Le renouveau de la Corse Française ?

Paul Bernard

La position solennellement exprimée par le président de la République a été bienvenue et réconfortante. La ferme détermination de l’État s’oppose enfin aux palinodies et aux reculades des gouvernements dont la faiblesse a pu contribuer aux drames de cette île.

par Paul Bernard,
Docteur en droit, préfet de région honoraire,
ancien préfet de la région Corse

L’hommage au préfet Claude Érignac est un témoignage émouvant de la blessure sacrée de notre République meurtrie et de la douleur d’une honte venue salir une Corse terre de civilisation. Le devoir de mémoire de notre génération condamne la barbarie imbécile d’une répugnante lâcheté. Les nationalistes assassins du préfet l’ont abattu dans la nuit par derrière en n’ayant pas osé regarder en face le visage de leur victime livrée à ses concitoyens en toute confiance. Ces êtres ignobles et leurs complices doivent maintenant se regarder eux-mêmes et juger leur monstrueux comportement. Ceux, notamment élus, qui ont eu la grossière impudence de fuir l’hommage et d’insulter la mémoire d’un mort se sont disqualifiés. Les élus de la région de Corse sauront-ils gagner en sérénité et en respectabilité en exprimant publiquement l’émotion de tous les citoyens insulaires pour condamner une telle folie meurtrière ?

Le sang versé par le préfet est le prix du devoir assumé jusqu’au sacrifice suprême. Il a donné sa vie, comme il avait fait don de sa force, de son temps, de son intelligence, de sa vie familiale pour le bienfait de la population qu’il servait en confiance au nom de la République. Son exemple est celui de l’État serviteur de la nation, ouvert à tous, face aux manœuvres de ceux qui utilisent les pires moyens pour conquérir le pouvoir pour eux-mêmes.

La position solennellement exprimée par le président de la République a été bienvenue et réconfortante. La ferme détermination de l’État s’oppose enfin aux palinodies et aux reculades des gouvernements dont la faiblesse a pu contribuer aux drames de cette île. En préalable, le dialogue républicain impose désormais que les élus de Corse rendent compte de l’exercice des compétences décentralisées confiées par la nation et des crédits publics octroyés par le contribuable national.

Dans la conjoncture actuelle d’un monde incertain et dangereux, la répétition indécente de revendications provocatrices destinées à faire reculer l’État et la multiplication des menaces et des insultes aux pouvoirs publics nationaux ne sont plus acceptables. Il est temps d’abattre les masques d’une corsisation qui cache le démon d’un racisme antifrançais et d’une fantasmagorique déclamation infantile d’indépendance. L’essentiel, pour les responsables régionaux, est d’apporter les preuves de la performance, de l’efficacité, de la mobilisation de tous pour le développement de l’immense potentiel de l’île.

Avenir pour ses habitants et chance pour la France, la Corse détient les clés de son propre destin. Elle est faite pour le bonheur alors qu’elle a été entraînée et dévoyée pendant de trop longues années par le culte de la mort qui conduit au malheur collectif.

Aux sources d’une nouvelle Corse, il convient de développer les ressources naturelles et humaines, les valeurs insulaires, les vertus familiales et morales, et de promouvoir l’environnement, l’insertion dans l’Europe, le rayonnement de la civilisation méditerranéenne. Désormais, au lieu de palabres, il faut fixer le cap dans un esprit de vérité et de réalisme et susciter l’idéal propre à enthousiasmer la jeunesse et à dissiper les miasmes d’un orgueil mal placé.

À ce prix, le charme incomparable de la vie insulaire, la culture et le patrimoine naturel, l’accueil d’universitaires et d’experts de haut niveau, l’expérience scientifique de la mer, la civilisation méditerranéenne, voilà les atouts du renouveau vivifiant d’une Corse d’en haut.

La Corse, dans ses épreuves et ses ambitions, illustre la perte de l’esprit et de la foi dans les valeurs vitales, mais, peut-être, préfigure aussi le destin d’une nouvelle France, appelée à se libérer comme la Corse de nos démons, l’enfermement sur des intérêts à court terme et l’assommoir de l’ambiguïté.

Pace è salute ne doit pas être un murmure dans le vent. Jean-Jacques Rousseau aurait-il eu raison de dire : « J’ai quelque pressentiment qu’un jour cette petite isle étonnera l’Europe » et bien sûr notre France ! Espérons que ce sera par l’intelligence. Mais qui sera digne de prendre les commandes de l’avenir ? Au travail !

Source : http://www.bvoltaire.com

 

 

12 commentaires sur Le renouveau de la Corse Française ?

