Les gilets jaunes, un mouvement éminemment gaullien

par Ferréol Delmas, Président de l’Union des jeunes pour le Progrès, mouvement des jeunes gaullistes, et secrétaire général des Républicains-Sorbonne. et Benjamin Cauchy,Responsable des « Gilets jaunes libres ».

Source : Marianne

Le mouvement des gilets jaunes est étonnant, surprenant, décapant. Si les revendications premières sont liées à l’augmentation des taxes, principalement celles touchant les carburants, cet élan populaire témoigne d’une véritable soif de renouer avec la politique. Non pas s’engager dans tel ou tel parti, telle ou telle organisation syndicale ou professionnelle mais bien de redevenir acteur des décisions qui concernent le Bien commun. Emmanuel Macron avait promis une rupture dans les pratiques. Si le renouvellement des acteurs a bien eu lieu avec un taux exceptionnel de primo-députés, « le président du coup de com’ permanent » n’a pas compris que le manque de représentativité de ces nouveaux élus serait le talon d’Achille de son quinquennat. Député hors sol, voilà le représentant du nouveau monde ! Face à ces changements factices, qui prennent la forme d’un village Potemkine – à l’image des décors en carton-pâte – chargé de cacher la pauvreté des bourgades lors des visites de l’impératrice Catherine II, un constat s’impose : Macron a déçu.

La colère des classes populaires et moyennes est éminemment gaullienne. Et si la volonté du peuple français n’était-elle pas de revenir à une véritable pratique du pouvoir inspirée des préceptes de l’Homme du 18 juin ? Un rapprochement entre « Gilets jaunes » et gaullisme que l’on peut tenir en quatre points :

La recherche d’une politique au service de tous, d’une certaine idée de la France notamment dans la conception que l’on se fait du travail. Le Général de Gaulle promettait déjà cela avec la participation, permettant de trouver une juste place pour chaque citoyen. Associer le capital et le travail, vieille idée développée dans un premier temps dans l’encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII, souhaite combattre la lutte des classes par la mise en place d’une troisième voix sociale. « Nous, peuple français rassemblé, nous voulons que les travailleurs capables deviennent des sociétaires au lieu d’être des salariés », disait-il dans un discours le 14 décembre 1948.

La lutte contre « le système des partis » qui gangrène la France, dénoncé par les gilets jaunes, était le cheval de bataille du premier Président de la Ve République. En effet, le rassemblement était son maître mot. Si Macron a transcendé le clivage droite/gauche, il le remplace par une opposition France d’en haut/France d’en bas distillée par les piques contre « les pauvres » et « ceux qui ne sont rien ».

Le refus de la « vassalisation de la France » est une préoccupation prégnante chez les « Gilets jaunes » et par extension, le respect à travers le monde des nations, entités culturelles façonnées par l’Histoire et rempart des peuples contre les impérialismes. Cet idéal qui place très haut le patriotisme est profondément gaullien, l’asservissement de notre pays a toujours été une grande souffrance pour De Gaulle. Nous sommes loin des discours d’Emmanuel Macron, à l’étranger, sur les « Gaulois réfractaires » mais surtout, bien éloignés de la ratification des différents traités et pactes comme celui de Marrakech sur les migrations.

Enfin, être gaullien c’est souhaiter un lien direct entre le chef de l’État et le peuple passant au-dessus des corps intermédiaires par la pratique des référendums. Le principe est celui de la légitimité populaire. Comment savoir que le pouvoir est encore légitime si le peuple n’est plus consulté ? Aujourd’hui, la revendication majeure des contestataires est la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), qualifiée « d’obsession » par Europe 1 dernièrement.

Selon la Revue française de droit constitutionnel, ce « droit d’initiative populaire (ou citoyenne) permet à tout citoyen d’élaborer une proposition de loi et de la soumettre aux suffrages, soit du Parlement, soit de la population, si elle réunit auparavant un nombre suffisant de souscriptions ». Il permettrait au peuple de donner directement son avis sur des textes de loi ou le travail des hommes politiques via des référendums. N’oublions pas que le Général de Gaulle a quitté ses fonctions à la suite d’un échec au référendum de 1969. Si cela pouvait inspirer un autre président …

18 commentaires sur Les gilets jaunes, un mouvement éminemment gaullien

  1. Jean-Dominique Gladieu // 5 février 2019 à 10 h 06 min //

    @Flamant rose // 4 février 2019 à 16 h 36 min // :

    Merci pour ces précisions.
    Bonne journée.

