Portrait de Philippe Séguin cette nuit de mercredi à jeudi sur France 3.

Le 7 janvier 2010, Philippe Séguin disparaissait subitement, à l’âge de 66 ans. Ils sont nombreux les hommes politiques à lui rendre hommage, en ce matin froid de janvier dans la cour des Invalides, eux qui ne l’ont pas toujours épargné.

Neuf années ont passé et, pourtant, il semble que l’homme, avec sa silhouette, ses coups d’éclat, ses discours vibrants, hante encore le paysage politique et manque cruellement dans le débat. Tel est le dernier paradoxe laissé en héritage par un homme à la trajectoire insaisissable, qui donna le sentiment de ne s’épanouir qu’à contre-courant, enfant terrible de la droite, mais séduisant à gauche, européen et de sensibilité républicaine, empruntant aussi bien à de Gaulle qu’à Mendès France.

Mais qui donc était Philippe Séguin, cet acteur incontournable de la vie publique, cet homme politique qui a suscité une puissante émotion le jour de sa mort ? De son parcours heurté, atypique, se dégage un idéal républicain qui résonne singulièrement dans la France d’aujourd’hui. Reconnu par tous comme un homme politique de haut niveau, respecté pour l’attachement à ses convictions, il n’aura en fin de compte pratiquement jamais exercé le pouvoir. Pas de bilan, pas de programme, pas de postérité, mais plutôt des déclarations tonitruantes, puis de longs silences.

Se démarquant de son propre camp, farouche opposant au Traité de Maastricht, il monte à la tribune de l’Assemblée nationale le 5 mai 1992 pour, dans un discours historique et prémonitoire, dénoncer un projet d’Europe qui n’est « ni libre ni juste » et qui « enterre la conception de souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution ». Il y percevait, en germe et en réaction, le retour des futurs nationalismes. Pour Philippe Séguin, la politique était une affaire de symboles. Et lui-même en était un.

Les Mémoires de Philippe Séguin constituent le fil rouge de ce film. Elles sont mises en récit par Pascale Nivelle, journaliste. Archives, images d’aujourd’hui et témoignages (de proches et d’hommes politiques) contribuent à façonner un portrait sensible de l’homme et du personnage public. Arnaud Teyssier est le conseiller scientifique du film. Historien, ancien conseiller de Philippe Séguin à l’Assemblée nationale, Arnaud Teyssier a publié en 2018, chez Perrin, une biographie de Philippe Séguin : Philippe Séguin, le remords de la droite.

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Alain Kerhervé

5 commentaires sur Portrait de Philippe Séguin cette nuit de mercredi à jeudi sur France 3.

  1. Laurent BOUGER // 4 avril 2019 à 7 h 47 min //

    N’en déplaise à Chirac, le « meilleur d’entre nous » n’était pas Juppé mais Séguin. Il n’est plus, Pasqua non plus, que reste il ?

  2. J’ai eu l’occasion de rencontrer Philippe Seguin lors de meetings, ce que au RPR on appelait « les grands-messes. »

    Quand on observe le monde politique aujourd’hui on ne peut s’empêcher de penser que Philippe Seguin devait être un dernier à avoir de vraies convictions, un des derniers de qui on peut dire qu’il défendait des valeurs et des idées.

    Au cours de sa carrière politique Philippe Seguin a subit quelques revers notamment en 1999 lorsque pour les élections européennes il fait une alliance avec Ch Pasqua, Ph de Villiers et Alain Madelin. Une alliance contre nature qui le fera exploser en vol ce qui entrainera sa démision à la fois de la tête de liste mais également de la tête du RPR.