  1. Jean-Dominique Gladieu // 19 février 2018 à 18 h 05 min //

    Cher Edmond,

    Vous avez raison. Ce n’est pas, en soi, le fait de garder la Corse dans la République qui donnerait à celle-ci, par effet « baguette magique », le pouvoir de contrecarrer l’UE telle qu’elle est aujourd’hui.
    Mais le fait de reconnaître cette réalité (voire cette « lapalissade »)que la France est le produit des spécificités qui la composent pourrait couper l’herbe sous le pied des « séparatistes » (pourquoi faire sécession dès lors que les particularités de chacun seraient institutionnalisées ?) et renforcer le sentiment d’appartenance à un ensemble commun refondé autour de la complémentarité (et non l’opposition) entre le local et le global.
    A partir de là, la France n’en serait que plus forte. Mais (et c’est ce qui nous fait un peu diverger), je pense que ça passe par une souveraineté partagée entre le « centre » et les « périphéries ».
    Tout à fait d’accord avec vous, par ailleurs, en ce qui concerne la nécessité de rendre leur place aux Etats Souverains en supprimant le parlement européen et en mettant au pas la commission européenne. Mais n’est-ce pas « diablement » révolutionnaire ? Et n’est-ce pas l’arrêt de mort de l’UE telle qu’elle est actuellement ?
    Mais, au cas où cette nécessaire réforme de l’UE n’aboutissait pas (car en l’état présent de la réglementation de l’UE il faudrait l’unanimité … autant dire que c’est mission impossible), que faudrait-il faire ? Rester dans l’UE malgré tout et cautionner le système ? Ou contraire, essayer de convaincre un maximum de partenaires de quitter l’UE avec nous pour reconstruire une autre organisation ?

  2. Edmond Romano // 17 février 2018 à 18 h 16 min //

    Cher Jean Dominique:
    je ne pense pas que le fait de garder la Corse dans le giron de la République permette à celle-ci de peser plus ou moins face à l’UE. Ce qui peut permettre de voir se réaliser un tel rêve est une union de tous les souverainistes autour d’un projet commun. Non pas pour sortir de l' »Europe (ce qui pour moi est une utopie) mais pour rendre aux Etats souverains leur place. Comment y arriver? en supprimant le Parlement européen qui n’a aucune légitimité et en remettant à sa place la Commission Européenne qui devrait être l’organe exécutif des décisions prises par les Chefs d’Etat et de Gouvernement seuls légitimes pour prendre les décisions au nom de leurs mandants c’est à dire le peuple souverain de leurs Etats respectifs. Quant à l’euro, même si je regrette l’abandon du franc, en sortir unilatéralement serait une ruine pour l’économie nationale. Hélas, nous payons très cher la très courte majorité qui nous a fait l’adopter. Mais la démocratie étant ce qu’elle est…

  3. Jean-Dominique Gladieu // 14 février 2018 à 15 h 10 min //

    Cher Edmond :
    Qu’aurait à gagner la France en accordant un statut de Peuple Associé à la Corse ? Conserver une province au sein de la République et donc plus de poids pour contrecarrer les visées déstructuratrices de l’UE.

  4. Edmond Romano // 13 février 2018 à 17 h 12 min //

    Cher Jean-Dominique Gladieu,

    En réclamant et en manifestant toujours plus d’autonomie, c’est, justement, un statut de « peuple associé » que réclament les élus corses. Les avantages de la République sans en avoir les inconvénients. Mais qu’avons-nous à gagner de cette situation? Rien, absolument rien. Alors passons tout de suite cette étape.

  5. Jean-Dominique Gladieu // 13 février 2018 à 10 h 22 min //

    Cher Edmond Romano :
    Je crois qu’avant d’envisager la rupture (qui peut effectivement être une option), il faut avoir épuiser toutes les autres éventualités.
    Dans le cas de l’Algérie, le Général a d’abord penché pour un statut de peuple associé avant de prôner l’indépendance pure et simple.
    Le cas de la Corse est moins dramatique et je pense qu’il est encore temps de trouver une solution allant dans le sens d’une souveraineté partagé. Faute de quoi, les partisans de l’Anti-France et de l’Europe risquent de croître en Corse.

  6. Edmond Romano // 11 février 2018 à 16 h 07 min //

    Pour vous donner le fond de ma pensée: je suis favorable à la pleine indépendance de la Corse. Après tout, ce territoire qui nous pose tant de problème depuis des années doit choisir part lui-même son destin: rester français ou être indépendant mais nous ne pourrons pas rester dans la demi-mesure: qu’ils acceptent les avantages de la république Française lais refusent les contraintes qui y sont liées. Un référendum d’auto détermination comme l’a fait le général pour l’Algérie.