  2. Flamant rose // 4 février 2019 à 16 h 36 min //

    Je me suis probablement mal expliqué en voulant parler de 2 périodes séparées de presque un an. Les 2 premiers chapitres sont post-événements de 1968 et Maurice Couve de Murville était bien le chef du gouvernement. De Gaulle qui n’a jamais abandonné l’idée voulait la participation sous forme de la 3éme voie et il l’a fait de manière institutionnelle ce qui fait l’objet de mon débat avec Alain Kerhervé dans son édito « des journalistes à la TV ». Le référendum a été perdu.

    Pour le reste ce qui ne pouvait être fait le 24 mai 1968 car la France était paralysée pouvait l’être 1 mois plus tard pour les élections législatives du 23 juin puisque les services publics ont repris le 1er juin.

  3. Le gouvernement est constitué avec la seule décision du Président. Pour l’AN, le Président a le droit de dissoudre et de convoquer une élection législative. Sur ce point, la constitution est claire et logique.
    Quant au fond, concernant le référendum annoncé le 24 mai, il y a évidemment une opposition de fond entre le Général et Pompidou.

  4. Jean-Dominique Gladieu // 4 février 2019 à 10 h 34 min //

    @Alain Kerhervé :
    Vous écrivez : « Quant au point n°2, légal ou légitime ? Faux débat. Il a été élu régulièrement, comme Chirac en 2002 face à JM.LePen. »

    Election régulière de Chirac en 2002 et de Macron en 2017, cela ne fait aucun doute.
    Il n’empêche que l’un comme l’autre commettent la même erreur : celle de croire qu’ils jouissent d’une majorité écrasante alors que leur « triomphe » est essentiellement dû au fait qu’ils affrontent le FN au 2ème tour.
    Or, si on a le sens des réalités, on ne gouverne pas de la même façon quand on accède au pouvoir suite à un raz de marée populaire ou grâce (ou à cause) d’un phénomène de rejet de l’adversaire.

  5. Jean-Dominique Gladieu // 4 février 2019 à 10 h 26 min //

    @ FLAMANT ROSE :
    Merci pour vos explications.
    Toutefois, vous parlez du gouvernement de Maurice Couve de Murville. Or ce dernier est devenu Premier Ministre à l’issue des élections législatives de juin 1968, c’est à dire après les « événements ».
    Pour ce qui est de l’annonce du référendum du 24 mai 1968, je comprends bien les explications pratiques et matérielles qui peuvent motiver l’annulation.
    Mais j’ai du mal à saisir en quoi les mêmes difficultés matérielles n’ont pas empêché la tenue des législatives.
    N’y aurait-il pas des causes plus directement politiques à la renonciation au référendum ?

    Enfin, concernant la participation, il semblerait que le Général reprochait à G. Pompidou de ne pas aller assez loin.

    Merci de votre attention.
    Salutations amicales.

  6. C’est à Maurice Schumann, Ministre d’État chargé des Affaires sociales, que le Général a confié la tache de mettre en oeuvre la participation. Quant à Pompidou, qui avait beaucoup de qualités, il ne voulait pas de la participation. Il suffit de regarder les ordonnances de 1967, insuffisantes pour le Général. En réalité, la participation telle que le Général la concevait (oeuvre inachevée) est une révolution sociale que la droite et la gauche syndicale et politique ont toujours combattue. De Gaulle a été le plus grand révolutionnaire du 20ème siècle.

  7. Flamant rose // 1 février 2019 à 20 h 09 min //

    @ Jean-Dominique Gladieu
    Voici la chronologie des événements:

    Lorsque le gouvernement de Maurice Couve de Murville a été formé le mot d’ordre du Général a été « la participation » et il a chargé Jean Noël Jeanneney alors ministre d’État de mettre la mettre en œuvre. Devant la large majorité gaulliste à l’assemblée nationale, Jeanneney propose la voie parlementaire. De Gaulle refuse au prétexte que les débats traîneraient pendant des mois voire des années avec une cascade d’amendements et que au bout du compte sa réforme serait très largement amputée. De plus il veut aller vite, donc pour lui la participation est le type d’affaire à décider par référendum.

    Certains ont reproché à Pompidou d’avoir empêché le développement de la participation. Ce n’est pas exact. Certes, Pompidou avait de la participation une idée moins idéaliste et plus pragmatique. mais il ne lui était pas hostile. Il a participé à l’élaboration de la loi de 1967 instaurant la participation.