    Il incarnait ce que d’aucun nomme « le gaulliste social » et c’est à ce titre qu’il s’est opposé à Edouard Baladur lors d’un célébre discours de l’ancien Premier ministre. Seguin est allé voir Balladur et lui a dit « très bien ton discours, mais où sont les chômeurs. » Il était un véritable homme politique et il sentait les choses. Il avait prévenu Chirac que Balladur le trahirait en lui disant ceci » Si tu laisses Balladur aller à Matignon, la première fois il te prendra au téléphone, la deuxième fois il te fera attendre et la troisième fois il te fera dire qu’il n’est pas là . »En 1997, il s’est opposé à la dissolution de l’Assemblée Nationale qui disait-il était une « dissolution de confort. »

    Il aura été un très premier président de la cour des comptes, n’hésitant pas à dénoncer les abus de son propre camp politique et un remarquable président de l’Assemblée Natiuonale. Peu le savent, mais c’est lui qui a mis fin aux « délégations générales de vote » afin de lutter contre l’absenteisme de nos députés.

    Philippe Seguin représentait tout ce que j’aime en politique. il avait des convictions et les défendait, Il avait les compétences, et, j’en reste convaincu il a sacrifié une carrière dans un unique but : celui de servir la République. Il a toujours été un grand républicain au service de la République. C’est probablement l’un des tous derniers.

  3. Jacques Payen // 3 avril 2019 à 18 h 14 min //

    Présidentielles de 1995.
    Déjà de sinistres et multiples craquements s’entendent dans les tréfonds du pays. Le cancer du chômage de masse le mine: causé principalement par la politique du franc fort , accroché au Mark, en vue du passage à l’Euro.

    Bousculé par la candidature Balladur, Chirac, désemparé, piétine.
    Guaino lui inspire le thème de la « réduction de la fracture sociale ».
    Avec la puissance qu’on lui connait, Séguin crédibilise la campagne de Chirac sur ce thème. Chirac est élu.

    Chirac, élu, poignarde Séguin. Le « meilleur d’entre eux » (un futur repris de justice qui aujourd’hui siège au Conseil Constitutionnel) est nommé 1er ministre, pour faire la politique de l’austérité voulue par Bruxelles et Berlin. Aux antipodes des engagements électoraux.

    La sanction sera terrible en 1997. L’électorat -trahi- désavoue Chirac, Juppé et leur politique de « comptables ».

    Trahi par Chirac, comme la majorité des français, Séguin ne se remettra pas du gâchis politique de 1995/97.
    Le pays non plus, d’ailleurs.
    25 ans après, il ne souffre plus de fracture, mais de complet délitement.

    La détresse exprimée par les gilets jaunes, depuis 4 mois, est l’écho lointain de ce gâchis et de cette trahison, et de la trahison du « peuple de gauche » par le couple Mitterrand/Delors, au moment du tournant européiste de 1983/84.

    Philippe Séguin était un homme d’Etat. Empêché par ceux de son camp.

  4. HAMELIN Didier // 3 avril 2019 à 16 h 06 min //

    Quels que soient les immenses qualités de Philippe Seguin, son caractère trop souvent insupportable (lire le livre d’Arnaud Teysier, ses alternoiements, font que son parcours politique débouche sur un immense gâchis, non pas pour la droite, mais pour le destin de la France qu’il aurait pu infléchir dans un sens gaulliste politique, patriote et social. Je pense notamment à l’après référendum de Maastricht où Charles Pasqua et lui ont réintégré le bercail Chiraquien, et ses « gaullistes » d’opérette, qui veulent nous faire croire que le gaullisme est « seulement » de l’empirisme, alors que le Général, s’il a certes su s’adapter aux circonstances, a toujours eu une ligne claire. L’après référedum sur le traité de Maastricht était pourtant le moment idéal pour (re)fonder un vrai parti « souverainiste » !

  5. Paul Agratey // 3 avril 2019 à 15 h 06 min //

    Le regretté Philippe Séguin avait sans aucun doute la stature d’un vrai chef d’Etat doté de grandes qualités morales et intellectuelles, et Dupont-Aignan le « young leader » qui se réclame de sa lignée Gaulliste ferait mieux de renoncer dès que possible à cette imposture.

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