SNCF : avec les cheminots, pour le service public !

par Anne-Sophie Chazaud - 11 avril 2018

Tandis que nous célébrons avec plus ou moins d’enthousiasme le cinquantenaire de Mai 68, le pays entre de nouveau dans une période de convulsions printanière et sociale dont il a rituellement le secret.

L’heure du troisième tour social

Le peuple de gauche qui a largement contribué à porter Emmanuel Macron à l’Elysée  afin de « faire barrage », et/ou qui n’a pas digéré la défaite de son héros insoumis, trouve ici enfin le moment tant attendu et espéré du fameux « troisième  tour social », considérant à tort ou à raison qu’un président élu « par défaut » n’a pas reçu mandat pour détricoter avec méthode et empressement tout ce qui constitue l’ADN de la gauche qui l’a en partie fait roi.

Les mécontentements sont nombreux par-delà la frustration électorale, et s’expriment sur de nombreux fronts, qu’il s’agisse du sort de la SNCF, du mécontentement dans les milieux judiciaires, dans les Ehpad, en secteur hospitalier, dans la fonction publique d’une manière générale, etc. Dans tous les cas, il s’agit d’exprimer le rejet d’un néo-libéralisme porté de façon décomplexée par le président Macron (parfaitement conforme à son programme), appuyé par une partie de la droite libérale, soutenu par une Assemblée aux ordres et ardemment encouragé en cela par une Union européenne sous influence allemande.

Le rejet du projet de réforme de la SNCF par les cheminots prend pourtant une tournure toute particulière dans ce paysage plutôt prévisible de contestations.

Érosion d’un fleuron

Qui n’a pas récemment pesté contre les insupportables retards de trains, contre les pannes d’anthologie, contre les tarifs parfois prohibitifs, et même contre les grèves, serait de mauvaise foi. Pour autant, il conviendrait toutefois d’avoir un peu d’honnêteté et de ne pas imputer aux cheminots la mauvaise stratégie politique conduite dans le secteur ferroviaire depuis plusieurs décennies (et dont tous ces désagréments sont la conséquence logique), tant de la part de nombreux gouvernements successifs que de certains « grands commis » manifestement insubmersibles nonobstant leurs bilans. L’entreprise de transports ferroviaires nationale constitue un monument du patrimoine français, qu’il s’agisse d’histoire contemporaine, d’histoire sociale, d’aménagement du territoire, de cohésion territoriale, d’histoire des services publics, de technologie, d’industrie… Il n’y a pas si longtemps, elle faisait notre fierté et nous était enviée dans le monde entier. Ce fleuron a commencé à subir la pression de l’idéologie européiste de mise en concurrence dès les années 1990, pression qui n’a cessé de provoquer des tentatives d’adaptation qui ont en retour dégradé un service devenu obsédé par la recherche de rentabilité et d’ajustement aux directives au détriment des missions élémentaires de service public. Et c’est bien cette course à l’échalote de la concurrence, avec les inévitables perspectives de démantèlements de services, de précarisation des salariés, de fragilisation des infrastructures telles qu’on peut les observer avec le fiasco britannique, qui provoquent le mouvement de révolte des cheminots lesquels demeurent attachés avec fierté à leur outil de travail.

Protéger les entreprises nationales contre leur dépeçage programmé

On entend bien peu la droite soutenir ce qui fut pourtant l’un des piliers de l’action reconstructive du Général de Gaulle, et ce silence voire cette cécité de la droite dite républicaine constitue l’une de ses graves erreurs (parmi tant d’autres). Celle-ci, toute étourdie de son adhésion aux dogmes bruxellois d’abandons de souveraineté tous azimuts, ligotée de toutes parts par les objectifs du néo-libéralisme qui lui tient lieu d’alpha et d’omega idéologique, en oublie ses fondamentaux : protéger les entreprises nationales contre le dépeçage programmé et la privatisation et donc l’ouverture à la concurrence étrangère, préserver les salariés français, les classes populaires et moyennes qui font vivre le transport ferroviaire ou qui en ont besoin pour travailler :  tout ceci ne semble plus intéresser la droite libérale qui a depuis belle lurette renoncé à l’idée même de souveraineté.

C’est pourtant le pays tout entier qui devrait soutenir ses cheminots, au lieu de les abandonner à une hyper politisation gauchiste du conflit qui risque probablement de se faire en jonction avec les éléments les moins recommandables de la mouvance étudiante. Car un autre mouvement, concomitant à celui des cheminots, est en train de se répandre et de semer un désordre particulièrement nocif dans le milieu universitaire. Et le but revendiqué par de nombreux groupes d’extrême-gauche est bien la « convergence » de ces luttes, que pourtant, dans le fond tout oppose, et que l’on ne devrait jamais prendre le risque de laisser fusionner.

Pas d’amalgame avec l’université !

En effet, tandis que les cheminots se battent pour préserver leur outil de travail et un service public de qualité, certains étudiants s’appliquent depuis quelques semaines à bloquer les Universités, dégrader les locaux, empêcher violemment les autres étudiants d’étudier. On observe des destructions de matériels, des slogans antisémites, des violences contre ceux qui sont en désaccord avec ces méthodes, les humiliations et hystéries tournées contre le Doyen Petel de l’université de Montpellier (contraint à la démission) en sont l’un des exemples les plus pénibles. Le rejet d’un timide et salutaire début de réintroduction de sélection à l’université sert de prétexte à ce déferlement. On y apprend, au lieu de s’élever vers l’autorité des maîtres à se victimiser de toutes parts : mouvements racialistes, indigénistes, non mixtes, antisémites etc, sèment un trouble malsain. On y réclame la moyenne automatique aux partiels sans rien faire, sans mérite, puisque c’est bien le mérite qui est l’ennemi. Bref, ce mouvement prône la paresse et le désordre quand celui des cheminots cherche à protéger le travail.

