2018, année de désillusions

par Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

En France comme en Europe, 2018 aurait pu être la grande année de réflexion sur l’Histoire, sur le destin des Nations, de la paix et de l’humanité. Elle marquait en effet le centenaire de l’une des dates clés de l’épopée humaine: la Victoire de 1918, la fin de la Première Guerre mondiale et l’entrée dans le XXe siècle. La Victoire, payée au prix du sang de 15 millions d’hommes, nous le savons aujourd’hui, était en trompe-l’œil et ouvrait la voie au triomphe du totalitarisme, à l’Apocalypse de 1940 et au vertigineux déclin de l’Europe. Le retour sur ces événements au niveau du grand public, n’a pas vraiment eu lieu. Il n’en est resté qu’une banale polémique sur l’absence de l’Armée aux célébrations du 11 novembre 2018. La chance d’un vrai débat d’idées sur cette époque charnière a avorté. Bref, le centenaire de 1918, en dehors de quelques succès d’édition, a fait choux blanc… Ce fiasco est le signe d’une époque noyée dans les soubresauts du quotidien et incapable de prendre de la hauteur, un symptôme de l’affaiblissement de la mémoire et de l’intelligence collectives.

En politique intérieure, l’excitation, l’hystérie, les polémiques n’ont pas manqué. 2018, l’une des rares années sans enjeu électoral, fut dominée par la déception. Le plus jeune président de la République de l’histoire, élu à 39 ans en mai 2017, revendiquait une ambition jupitérienne de « transformation » de la France. Emblème d’un « nouveau monde » vertueux qui devait se substituer à l’ancienne politique hantée par les scandales politico-financiers, il bâtissait son image sur un principe d’autorité inflexible. « Je serai d’une détermination absolue et je ne céderai en rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes », prévenait-il.

Or, l’année 2018 s’est ouverte comme elle s’est conclue, sur deux renoncements emblématiques. En janvier, le gouvernement annonçait que face à la menace d’une épreuve de force brandie par les zadistes, il abandonnait le projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, pourtant approuvé par un référendum local. Puis en décembre, le pouvoir, après de multiples manifestations de fermeté et promesses de ne jamais reculer sur le dossier, après 4 semaines de manifestations des « Gilets jaunes », marquées par des violences et destructions dans tout le pays, abandonnait son projet de taxe carbone qui devait renchérir le prix du carburant.

L’autorité présidentielle, bien loin d’avoir profité de la victoire de l’équipe de France en coupe du monde à Moscou, un 15 juillet, a gravement pâti d’un scandale de trois semaines dit « affaire Benalla », du nom de ce membre du cabinet présidentiel, en charge de la sécurité du chef de l’État, filmé en train de commettre des violences sur des manifestants. Plusieurs sondages, en fin d’année 2018, donnaient le président Macron comme le président le plus impopulaire de l’histoire, battant les records atteints par son prédécesseur à l’Élysée, François Hollande. Avec cette nouvelle déception, tout un mode de pilotage de la France, fondé sur la surexposition de l’image présidentielle, au détriment des autres sources d’autorité, le gouvernement, le Parlement, les collectivités locales, est désormais en question. La rupture entre le pays profond et ses élites dirigeantes a ainsi atteint son paroxysme.

Mais la crise politique française n’est sans doute que la déclinaison, à l’échelle d’une nation, d’un séisme qui frappe l’ensemble du continent européen. En 2018, la décomposition de l’idéal européen s’est fortement accélérée. Il y a eu l’arrivée au pouvoir en Italie d’une coalition dite « antisystème » ou populiste, unissant la Ligue et le M5S qui conteste les fondements de la construction européenne en particulier une politique jugée laxiste en matière d’immigration. Mais aussi la rébellion ouverte de la Hongrie de Orban, de la Slovaquie et de la Pologne contre les visées de l’Union européenne d’organiser une répartition des migrants sur tout le continent. En outre, le Brexit se déroule dans des conditions obscures et l’année 2018 s’achevait sans perspective d’un divorce à l’amiable entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Quant à l’Allemagne, elle est au cœur de tous les paradoxes: puissance industrielle dont la domination économique sur toute l’Europe se révèle écrasante, au point d’inquiéter et de favoriser les forces d’éclatement, elle se trouve elle aussi déstabilisée sur le plan politique par les suites de la crise migratoire de 2015 et 2016, la politique d’accueil d’un million de migrants, conduite par la chancelière Merkel, reprochée à cette dernière, se traduisant par son affaiblissement et départ annoncé.

Cette violente crise de l’Union européenne qui donne tous les signes d’une désintégration politique, se déroule dans un contexte dramatique pour le vieux continent face à un monde dominé par quelques géants dont l’année 2018 n’a cessé de renforcer la suprématie. Les Etats-Unis sont plus que jamais la première puissance planétaire, économique, militaire, politique et les frasques de son étrange président, Donald Trump, régnant par les provocations lancées sur twitter, n’ont pas effacé le formidable dynamisme économique de son pays. La Russie de Poutine est sortie victorieuse de son bras de fer avec le monde occidental pour assurer le maintien au pouvoir du régime d’Assad en Syrie. La Chine, avec son désormais président élu à vie, Xi Jinping, poursuit sa course de long terme pour disputer la suprématie planétaire à l’Amérique. A ces grands défis du futur s’ajoute celui de la démographie de l’Afrique, plusieurs études de l’ONU annonçant qu’en 2050 sa population doit doubler pour atteindre les 2 milliards, puis 4 milliards en fin de siècle, sans que ses ressources ne permettent de faire face à cette expansion. Et puis la menace du terrorisme islamiste qui a frappé l’Europe a plusieurs reprises, dont la France sur le marché de Noël de Strasbourg, clôturant ainsi l’année par une tragédie, n’a jamais cessé de hanter les esprits malgré l’affaiblissement voire la défaite de Daesh au Moyen-Orient. Pendant que le monde bouge et que les périls se multiplient, la France comme l’Europe, engourdis dans leurs polémiques et leurs déchirements, paraissent au point mort.

