Rafik Smati : « Que vive la Cinquième République ! »

A l’heure où la France traverse une crise politique grave, au moment où nos institutions sont malmenées, à commencer par ceux qui sont sensés les défendre, je veux faire aujourd’hui l’éloge de la Cinquième République.

Le hasard du calendrier veut qu’en ce jeudi 4 octobre, la Cinquième République célèbre ses 60 ans. 60 ans de stabilité institutionnelle pour un pays marqué par des frondes, des guerres et des révolutions… Un miracle que nous devons à Michel Debré et à Charles de Gaulle, qui ont su inventer un modèle institutionnel qui s’avère être une synthèse quasi parfaite de ce qu’est l’âme de la France : une Nation à la fois moderne et ancrée dans l’histoire ; une verticalité du pouvoir qui se conjugue avec l’expression du peuple souverain ; une juxtaposition habile du temps politique (à travers le gouvernement et l’Assemblée Nationale) et du temps long (incarnés par le Président de la République et le Sénat)…

La Cinquième République est remarquable en ceci qu’elle s’est révélée avoir une capacité d’adaptation hors du commun depuis sa création. Elle a su surmonter des crises graves, telles que le putsch d’avril 1961 ou les événements de mai 1968. Elle a parfaitement accompagné la période mouvementée qu’était la décolonisation. La Cinquième République a autorisé l’alternance politique entre la gauche et la droite, et permis à 3 reprises la cohabitation (en 1986, 1993 et 1997), périodes pendant lesquelles les réformes ont été les plus denses dans notre pays…

Une spécificité de la Cinquième République réside dans l’élection du Président de la République au Suffrage Universel Direct. Notre pays est le seul grand pays démocratique dans lequel une femme ou un homme va personnellement à la rencontre de plusieurs dizaines de millions d’électeurs. De ce fait, celui ou celle qui sort victorieux de ce scrutin bénéficie d’une légitimité gigantesque. Mais ce n’est pas tout : la constitution de la Cinquième République accorde au chef de l’État des pouvoirs exceptionnels. Si les circonstances l’exigent, le Président français peut même se saisir de l’article 16 de la constitution qui l’autorise à prendre les «pleins pouvoirs». Autant dire que le Président français a plus de pouvoirs que les autres chefs d’État, et notamment celui qui est supposé être l’homme le plus puissant du monde : le Président des Etats-Unis.

L’enjeu est donc de taille : la constitution donne au Président français tous les leviers pour agir. Tous. Aussi, si celui ou celle qui emporte les suffrages des Français est animé par la grandeur de la France et le désir d’écrire l’Histoire, alors il est capable de produire de grandes choses. Inversement, si le chef de l’État privilégie la tactique politicienne à la grandeur politique ; s’il cède à la dictature de l’urgence et perd toute hauteur de vue ; ou pire encore : s’il se laisse griser par l’ivresse du pouvoir… alors il en oublie les fondamentaux de la Nation Française, et propulse notre pays dans les abîmes.

La constitution de la Cinquième République avait un mérite : celui de dissocier le temps législatif du temps exécutif. D’une durée de cinq ans, le temps législatif devait être consacré à l’application d’un programme électoral, sous l’impulsion d’un Premier ministre. Quant au temps de l’exécutif, il reposait sur un mandat présidentiel d’une durée de sept ans. Il permettait de définir les grandes orientations, de penser aux choix structurants pour notre société. C’était une singularité, et peut-être l’une des forces de la France. La dictature du mouvement a eu raison du septennat présidentiel. Voilà donc un Président de la République en première ligne, trop impliqué dans la politique quotidienne, qui ne prend plus le temps de voir loin. Désormais, le Président ne préside plus : il gouverne.

Dans ce climat de crise politique et institutionnelle, certains en appellent à l’émergence d’une Sixième République. J’ai toujours été agacé par cette fronde populiste. Les institutions n’ont en effet pas vocation à créer des idées (contrairement peut-être à ce que souhaiteraient certains dirigeants politiques en manque d’inspiration), mais plutôt à donner des outils pour les mettre en œuvre.

Ainsi, la seule manière de réconcilier les Français et la politique réside dans notre capacité à proposer à nos compatriotes un projet ambitieux, élevé, et fédérateur. Un projet qui ne peut être animé que par un seul objectif : la France. Un projet puissant que seule la Cinquième République, parce qu’elle ouvre un chemin vers la Grandeur, nous permettra de mettre en œuvre.