    De Gaulle propose le référendum le 24 mai 1968 et il en fait part à ses ministres dés son retour de Roumanie. L’enregistrement de l’annonce, au rez de chaussée de l’Elysée, dure sept minutes et se fait en une seule prise. Il faut se souvenir que la France est paralysée, les imprimeries sont en gréve, la poste est en gréve. De Gaulle réalise alors qu’il faudrait imprimer en Belgique et que bien même l’acheminement vers les électeurs ne pourrait pas se faire et Christian Fouchet d’ajouter que dans les circonstances actuelles un référendum est impensable. Le Général renonce.

    La suite, vous connaissez…

  8. Sur Mai 68, vous avez raison. Son intervention du 24 mai proposait un référendum. Mais il n’a pas été suivi par son entourage, notamment Georges Pompidou.
    Quant au point n°2, légal ou légitime ? Faux débat. Il a été élu régulièrement, comme Chirac en 2002 face à JM.LePen. C’est, à mon avis, un faux débat.

  9. Jean-Dominique Gladieu // 1 février 2019 à 15 h 58 min //

    A FLAMAND ROSE :

    1) Vous écrivez qu’en 1968, les gaullistes ont refusé le référendum lui préférant des élections législatives.
    Peut-être mais je crois me souvenir qu’au départ le Général avait annoncé la tenue d’un référendum sur la participation puis qu’il s’est ravisé pour, sur l’insistance de Pompidou, opter pour la dissolution de l’AN.
    Quelqu’un aurait-il plus de détails à ce sujet ?

    2) Vous écrivez également que le pouvoir de Macron est légitime.
    N’est-il pas plutôt légal ? Car il semble difficile d’être légitime quand on ne représente que 18% de l’électorat ?

  10. A Samuel….. »Pour autant je trouve que leur rapprochement du mouvement des Gilets Jaunes avec le gaullisme s’appuie sur des arguments quelque peu capillotractés « ….y a pas de doute chacun de droite à gauche essaie de de pourvoir en référence comportementale…imaginaire….preuve irréfutable que personne n’a vu venir ce qui se développe et que personne n’entend y mettre un terme pour le bien du plus grand nombre. N’est pas Gl de Gaulle qui se prétend l’être sans l’avoir au préalablement démontré sur le front des malheurs qui frappent notre belle France !!!!!

  11. Je découvre avec plaisir que l’UJP à laquelle j’ai appartenu en 1964/65 lorsqu’elle a succédé à l’AEG (Action Étudiante Gaulliste) existe encore ! Je rejoins certaines des observations de Ferreol Delmas et de Benjamin Cauchy. Pour autant je trouve que leur rapprochement du mouvement des Gilets Jaunes avec le gaullisme s’appuie sur des arguments quelque peu capillo-tractés ainsi que l’observe Flaman Rose : la politique étrangère et la question de la souveraineté sont absentes du discours des Gilets alors qu’une grande partie des problèmes qu’ils soulèvent proviennent des choix euro libèraux et fédéralistes du président Macron et de ses prédécesseurs ; leur discours de remise en cause des institutions et du mode de scrutin est inquiétant pour un gaulliste.; enfin pour le Général de Gaulle il n’était de légitimité que par les urnes alors que recours à la consultation populaire par la dissolution ou par le référendum de l’´article 11 (je ne parle pas du RIC) est absent de le leur discours. Le drame de notre pays est que lui font défaut aujourd’hui à la fois une pensée et un recours alors qu’en 1958…

  12. Je suis OK avec cet excellent commentaire

  13. Comme Alain Kerhervé j’ai connu l’UJP dans les années 60, et je ne suis pas d’accord avec ce texte. Les auteurs affirment qu’il y a un rapprochement entre les Gilets jaunes et le gaullisme et etayent leur démonstration en quatre points :

    La recherche d’une politique au service de tous. C’était vrai pour le Général avec la « 3éme voie », mais je ne vois pas en quoi cette recherche est l’idéal des Gilets jaunes qui prônent la haine denvers une certaine catégorie de la population. Par ailleurs, la France est probablement un des pays sinon le pays qui redistribue le plus.

    La lutte contre « le système des partis » qui gangrène la France, dénoncé par les gilets jaunes, était le cheval de bataille du premier Président de la Ve République. Cela n’empêche pas 2 listes de Gilets jaunes, l’une menée par une aide soignante et l’autre par un chanteur en mal de notoriété. Par ailleurs, aprés son retour, le général de Gaulle a eu besoin des partis et il les utilisés. D’autre part, la situation étant différente, en 1946 la France avait un régime parlementaire, la Véme république est un régime semi-présidentiel.