Maxime Tandonnet

 

8 commentaires sur 2018, année de désillusions

  1. Avec tous nos vœux pour que l’année 2019 ne soit pas une année de plus de désillusions politico-sociale et économique.

  2. Il n’y a eu de désillusions que pour ceux qui avaient des illusions. Notamment sur Macron dont il est clair maintenant, pour ceux qui en doutaient, que ce jeune, trop jeune président, est totalement incompétent comme ses deux prédécesseurs à l’exercice de la charge de Président. De plus il a échoué en tout comme le déclare au journal belge « Le Soir » le philosophe Marcel Gauchet. Le « Nouveau Monde » de Macron ressemblait à s’y méprendre à l’ancien monde qu’il prétendait abolir. Il n’a fait que poursuivre et aggraver les politiques de Sarkozy et Hollande. Les illusions de Macron n’ont pas résisté à l’exercice du pouvoir, et les Gilets jaunes lui infligent depuis 6 semaines un démenti cinglant dont il aura bien du mal à se remettre lui et les siens.

  3. Monsieur Maxime Tandonnet vous avez quelques certitudes qui ne sont pas forcément d’inspiration Gaulliste !.. Concernant l’aéroport de NDDL, le référendum purement local avait il une légitimité quelconque vis à vis de la population du grand Ouest ? alors que d’autres aéroports existants dans l’ouest peuvent facilement être étendu sans aller encore supprimer encore ces espaces agricoles qui disparaissent massivement. Le Mouvement des GJ a été volontairement décrédibilisé par le Pouvoir en place qui s’est servi des habituels voyous et casseurs qui s’infiltrent systématiquement dans toutes les manifestations parfois de manière encore plus violentes (les policiers piégés dans leur voiture en feu en 2017) ce qui l’arrange bien quand cela sert ses intérêts. Quant à Poutine qui semble vous déranger, commençons, nous les occidentaux, à ne pas semer le chaos ou destabiliser des Etats souverains pour des raisons inavouées et inavouables au proche-Orient et en Afrique du Nord (Libye) provoquant ainsi une invasion migratoire vers l’UE, faisant ainsi le jeu des Américains qui divisent pour régner, méprisent leurs alliés qu’ils considèrent comme des vassaux souvent humiliés. Vous semblez êtes un Atlantiste dénué d’un lucide et pragmatique esprit Gaulliste et qui se lamente de voir la Chine revendiquer sa juste place dans le monde parce qu’elle menacerait de détrôner l’impérialisme vorace et va-t’en-guerre US qui depuis 1990 a raté l’occasion unique dans notre histoire de poser enfin les bases d’un monde pacifié après la chute de l’URSS en poussant partout ses pions économiques et militaires pour dominer sans partage au besoin sans hésiter par les plus extrèmes violences, des millions de morts, des destructions incalculables, des générations sacrifiées et le réveil du djihadisme et du terrorisme islamiste dont les conséquences vont se faire sentir pour des générations dans tous pays concernés, Europe comprise. Alors Vive votre Pax Américana ?.

  4. Jérôme Framery // 26 décembre 2018 à 17 h 24 min //

    Le (très) âgé prêtre de notre paroisse dans son homélie du dimanche 11 novembre 2018 s’attristait en effet de cette commémoration ratée. On n’a entendu à la télévision disait-il que des questions du prix du gasoil, alors que nos anciens poilus (et il en avait connu beaucoup dans sa longue carrière de curé) ne se plaignaient jamais. Nous sommes devenus égoïstes en plus de notre amnésie collective. Il ne faut pas prendre à la légère ce centenaire manqué de la grande guerre, c’est plus que symptomatique : c’est peut-être annonciateur d’affrontements encore plus mortels. Prions pour que je me trompe.

  5. Comme le disait le Général en Mai 68 la France a de nouveau été exemplaire par le mouvement des Gilets jaunes qui amis à bas l’illusion et la dangerosité du pouvoir de Macron et de sa clique élue par défaut. Pour le reste nous sommes en train de changer d’ère, d’époque ( une UE moribonde ) et en attendant et la transition vers un autre monde n’est pas de tout repos. Je pense que l’on vit une époque « intéressante », passionnante. Ainsi va l’Histoire.

  6. Jean-Dominique GLADIEU // 26 décembre 2018 à 15 h 29 min //

    Eh oui, Cher Monsieur Tandonnet, l’Europe est au plus mal … Enfin, « l’Union » Européenne plus exactement.
    Mais a-t-elle jamais été bien ? Et pourra-t-elle jamais l’être dans sa structuration actuelle ?
    Finalement, n’est-ce pas plutôt une bonne chose que l’UE aille mal ? Car plus vite elle se désagrègera, plus vite la véritable Europe, celle des Peuples et de leur Souveraineté pourra se faire.
    Allons un peu d’optimisme … ne soyons pas « euroïnomane » !

  7. michel fremondiere // 26 décembre 2018 à 15 h 17 min //

    tout cela est très bien ,,mais l » Europe et la France est bien la ,il y a tout le temps du changement en politique et en économie ,reste a savoir ce que le peuple va bientôt décider ,nous savons déjà qui va gagner cette élections ,que fera LR si il n’arrive pas a 10% et enfin Macron,qui devrait prendre une claque ,2019 sera de tout les dangers

  8. Ah cher Maxime Tandonnet…pour « hanter les esprits » encore faudrait-il qu’il en subsiste sous le règne du « chérubin du Palais » !!!!

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