Ces deux mouvements sont en réalité inverses et défendent des valeurs opposées, mais le mécontentement et l’agrégation opportuniste des réactions pourrait les pousser à converger, à s’agréger, ce qui serait à terme la pire des choses pour le mouvement cheminot en termes de perception dans l’opinion publique (on peut d’ailleurs se demander dans le fond à qui profiterait le crime … ?).

N’abandonnons pas nos services publics, ni au néo-libéralisme sans conscience, ni aux derniers rejetons d’un gauchisme culturel aussi véhément qu’aux abois. Il existe une voie entre ces deux écueils, qui est celle de la défense de la République française, de ses valeurs, de son modèle social et des services qui le font vivre.

 

4 commentaires sur SNCF : avec les cheminots, pour le service public !

  1. Je voudrais rebondir avec le commentaire d’Arnaud. Je voudrais l’informer qu’en Espagne, on peut trouver en hypermarché des briques de lait à 58 cts d’€, et que nos frontières sont grandes ouvertes. Les libéraux vous diront que ce sont les consommateurs qui vont payer ! Quoi qu’il en soit, la situation est telle que la France (comme d’ailleurs l’ensemble du monde « civilisé ») vit à crédit depuis 35 ans (les rois du déficit budgétaire étant sans aucune discussion les Américains) et que le système va exploser. Il faudra bien un jour « payer l’addition ». Donc, effectivement, une fois que l’on a constaté les erreurs passées, par exemple les investissements colossaux pour le « tout TGV » décidés ou cautionnés par l’ensemble de la classe politique, que fait on ? Oui au service public, oui à la reprise de la dette, mais après ? Comment faire pour que le déficit ne reparte pas comme avant, et soit au minimum contenu ? Par delà les grands principes, j’avoue à avoir un peu de mal à y voir clair ! Quant aux troubles à l’Université, il est quand même intéressant de constater que les facultés de médecine n’intéressent pas nos « syndiqués » ultra gauche, alors que la sélection du numérus clausus est complètement inhumaine, complètement délirante, en 1ère année !

  2. Quand je pense que ce sont ces étudiants qui vont devoir nous payer nos retraites je me dis que l’on est pas à la fête ! Maintenant pour les cheminots je ne suis pas sûr qu’ils se « battent » pour la défense d’un service public mais plutôt pour la défense de leurs conditions. Tout le monde dans ce pays fait des efforts mais pour soit disant défendre le service public ceux là n’en ferait pas. J’aimerais bien que tout les français soient au régime des employés de la SNCF y compris les agriculteurs, ça leur éviteraient de crever de faim une fois à la retraite après avoir passé leur vie à nourrir leurs concitoyens mais il faudra alors accepter de payer notre litre de lait 5€ au lieu d’à peine 1€ ! Je me demande si on vit tous dans le même pays, quand certain ne veulent voir que leur cas alors qu’il serait bon de lever la tête et de voir ce qu’il y a autour, d’essayer d’appréhender l’avenir au niveau du pays et des générations à venir. Le chacun pour soit et Dieu pour tous ne même nul part ! enfin je vous rejoins sur ce qui est de démanteler nos entreprises public sur l’hotel européen de la libre concurrence, c’est notre patrimoine qui s’effrite, comme nos autoroutes, nos barrages, payés avec les impôts des français dans les années 50-60 et maintenant au main de groupe privé, nous privant de recettes parfois importantes qui permettrait d’amortir le cout des secteurs ou la rentabilité n’est pas évidente. Mais ne nous leurrons pas, c’est une idée de Bruxelles qui n’est autre qu’un moyen à peine déguiser non pas de briser les monopoles d’états mais justement de briser ces corporations protégées qui échappes au loi du marché du travail, souvent tenues par des syndicats de gauche gênant pour la bonne marche de la mondialisation…

  3. Jacques Payen // 12 avril 2018 à 21 h 36 min //

    Excellente analyse de Mme Chazaud.

    « N’abandonnons pas nos services publics, ni au néo-libéralisme sans conscience, ni aux derniers rejetons d’un gauchisme culturel aussi véhément qu’aux abois ».

    Et quand Mme Chazaud ajoute :
     » On entend bien peu la droite soutenir ce qui fut pourtant l’un des piliers de l’action reconstructive du Général de Gaulle, et ce silence voire cette cécité de la droite dite républicaine constitue l’une de ses graves erreurs (parmi tant d’autres) »…
    … on ne saurait mieux décrire le tragique de la situation : la Droite, figée dans sa culture individualiste et ses égoïsmes, n’est même plus capable de discerner l’intérêt supérieur du pays.
    De penser sa cohésion, son unité.
    Sa survie peut-être.

    Sinistre époque.

  4. N’en déplaise c’est aussi bien électorat de droite comme celui de gauche qui a élu Macron. La preuve est la composition de son gouvernement

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