Brexit : les huit inconnues que soulève le rejet de l’accord par les députés britanniques

Après le rejet mardi, par les élus de Westminster, de l’accord de sortie ordonnée négocié pendant plus de vingt mois avec Bruxelles, le Royaume-Uni se trouve face à une situation politique et diplomatique inédite. Un excellent article montrant la complexité du sujet.

Article « Les Echos.fr »
1. Un « no deal » est-il inévitable ?

Comme cela était pressenti, Theresa May a échoué, mardi soir, à arracher le feu vert des députés sur son accord de divorce avec Bruxelles,  rejeté par 432 voix contre (et ne recueillant que 202 voix positives). Si le Parlement ne parvient pas à faire émerger une majorité sur une solution alternative, le risque s’accroît mécaniquement de voir le Royaume-Uni quitter l’UE sans accord le 29 mars prochain. Dans ce cas, toutes les dispositions négociées avec Bruxelles pour permettre au Royaume-Uni de quitter l’UE de manière ordonnée voleraient en éclat : celles préservant les droits des Européens vivant outre-Manche et des Britanniques habitant sur le continent, celles prévoyant le paiement par Londres de 39 milliards de livres à l’Union européenne ou encore celles instituant une période de transition s’ouvrant le 29 mars et courant au moins jusqu’à la fin 2020. Mais une majorité de députés semble bien décidée à tout faire pour éviter un tel scénario, potentiellement très dommageable pour l’économie britannique. Certains voudraient même le rendre illégal, en l’inscrivant dans la loi. Theresa May a répété, après le rejet du texte, qu’elle souhaitait que le Royaume-Uni sorte de l’Union européenne « avec un accord ».

2. Quel rôle peut jouer le Parlement ?

Theresa May a désormais trois jours, autrement dit au plus tard jusqu’à lundi prochain, pour revenir vers les députés avec un plan B. Pourra-t-elle alors leur soumettre une version de l’accord légèrement amendée ? La vigueur avec laquelle ils ont repoussé l’accord qui était sur la table indique qu’ils ne se contenteront pas de simples ajustements. « La Chambre a parlé et ce gouvernement écoutera », a-t-elle déclaré immédiatement après le vote mardi, en proposant des discussions entre partis pour déterminer la voie à suivre. Mais tout dépendra aussi de ce que Bruxelles sera disposé à faire… dans un temps imparti qui laisse de toute façon peu de marge de manœuvre. Quoi qu’il en soit, les « MPs » auront alors le pouvoir d’amender les propositions du gouvernement. Ils pourront alors peser sur la suite des opérations. A charge pour eux de trouver une solution alternative. Ce qui s’annonce comme un tour de force : pour l’instant, aucune majorité ne semble en effet se dégager ni pour un second référendum, ni pour un « no deal », ni pour un autre type d’accord consistant, par exemple, à rester dans l’Espace économique européen.

3. Theresa May restera-t-elle à son poste ?

Désavouée par 432 voix contre son texte, la Première ministre conservatrice a essuyé la plus importante défaite pour un gouvernement britannique depuis les années 1920. Mais rien ne l’oblige pour autant à démissionner, d’autant que, elle l’a montré ces derniers mois, ce n’est pas dans sa nature. Les « hard Brexiters » du parti conservateur ne peuvent plus la contraindre à partir : ils ont déjà grillé leur cartouche en lançant contre elle, en décembre, une  motion de défiance interne au parti qui a échoué, ce qui la rend intouchable pour un an. L’épisode a néanmoins montré son extrême fragilité : 117 députés « tory » sur 317 ont alors fait savoir qu’ils ne la soutenaient plus.

4. La Première ministre résistera-t-elle à la motion de défiance ?

Après le rejet du texte, Theresa May a reçu mardi soir une motion de défiance lancée par l’opposition travailliste. Son leader,  Jeremy Corbyn, avait prévenu la semaine dernière qu’il n’hésiterait pas à lancer une telle procédure pour faire tomber la Première ministre en cas d’échec devant les députés. Qualifiant le résultat du vote de « catastrophique », il a mis sa menace à exécution. Les chances de succès sont minces : pour conserver le pouvoir, les députés conservateurs et leurs alliés unionistes nord-irlandais du DUP feront bloc derrière Theresa May – le DUP a en tout cas réaffirmé mardi soir qu’il la soutiendrait. Si la donne devait changer et que le Labour parvenait néanmoins à faire tomber le gouvernement, chaque parti aurait 14 jours pour revenir devant les députés et leur soumettre une nouvelle équipe. Si aucun n’y parvenait ou que les députés refusent de lui accorder leur confiance à l’occasion d’un vote, des élections anticipées seraient organisées.

5. Les Européens peuvent-ils encore faire un geste ?

Dans la lettre conjointe qu’ont adressée à Theresa May, lundi, Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen affichent leur bonne volonté. Sur le fond pourtant, ils ne vont pas plus loin que ce qui est déjà su : les Européens feront tout pour éviter le « backstop  », ce filet de sécurité qui terrifie les Britanniques et dont Londres voudrait assurer le caractère temporaire.