Bon anniversaire, et que vive la Cinquième République !

Rafik Smati
Président d’Objectif France et entrepreneur.

 

8 commentaires sur Rafik Smati : « Que vive la Cinquième République ! »

  1. Jean-Dominique GLADIEU // 11 octobre 2018 à 9 h 31 min //

    A Alain Kerhervé (« On ne peut pas dire qu’elle est morte. Elle a besoin d’une pique de rappel ») :
    Cher Compagnon, elle n’est peut-être pas complètement morte mais elle est sacrément mal en point !
    Et, même si ça a été encore pire avec Mitterrand, Sarkozy ou Macron, cela a commencé dès Pompidou : alliance avec les « centristes » (en fait la droite atlantiste), entrée de la GB dans la CEE, lancement de l’idée de quinquennat (principe adopté par les 2 chambres mais suite à pressions le président avait renoncé à faire ratifier), …
    Alors la solution ? A mon avis, refonder de fond en comble et sans tabou en s’appuyant sur un large Front pour la Restauration de la Souveraineté Populaire et l’Indépendance Nationale.

  2. On ne peut pas dire qu’elle est morte. Elle a besoin d’une pique de r’appel !

  3. Jean-Dominique GLADIEU // 10 octobre 2018 à 9 h 16 min //

    Que vive la 5ème République, certes … Le seul problème c’est qu’elle est morte le 27 avril 1969 !

  4. A Jacques Payen .. »Si nos concitoyens ne font plus beaucoup de crédit à la classe politique, qu’ils balayent aussi un peu devant leur porte. Car ils ont élu, et parfois réélu, beaucoup de personnages sans scrupules. Cela se paie. »
    BRAVO, mais la lucidité de certains ne suffira pas à éradiquer la sinistralité intellectuelle du plus grand nombre ,trop content de profiter des politicards et de droite et de gauche !

  5. Delaisse Jean-Paul // 4 octobre 2018 à 18 h 03 min //

    Merci Monsieur de stigmatiser à nouveau la réalité de tout ce que nous avons perdu, y compris avec la complicité de ceux qui se disaient gaulliste.

  6. Jacques Payen // 4 octobre 2018 à 16 h 10 min //

    Les meilleures constitutions valent surtout par la pratique qui en est faite.

    La fonction présidentielle a commencé d’être ébranlée lorsque ceux qui l’incarnaient l’ont affaiblie par démagogie, trivialité ou manque de scrupules. Pour mémoire, et entre autres : le cirque de Giscard avec des éboueurs et ses escapades nocturnes et retours à l’Elysée à l’heure du laitier; Mitterrand, acceptant qu’un journaliste pose ses fesses sur son bureau ou se laissant interviouver par des journalistes qui étaient les… compagnes notoires de deux ministres !

    La débandade a bien entendu suivi. Depuis le « Casse toi, pauv’con », suivi d’un Président juché sur un scooter pour tenter de rejoindre incognito sa dulcinée, jusqu’à l’actuel titulaire, entiché d’un gorille incontrôlable et amateur de selfies outrageants.

    Si nos concitoyens ne font plus beaucoup de crédit à la classe politique, qu’ils balayent aussi un peu devant leur porte. Car ils ont élu, et parfois réélu, beaucoup de personnages sans scrupules. Cela se paie.

    Et si l’on se fonde sur les sondages, près d’un tiers de la population fait encore confiance au président des ultra-riches. Ce qui semble proprement schizophrène.

  7. On peut le souhaiter cher Rafik Smati…hélas avec la bande de profiteurs de la cinquième actuellement au pouvoir on peut se poser la question de savoir si
    la France n’a pas fait la belle place aux « ovnis » de la politique au détriment des aspirations viscérales de celles et ceux qui entendent la défendre contre toute idiocratie dirigiste ?

  8. Ah, ça fait du bien de lire ces propos larges et… pragmatiques à la fois. Merci !
    Maintenant, la 6e république sera tellement affligeante et épuisante que je propose de passer direct à la 7e afin d’achever pour de bon ce que, qui vous savez, appellait l’intérêt général.

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