‘Osez la France’ pour une défense nationale

  • Par Julien Aubert, Thibault Bazin et Patrice Verchère

Le 14 juillet, la France est fière de voir son armée défiler sur les Champs-Élysées. Le Président de la République a eu à cœur de rappeler que le projet de loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit une augmentation des crédits de la mission Défense de 9,8 milliards d’euros pour atteindre 44 milliards d’euros en 2023. En effet, l’érosion continue des moyens de nos forces depuis presque 20 ans et l’intensité des menaces auxquelles notre pays doit faire face exigeaient ce redressement budgétaire afin de maintenir et de développer notre autonomie stratégique autour d’un modèle complet et efficace d’armée.

Néanmoins, derrière la communication présidentielle, les chiffres sont têtus. Cette augmentation est à nuancer par la « clause de revoyure » prévue en 2021 qui déterminera les annuités 2024 et 2025. La loi de programmation militaire est en réalité une loi d’intention politique dont la trajectoire devra être confirmée par chaque loi de finances. Des doutes sérieux existent concernant la soutenabilité des hausses annuelles de 3 milliards chaque année à compter de 2023. Elle n’est ainsi certainement pas à la hauteur des défis en matière de recrutement, en particulier dans le domaine de la cyberdéfense : l’essentiel des 6000 postes supplémentaires que la LPM prévoit sont reportées en 2ème partie de LPM soient 1500 en 2023, 1500 en 2024 et 1500 en 2025. Ces reports ne permettront pas à la France de rivaliser avec la Bundeswehr allemande qui s’est dotée d’une « cyber-armée » de 14 000 experts…

Surtout, derrière la LPM se trouve l’enjeu industriel. La programmation repose en effet sur l’hypothèse de coopérations capacitaires dans le cadre de l’OTAN ou de l’Union européenne. Or, notre intérêt vital réside dans la préservation au niveau national d’une base industrielle et technologique de défense forte, apte à répondre aux exigences technologiques et opérationnelles des futurs systèmes d’armes et équipements de défense. Nous appelons de ce point de vue-ci à revisiter la stratégie industrielle de la Défense nationale. La question du partage des technologies doit être examinée avec une grande attention tout comme la garantie de la préservation de notre autonomie industrielle. En effet, le mythe des « Airbus industriels » et l’idéologie de la « taille critique » scandée depuis des années par une élite économique déconnectée des intérêts vitaux et souverains ont fait de nombreux dégâts.

Les exemples sont nombreux. On pourrait citer la vente de la division énergie d’Alstom qui représente 70% de l’entreprise, à son concurrent américain General Electric, véritable opération manipulée, ou bien l’opération capitalistique de sa branche ferroviaire qui est tellement favorable à Siemens que ce n’est pas un groupe européen qui va être créé mais un groupe très majoritairement allemand. De même, la volonté affirmée par le gouvernement français de rapprocher le constructeur français Naval Group de l’italien Fincantieri conduira à une disparition progressive de l’opérateur français le plus stratégique pour la Marine française. Comment gérerions-nous un possible déplacement en Italie de la construction de sous-marins et les difficultés à prévoir pour la maintenance des navires français qui serait à partager avec la flotte italienne ? Le président de Fincantieri, Giuseppe Bono, revendique le leadership commercial en Amérique latine où Naval Group est le mieux implanté. L’attitude italienne provoque le trouble au sein de certains États clients de la France comme le Brésil qui a choisi le groupe tricolore pour renouveler sa flotte sous-marine.

Le sujet de la souveraineté militaire ne se limite pas aux seuls grands groupes : la PME française « HGH Systèmes Infrarouges » qui développe et commercialise des systèmes de pointe en optroniques permettant de surveiller des sites sensibles, est susceptible de passer sous pavillon américain depuis que le fonds d’investissement « Carlyle Europe Technology Partners III » a annoncé être entré en négociations exclusives avec la société française en vue d’acquérir une participation majoritaire à son capital. Pourquoi le gouvernement ne réagit-il pas à cette situation ?

Il ne suffit pas de mythifier et multiplier les coopérations européennes pour produire une industrie crédible. Prenons l’exemple du très ambitieux et stratégique programme SCAF (Système de combat aérien du futur) voulu par la France et conçu comme un système complet associant un avion de combat de nouvelle génération, des drones d’attaque ainsi que des futurs missiles de croisière. Le drone devrait se réaliser dans le cadre d’une coopération franco-britannique que le Brexit affaiblit. Que devient le projet de drone MALE européen dans ce contexte ? Malgré la déclaration d’intention prise par la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne en mai 2015, le projet de drone MALE européen a pris du retard et ne devrait être opérationnel qu’à l’horizon 2025. Un partenariat franco-allemand est envisagé pour ce qui concerne l’avion de chasse dernière génération, mais l’Allemagne n’a pas les compétences pour produire un avion de combat et nos cultures stratégiques et nos règles d’engagement sont fondamentalement différentes, ce qui rend complexe cette alliance industrielle.

D’ailleurs, ne soyons pas dupes. La remontée en puissance militaire de l’Allemagne (37 milliards d’euros de budget cette année), dont l’activisme en matière d’exportations de sous-marins est directement concurrentiel pour nos industries tout comme l’export de ses matériels roulants, pose la question de savoir si la coopération avec ce pays sur le plan industriel peut être équilibrée. À ceux qui répètent que l’avenir passe forcément par l’Europe, on peut opposer quelques chiffres. Les principaux clients de la France en matière d’exportation d’armes sont extra-européens. L’exemple le plus parlant est celui de la vente des avions Rafale de Dassault : seuls la France, l’Égypte, le Qatar et l’Inde s’équipent en Rafale français, alors que la plupart de nos voisins européens préfèrent s’équiper en F-16 et F-35 américains. Alors que la chancelière allemande a répété à deux reprises que les Etats-Unis n’étaient plus à même d’assurer notre protection, Emmanuel Macron est resté silencieux. Et pourtant là est l’enjeu : quid du devenir de l’OTAN ?