  7. Jean-Dominique Gladieu // 10 février 2018 à 14 h 55 min //

    Cher Edmond Romano :
    Pour ce qui est de la non-présence du drapeau tricolore à l’assemblée de Corse, je vous rejoins. C’est stupide dans la mesure où la Corse s’inscrit dans le cadre de la République Française.
    Maintenant, pour essayer de sortir de la présente impasse, pourquoi ne pas envisager un statut de Peuple Associé pour la Corse qui permettrait de concilier une aspiration Corse à la Souveraineté et le maintien d’un lien unitaire avec la métropole ?

  8. Edmond Romano // 9 février 2018 à 17 h 01 min //

    Cher Jean-Dominique Gladieu: il est vrai que nous n’avons pas souvent de divergences de vue mais le débat est toujours enrichissant. Je reviens dur la co-officialité de la langue corse. la reconnaître serait permettre la rédaction des actes publics en corse. Permettre une telle chose voudrait dire que tous les fonctionnaires devraient parler cette langue (magnifique au demeurant) donc un fonctionnaire breton par exemple ne pourrait plus être nommé en Corse. Vous voyez bien les problèmes que cela pourrait engendrer. La France ne reconnaît dans la Constitution du 4 octobre 1958 qu’une langue officielle de la république: le Français. Si nous revenons sur cette disposition il faut reconnaître la co-officialité de toutes les langues régionales. Après tout: la Bretagne, l’Alsace, le Pays Basque ont autant droit à la reconnaissance de leur spécificité que la Corse. Et ceci reviendrait alors à dire: les bretons chez eux, les Basques chez eux, les Alsaciens chez eux etc…Article 1 de la Constitution:  »
    La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Article 2 alinéa 1, 2 et 3: « La langue de la République est le français.
    L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
    L’hymne national est la « Marseillaise ». »

    Je remarque qu’en Corse le drapeau tricolore a été remplacé par le drapeau à tête de maure et la Marseille par: « Dio di Salve Régina »

  9. Jean-Dominique Gladieu // 9 février 2018 à 13 h 50 min //

    Cher Edmond Romano :

    Je pense que cela doit être la première fois que nous ne sommes pas tout à fait d’accord ! Mais je ne pense pas non plus qu’il y ait un gouffre entre nous.
    Sur les prisonniers politiques, reconnaître ce titre à quelqu’un qui a choisi de mener un combat fut-ce au détriment de la légalité en place ne signifie pas forcément qu’on l’approuve (ni non plus qu’on le désapprouve). C’est simplement reconnaître un fait.
    Vous évoquez l’OAS. Les membres de cette organisation furent pour nombre d’entre eux jugés par la défunte Cour de Sureté de l’Etat. Ce qui de fait équivalait à reconnaître le caractère politique de leurs actes (d’ailleurs, ils bénéficiaient du statut politique de détention). Bien évidemment en écrivant cela, je ne prends absolument pas la défense de l’OAS.
    On pourrait également parler du FLN, longtemps qualifié d’organisation terroriste avant que soit négociée avec elle l’indépendance de l’Algérie. Et on pourrait multiplier les exemples.
    Finalement, on est toujours le terroriste ou le politique de quelqu’un.
    Pour ce qui est du refus du rapprochement familial des prisonniers corses (notez que par courtoisie envers vous je n’ai pas écrit « politiques » !), on en arrive paradoxalement à reconnaître ici une spécificité corse puisqu’on refuse aux insulaires ce que l’on accepte pour les autres détenus !
    Enfin, pour la langue, en quoi laco-officialité menacerait-elle l’existence de la France (à laquelle je suis attaché tout comme vous).
    Je crois que sur ce sujet, il faut continuer à débattre sereinement et calmement car une solution est possible conciliant les spécificités françaises et corses.
    A bientôt (peut-être le 27 à la Fondation Charles De Gaulle ?).
    Bien amicalement à vous cher Compagnon.

  10. As usual with this political case , let us see the next step !

  11. Edmond Romano // 8 février 2018 à 19 h 36 min //

    Cher monsieur Gladieu: il n’y a pas en France de prisonniers politiques. Ceux que vous qualifiez de cette façon sont des gens qui ont choisi la violence plutôt que le combat politique. Si vous considérez que la violence « au nom de ses idées » est légitime dans une démocratie que dire de l’OAS et même aujourd’hui des terroristes de DAECH ou des radicalisés? Sont ils pour ces derniers des prisonniers politiques? Le français, d’autre part, est la langue de la République Française, la seule langue officielle. Que les Corses parlent corse entre eux ne me gêne pas, que la langue corse soit enseignée en option dans les établissements scolaires, je veux bien mais les actes officiels sont des actes de la République qui n’a qu’une langue : le Français et ce depuis 1539 et l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Quant au rapprochement familial des détenus corses l’éloignement a été décidé afin que les gardiens de prison ne subissent pas des pressions de la part des organisations mafieuses et terroristes. On ne peut condamner la reconnaissance des symboles européens (drapeau et hymne) et accepter en même temps que dans une assemblée d’un département français (ce qui me semble être encore le cas de la Corse) le drapeau français ait été retiré et que le Président de cette assemblée accepte de le mettre « comme il est d’usage lors de la visite d’un Chef d’Etat » (sous entendu étranger).