    Le refus de la « vassalisation de la France » . Là encore c’était vrai pour de Gaulle mais à l’origine du mouvement, les revendications des Gilets jaunes portaient sur le pouvoir d’achat et la diminution des taxes. Aujourd’hui elles portent essentiellement sur les institutions avec une demande de démission du président, une dissolution de l’assemblée nationale et un référendum d’initiative citoyen. Je n’entends pas parler de vassalisation de la France et encore moins d’Europe. Les auteurs de l’article devraient citer des exemples. Quand on affirme, on démontre.

    Enfin, être gaullien c’est souhaiter un lien direct entre le chef de l’État et le peuple passant au-dessus des corps intermédiaires par la pratique des référendums. Je rappelerai aux auteurs du texte que lors des événements de mai 1968 les gaullistes ont refusé le référendum lui préférant la consultation du peuple par les élections législatives. Je leur rappelle également cette phrase du Général  » Tout ce qui sera fait par l’État le sera de par mon autorité, sous ma responsabilité, en bien des cas sous mon impulsion, en vertu du rôle primordial que , d’instinct le pays et par application normale des pouvoirs que la constitution nouvelle confère à qui tient la tête. »

    Je termine par cette phrase des auteurs de l’article qui n’est pas du tout gaulienne, je les cite  » Comment savoir que le pouvoir est encore légitime si le peuple n’est plus consulté ? Ils confondent popularité et légitimité. Aujourd’hui l’exécutif n’est certe pas populaire mais il est légitime. Remettre la légitimité en question à cause de l’impopularité n’est pas gaulliste, mais alors pas du tout. Je les renvoie en 1968 à Charletty lors du discoursde François Mitterand. Que ces jeunes demandent aux plus anciens.

  14. Ancien de l’UJP 1967. Alain Kerhervé

  15. Jacques Payen // 26 janvier 2019 à 15 h 43 min //

    Bravo M. Ferréol Delmas ! Je suis heureux de lire cette analyse sous la plume du Président de l’UJP. Dans un précédent commentaire je rappelais la citation de Malraux qui désigne le même phénomène populaire :  » le Gaullisme c’est le métro ! ».

    C’est bien parce que les partis prétendument gaullistes sont devenus, au fil du temps, des sanctuaires de petits possédants ratatinés, ne voyant pas plus loin que la clôture de leur pavillon, que ces partis ont fini par se compromettre, puis par pactiser et enfin par devenir les alliés objectifs de ceux qui furent les ennemis irréductibles de de Gaulle : les grands possédants pour qui le patriotisme et l’intérêt supérieur du pays n’ont aucun sens.

    De Gaulle disait, un an avant sa disparition, à Malraux (propos rapporté dans « Les Chênes qu’on abat ») :  » (…)mon seul adversaire, celui de la France, n’a aucunement cessé d’être l’argent. » Aucunement…

    Alors oui. Dans une société française fracturée, fragmentée à l’extrême, déprimée et écœurée par trop d’injustices, trop d’inégalités, trop de mépris et trop de mensonges, les Gilets Jaunes ont réveillé le flambeau de la dignité et de la solidarité qui sont éminemment des valeurs prônées par de Gaulle.

    Cette entreprise salubre doit être soutenue, aidée et renforcée par les patriotes gaullistes. Car le pouvoir macronien, qui est exactement celui de l’argent, fera tout pour la disqualifier, pour l’étouffer et tenter d’en corrompre certains animateurs.
    (Un ancien de l’Ujp. 1966)

  16. Paskal HENRI // 26 janvier 2019 à 9 h 26 min //

    évidemment ! et c’est bien pour cela que ce mouvement est totalement soutenu par la France Insoumise et debout La France ,l’inévitable 6ème république nous séparant, avec la constituante populaire qui va avec ! et c’est possible ! Cuba vient de nous en faire très récemment la démonstration mobilisant plus de 7.000.000 de cubains via les C.D.R.

  17. On peut rêver mais la suite de ce phénomène risque fort de vous décevoir !!!!!!

  18. Le mouvement des Gilets jaunes gaullien ? Oui mais pas exclusivement. Les questions que posent ce mouvement est typiquement français ne peuvent avoir de réponse effective que dans le retour à une pleine et entière souveraineté nationale dont le peuple est le détenteur. Le problème est que toute la classe dirigeante y a renoncé et que les Gilets jaunes n’en ont pas une pleine conscience de cet impératif. Une liste  » Gilets jaunes » aux élections européennes est un non-sens qui ne peut servir que le pouvoir en place. Il faut dire qu’ils n’ont pas la traduction politique de leur mouvement. L’Appel de La Sociale de Jacques Cotta et Denis Collin en est une tentative par la création d’un Collectif National pour la Souveraineté et la Justice Sociale le CNSJS dans lequel y figurent des gaullistes encartés ou pas.

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