Ils se disent prêts à négocier au plus vite un accord commercial pour l’avenir. Bref : ils se montrent bien disposés. Mais après le rejet du Parlement britannique, Theresa May a jusqu’à lundi prochain pour tenter de revenir vers lui avec une nouvelle offre. Que pourront bien faire les Européens, alors même qu’il est hors de question, pour eux, de donner une date butoir au « backstop » ? Personne ne le sait mais dans les couloirs de Bruxelles, « on phosphore beaucoup », notait un diplomate avant que ne soit connue l’issue du vote. Sur d’autres aspects de l’équation, serait-il éventuellement possible de lâcher un peu de lest ? Oui, à condition que le jeu en vaille la chandelle. Donc que Theresa May ait un plan crédible pour renverser la vapeur dans son Parlement. Mardi soir,  Jean-Claude Juncker s’est inquiété de voir que « le risque d’un Brexit sans accord s’est accru »« J’appelle le Royaume-Uni à clarifier ses intentions dès que possible. Le temps est presque écoulé », a déclaré le président de l’exécutif européen.

6. Que devient la frontière irlandaise en cas de « no deal » ?

« Cela n’arrivera jamais. Jamais ! » avait coutume de répéter le Premier ministre irlandais Leo Varadkar pendant les négociations de l’accord de divorce, quand on lui faisait remarquer qu’un « no deal » signifierait le retour d’une frontière dure entre les deux Irlande. Tout a été fait, dans le deal final avec l’Europe, pour éviter cette extrémité qui risquait, disait-on, de remettre en cause les accords du Vendredi Saint de 1998 mettant fin à la guerre civile irlandaise. Confiant dans sa bonne étoile, le gouvernement irlandais ne s’est  pas préparé à cette éventualité . Sans accord sur le Brexit pourtant, pas de période de transition, ni de backstop, ni l’ouverture d’une négociation sur un nouvel accord commercial entre le Royaume-Uni et l’Europe. Dès le 30 mars prochain, marchandises, capitaux, personnes et animaux seront à nouveaux soumis à des contrôles et/ou à des droits de douane lorsqu’ils entreront ou sortiront de l’Union européenne. Mardi soir, Dublin a indiqué qu’il va intensifier ses préparatifs pour un Brexit sans accord.

7. Peut-on étendre l’article 50 et repousser la date du Brexit ?

C’est, à ce stade, le seul scénario qui soit réellement étudié à Bruxelles. Plus la date du 29 mars se rapproche et plus monte l’angoisse d’un Brexit sans accord. Pour éviter un probable chaos, une option serait de prolonger  « l’article 50 » , par lequel le Royaume-Uni doit quitter l’Union. Il faudrait pour cela que Londres en fasse formellement la demande qui serait sans aucun doute acceptée par les Vingt-Sept à l’unanimité. Mais encore faut-il, précise une source au Conseil, que la demande de Londres soit justifiée. Les Européens ne veulent pas être éternellement ballottés et ne repousseront le Brexit que pour permettre à un processus politique donné d’aller à son terme outre-Manche. Par ailleurs, ce scénario soulèverait des questions vertigineuses. Compte tenu des élections européennes du mois de mai, envisager une prolongation au-delà de cette période tournerait au casse-tête juridique : faudrait-il faire voter les citoyens britanniques aux prochaines élections européennes ?

8. Un second référendum est-il possible ?

Si la motion de défiance lancée par le Labour contre Theresa May échoue à la faire tomber, son leader, Jeremy Corbyn, ne pourra échapper à un débat interne sur l’opportunité d’un second référendum. Beaucoup de ses proches et  l’écrasante majorité des militants du parti (72 % selon une récente étude) le pressent de prendre position pour un « People’s vote », 88 % d’entre eux voteraient pour rester dans l’Union européenne s’il devait être organisé. Mais le chef de l’opposition ne veut pas d’un tel scrutin, de peur de s’aliéner les 37 % d’électeurs travaillistes ayant voté Brexit au référendum de juin 2016. Il fait donc tout pour remettre la décision à plus tard, voire pour l’éviter. Theresa May pourrait-elle appeler à un second référendum ? Elle s’y est pour l’instant refusée, au motif que le peuple britannique s’est déjà démocratiquement exprimé en juin 2016 et qu’il faut respecter ce vote. Quant à savoir si le Parlement pourrait lui-même pousser pour un People’s vote, des députés de tous bords y travaillent. La crédibilité d’un tel scénario dépendra de l’importance des blocages, dans les jours qui viennent, à la Chambre des communes.

De Gaulle visionnaire !

4 commentaires sur Brexit : les huit inconnues que soulève le rejet de l’accord par les députés britanniques

  1. Bon alors ILS dégagent,(les British), où se « délectent » à nous prendre pour des « CONS » avec la bénédiction des « à voile et à vapeur » qui dirigent l’Europe ?

  2. Halte au tir…les balles sont creuses et tout le monde d’un côté ou de l’autre du « channel » y a déjà laissé beaucoup de plumes financières au travers de ces circonvolutions intellectuelles dont raffolent nos élites politicardes de tous bords !!!!

  3. Le Royaume-uni est un pays bien plus démocratique que le nôtre parce que les élites respectent le vote populaire même s’il ne leur plaît pas. Il a raison de quitter une instance bureaucratique, technocratique et non démocratique.
    Messieurs, les Anglais tirez les premiers !

  4. michel fremondiere // 16 janvier 2019 à 13 h 35 min //

    il veulent partir ,,,tant mieux , bon débarras ,sont t » il européen ,NON ,on t » il l » euros NON ,touche t »il de l »argent de l « Europe OUI ,alors qu « il se débrouille désormais

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