu // 16 avril 2019 à 12 h 44 min //

    @ Jacques Payen :

     » … il existe, effectivement, un abcès corse, induit par le scrutin trouble et déconcertant de 2017. Les séparatistes usent et abusent de l’ambiguïté créée …  »

    Le scrutin de 2017 ne me parait ni « troublé » ni « déconcertant ». Il reflète simplement la lassitude des électeurs insulaires envers les formations politiques locales soutenant les politiques (ou plutôt les « impolitiques ») menées en Corse par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis 1769, date de l’annexion de l’île par les armées de Louis XV (exception faite de la période 1789-94 au cours de laquelle fut conçue une tentative d’union confédérale finalement avortée du fait des intrigues perpétrées par les familles de notables anti-paolistes : Bonaparte, Salicetti, Aréna, etc.).

    Cette lassitude de l’électeur corse est la cause principale du fort taux d’abstention (50%) qui a peut-être profité aux nationalistes (mieux vaut employer ce terme, plus approprié que celui de « séparatistes »). Reste maintenant à savoir si ces derniers « usent » et « abusent » de « l’ambiguïté créée » ?

    Les nationalistes se sont mis d’accord, durant la campagne électorale, sur un programme commun visant à promouvoir l’autonomie interne de la Corse dans le cadre de la république française. Et les électeurs ont voté en toute connaissance de cause. Il n’y a donc là aucune tromperie, aucune « ambiguïté ».

    Le processus démocratique normal serait à présent que l’Assemblée de Corse fasse des propositions au gouvernement. Et que l’éventuel accord qui émanerait de ces échanges soit ratifié par les Corses. Ainsi, le verdict des urnes de 2017 serait respecté et les citoyens qui ont jugé bon de s’abstenir à l’époque auraient l’occasion de faire entendre leur voix.

    Se pose donc la question de l’attitude du gouvernement. La balle est dans son camp.

  2. Jacques Payen // 10 avril 2019 à 18 h 00 min //

    Si l’on suit la logique du Général Franceschi, l’élection d’E.Macron, dont les suffrages au second tour de la présidentielle représentent 43% des inscrits… serait entachée d’illégitimité.

    Ce type de raisonnement nous conduit à nier toute représentativité. N’est-ce pas, pour le coup, saper les institutions ?
    Même le Général de Gaulle, en 1965, a fini par admettre, sur les instances du démographe Alfred Sauvy je crois, qu’on pouvait ne pas strictement réunir les suffrages de la majorité des citoyens inscrits sur les listes électorales et rester pourtant légitime.

    Cela dit, il existe, effectivement, un abcès corse, induit par le scrutin trouble et déconcertant de 2017. Les séparatistes usent et abusent de l’ambiguïté créée.

    Et là, je rejoins M. Franceschi. Le débridement de cet abcès ne peut être que politique. Avec, au final, en dernier recours, la voie du référendum.

  3. Jean-Dominique Gladieu // 9 avril 2019 à 13 h 04 min //

    Le constat du Général Franceschi est en effet implacable. Le vote nationaliste représente 26,18% des électeurs inscrits sur les listes insulaires. Le Général Franceschi en déduit que cela dénie aux « séparatistes » (il ne fait pas la différence entre nationalisme et séparatisme) le droit de parler au nom du Peuple Corse.

    Pourquoi pas. Mais quoi que ne représentant qu’un peu plus du quart de l’électorat, les nationalistes ont néanmoins remporté le scrutin de décembre 2017. S’ils n’ont pas le droit de parler au nom du Peuple Corse que dire alors des représentants des listes vaincues ?

    Le Général fait également référence au référendum local de 2003 mais il oublie de préciser que l’abstention y était également très forte et que le « non » l’avait emporté avec moins de 32% des inscrits.

    La question n’est d’ailleurs pas tant là que de savoir comment sortir de l’impasse corse. On peut considérer que l’Assemblée de Corse n’ayant pas de légitimité, c’est au gouvernement et à lui seul de traiter le problème. C’est risqué, mais c’est visiblement l’idée que le chérubin-président a derrière la tête.

    On peut aussi partir du principe que l’ensemble des formations politiques corses ont acté et accepté la victoire des nationalistes aux élections de décembre 2017 (même si effectivement ils ne représentent que 56% de 50% des électeurs). Et engager des pourparlers autour de ce que propose l’Exécutif de la Collectivité Territoriale de Corse. On peut aussi se réserver la possibilité de faire ratifier par référendum local les propositions qui émaneraient de ces pourparlers.

    Ceci permettrait de respecter le vote de ceux qui ont pris la peine de se déplacer aux urnes en décembre 2017 tout en donnant la parole à l’ensemble du Peuple Corse qui aurait ainsi l’occasion de se prononcer Souverainement.

    Et ça ne froisserait pas les principes républicains puisque la Corse n’est pas une région française (et depuis le 1er janvier 2018 n’est pas non plus un département français) mais une Collectivité Territoriale à statut particulier c’est à dire (pardon pour ce pléonasme !) un territoire à part au sein de la République. Territoire à part dont rien n’empêcherait qu’il soit doté à terme d’un statut d’autonomie et de la possibilité de jouir du droit à l’autodétermination.

  4. Laurent BOUGER // 9 avril 2019 à 12 h 04 min //

    France, nation une et indivisible.
    Les corses (pas tous heureusement) nous emmerdent avec leurs « spécificités ».
    Je suis breton mais avant tout je suis français !

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