C’est pourquoi nous formulons dès maintenant une proposition afin de garantir le maintien de notre base industrielle et technologique de défense et son autonomie stratégique.

Nous souhaitons la création d’un « Office national de contrôle et d’évaluation stratégique des industries de Défense » composé des Présidents et de membres des commissions de la défense et des forces armées des deux chambres ainsi que d’experts reconnus en la matière. Cette commission aura pour rôle de donner une autorisation en amont de toute opération financière susceptible d’exposer une entreprise française de ce secteur clef.

Rapidement, nous nous rendrons compte que ces réponses ne peuvent être envisagées que dans le cadre national ou par le bais de délégations d’autorités préservées par un maintien de souveraineté.

Sur chacun de ces sujets et sur chacune de ces questions, l’intérêt de la France exige des réponses claires de la part du gouvernement et du président de la République. Il en va de notre sécurité et de notre avenir, si l’on veut demeurer une grande puissance libre.


Tribune coécrite par :

– Julien Aubert, député de Vaucluse, président d’Oser la France
– Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle, vice-président d’Oser la France
– Patrice Verchère, député du Rhône et vice-président d’Oser la France.

Et cosignée par :

– Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes
– Jean-François Parigi, député de Seine-et-Marne et vice-président d’Oser la France – Bérengère Poletti, députée des Ardennes et vice-présidente d’Oser la France – Stéphane Viry, député des Vosges et vice-président d’Oser la France
– René Danesi, sénateur du Haut-Rhin
– Alain Dufaut, sénateur de Vaucluse
– Bernard Fournier, sénateur de la Loire
– René-Paul Savary, sénateur de la Marne -Jean-Philippe Mallé, ancien député PS et vice-président d’Oser la France
– Jacques Myard, ancien député LR et maire de Maison-Laffite
– Stéphane de Sallier Dupin, conseiller régional de Bretagne
– Stéphane Sauvageon, conseiller régional de Provence-Alpes-Côte D’Azur
– Thierry Hory, conseiller régional du Grand Est et maire de Marly
– Marie-Hélène Herry, maire de Saint-Malo-de-Beignon et conseillère départemental du Morbihan – Christiane Pujol, conseillère départementale des Bouches-du-Rhône
– Olivier Arsac, adjoint au maire de Toulouse en charge de la sécurité et conseiller métropolitain de Toulouse Métropole
– Gurval Guiguen, conseiller municipal et métropolitain de Rennes
– Jean-Claude Castel, conseiller départemental des Alpes-de-Haute-Provence et maire de Corbières
– Alexandre Rassaërt, maire LR de Gisors et conseiller départemental de l’Eure
– Pierre Laget, adjoint au maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille chargé des finances
– Jean-Louis Ghiglione, adjoint au maire de Chatenay-Malabry
– Nicolas Leblanc, adjoint au maire de Maubeuge
– Jérôme Besnard, conseiller municipal de Mont-Saint-Aignan
– Alain Kerhervé, conseiller municipal de Quimperlé


 

4 commentaires sur ‘Osez la France’ pour une défense nationale

  1. Guignolade. Pas tous les jours que je laisse un message sur Internet! Mais cent pour cent d’accord avec le commentaire laissé par « Daniel » ici: http://www.gaullisme.fr/2018/05/30/oser-la-france-mouvement-gaulliste/#comment-354607 , et ça fait bien longtemps que je suis gaulliste, bien plus longtemps que n’importe qui ici probablement (Gallois et moi avons étroitement collaboré dans les années 1960).

  2. A JFR….vous n’avez pas tout à fait tort… »Bref, la souveraineté militaire c’est un vieux souvenir. » bien orchestré par les anti militaristes qui sont aux manettes en France depuis des lustres sous les couleurs du rose vert rouge !!!!

  3. Il n’y a aucun signe d’une éventuelle rupture avec l’OTAN. Ce serait d’autant plus difficile que tous les nouveaux matériels de guerre français aussi bien terrestres (programme Scorpion) que maritimes (frégates FTI) sont conçus selon les standards OTAN (normes AECTP), les normes de conception françaises (normes GAM) étant reléguées au rayon des archives. Ceci donne une longueur d’avance aux constructeurs américains sur tous les composants de bas niveau (composants électromécaniques comme les disjoncteurs, les alimentations…) car ils sont depuis longtemps au standard OTAN eux-mêmes très équivalents aux standards militaires américain (normes MIL). Les restrictions d’exportation sont également gérées par les réglementations américaines, c’est-à-dire que l’on peut construire du matériel militaire français mais sans être libre de le vendre à qui l’on veut à cause d’un seul composant, or les exports sont nécessaires pour assurer la rentabilité des projets. En ce qui concerne la fuite de souveraineté militaire on pourrait aussi cité l’association de Nexter avec l’allemand Krauss Maffei et le rachat de Airbus Defense par l’allemand Hensoldt. Bref, la souveraineté militaire c’est un vieux souvenir.

  4. Sur chacun de ces sujets et sur chacune de ces questions, l’intérêt de la France exige des réponses claires de la part du gouvernement et du président de la République. « Bla, bla ,bla…vous n’avez certainement pas bien regardé le projet de SNU concocté par les « marcheurs du chérubin du palais » à la solde des anti-militaristes !!!!

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