  12. Jean-Dominique Gladieu // 8 février 2018 à 15 h 27 min //

    Plusieurs remarques s’imposent à la suite de ce texte.

    1)
    – Sur l’assassinat du Préfet Erignac.
    Il convient de signaler que jamais une organisation nationaliste (clandestine ou publique) n’a revendiqué ou approuvé cet acte. Toutes l’ont même condamné.
    Alors, on peut toujours se gausser sur ce qu’a déclaré Jean-Guy Talamoni : « je condamne l’acte pas les auteurs ». Ce qu’il dit par là c’est que cet assassinat est indissociable de la situation politique, morale, économique et sociale de la Corse et que si on ne prend pas en compte ce contexte, on pourra prononcer tous les verdicts qu’on veut, rien ne changera fondamentalement. Et d’autres drames risquent de se produire.
    Il est certain qu’à partir de là, ne serait-ce que par respect pour Mme Erignac et ses enfants, la présence de JG Talamoni à la cérémonie en mémoire du Préfet n’aurait pas été très opportune. Et s’il était venu, les mêmes qui lui reprochent son absence seraient les premiers à parler d’indécence ou de provocation.

    2)
    – Sur l’hommage rendu par M. Bernard au Préfet Erignac.
    Bien évident, je m’y associe comme d’ailleurs la quasi totalité des Corses (y compris les nationalistes d’ailleurs).

    3)
    – Sur la position « bienvenue et réconfortante » du président de la République.
    Pour ma part, je trouve qu’il s’agit plutôt d’une position empreinte de contradictions. Le Président récuse l’idée de co-officialité entre la langue Corse et la langue Française, ne veut pas entendre parler de statut de résident ni d’amnistie voire même de rapprochement pour les prisonniers politiques Corses (qu’il qualifie de « droits communs »).
    Après tout, libre à lui. Mais, dans ces conditions, pourquoi affirme-t-il qu’il est favorable à l’inscription de la spécificité corse dans la Constitution ?

    4)
    – Sur les « palinodies », les « reculades » et les « faiblesses » des précédents gouvernements qui seraient responsables des drames de l’île.
    C’est surtout l’indigence politique de ces gouvernements (comme le refus de la prise en compte des revendications linguistiques) qui a favorisé ces drames et a également contribué à la poussée des nationalistes.

    5)
    – Sur « la répétition indécente de revendications provocatrices » et « la multiplication des menaces et des insultes aux pouvoirs publics nationaux ».
    Rappelons, encore une fois que, depuis plus de deux ans, le FLNC a suspendu ses opérations. Si la violence perdure en Corse, ce n’est pas le fait des nationalistes.
    Par ailleurs, en quoi la prise en compte de la réalité de la Corse serait une revendication « provocatrice » ? La Corse a une histoire (distincte jusqu’en 1769 de l’histoire de France), une langue, une culture, une âme parfaitement respectables.

    6)
    – Sur « une corsisation qui cache le démon d’un racisme antifrançais ».
    Ainsi donc, vouloir vivre et travailler en Corse, vouloir que la langue et la culture soient respectées et mises en valeur équivaudraient à du racisme ? A ce compte, c’est la totalité des habitants des différentes régions françaises qui se rendrait coupable de « racisme anti-français » !

    7)
    – Sur « la Corse [qui] détient les clés de son propre destin ».
    Sur ce point, je suis d’accord. Je rajouterai cependant : la Corse DOIT DETENIR les clés de son propre destin. Car, ce n’est pas encore le cas. On verra à l’usage ce que donne le nouveau statut et s’il favorise la nécessaire concertation et les nécessaires négociations entre la population insulaire (via ses élus) et le gouvernement. Souhaitons qu’enfin ce dernier prenne la mesure du problème et des enjeux.

    Enfin , sur les conclusions de l’auteur, bien évidemment je le rejoins (on me pardonnera quand même un certain scepticisme par rapport à l’Europe !) en espérant qu’on dépassera enfin les vœux pieux.

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