Hôpital public : dernière chance

Suite au billet du 25 janvier de Gaullisme.fr intitulé Santé : les hôpitaux craquent, je vous propose ci-après la réaction de mon ami François Morvan, Cancérologue, militant politique républicain. Depuis 2015, François Morvan est conseiller municipal chargé du handicap et de l’accessibilité à Clichy-la-Garenne

L’Hôpital public reste pour la République Française un symbole d’une société où la valeur de la vie humaine est la même pour tous. Quand la mort vous menace, vous aurez le droit au meilleur soin que vous soyez vendeuse ou PDG et ce n’est pas votre carte de crédit qu’on vous demandera à l’entrée des urgences mais une carte d’assuré social alimentée par les cotisations de tous pour tous.

Symbole et ciment républicain, l’Hôpital public est fissuré, profondément malade.

Après trente ans de réformes successives c’est la désillusion et le burn-out qui sont à l’ordre du jour…et le déficit ne s’est pas comblé.

La gestion de l’hôpital public est plus catastrophique que jamais. Durant des décennies de non-gestion, la croissance des trente glorieuses et sa facilité de financement a permis de satisfaire un corps médical hospitalier tout-puissant rétif à toute responsabilité économique et qui souhaitait dépenser sans compter. Ainsi s’était creusé un déficit croissant, composante du déficit global de l’Assurance-Maladie. De là est venue la célèbre formule de Nicolas Sarkozy : “il n’y a qu’un patron à l’hôpital c’est le directeur”.

Mais cette formule n’a débouché que sur une inversion des termes du problème : une gouvernance dirigiste, verticale, tournée vers les seules économies à court terme a fracturé les équipes soignantes, privé les professionnels du soin de toute participation réelle à la gestion, découragé les efforts et la qualité.

Alors que la relation médecin-patient devrait être au cœur de l’organisation de l’Hôpital, les médecins sont priés de se plier à des organisations infonctionnelles, chaque catégorie de personnel est dirigée par une pyramide spécifique sans logique d’ensemble et au mépris de toute politique d’entreprise. La répartition des moyens et des effectifs reste davantage fonction du multi-lobbying qui s’exerce en interne et en externe que d’une analyse globale, fonctionnelle et économique.

A l’intérieur de l’hôpital, c’est l’épuisement des secteurs les plus dynamiques, l’encouragement à ne plus se situer que dans une vague moyenne, tandis que le carcan de statuts professionnels archaïques empêche de remobiliser les secteurs peu performants.

A l’extérieur, c’est la méfiance croissante des patients, qui restent clients de l’Hôpital public pour les pathologies lourdes quitte à subir l’inconfort et les organisations kafkaïennes, mais se tournent de plus en plus vers l’hospitalisation privée pour les soins plus courants.

Mais celle-ci ne peut offrir une meilleure prestation qu’au prix d’un dépassement d’honoraires devenu systématique, signe que les tarifs de remboursement accordés par l’Assurance-Maladie ne sont plus en rapport avec la réalité des coûts. La crise de l’Hôpital Public est aussi une crise de son financement, car il est évident qu’une économie atone ne peut plus financer le coût croissant de la santé, produit du vieillissement de la population et des progrès technologiques. Les choix en matière de santé rejoignent évidemment les choix politiques globaux. Ou bien le malthusianisme économique et social, ou bien une nouvelle croissance, produit de l’effort de tous au bénéfice de tous.

Mais dire cela, c’est dire aussi qu’on ne peut se réfugier éternellement derrière le fameux argument du “manque de moyens” pour ne pas balayer devant sa porte. Le problème du service public français, c’est aussi sa gouvernance infonctionnelle qui le décrédibilise.

L’effort de tous signifie, pour l’Hôpital public, en finir avec la culture du déficit comme fatalité du secteur public. Mais si la maîtrise des dépenses est une chose, l’avenir et l’équilibre budgétaire ne se construiront qu’en retrouvant attractivité, c’est à dire, osons le dire, un chiffre d’affaire en hausse. L’Hôpital public est aussi une entreprise. Sur le plan financier, sa logique n’est pas de gagner de l’argent, mais de ne pas jeter l’argent public par les fenêtres, ce qui tue l’esprit de service public, pour les acteurs comme pour les cotisants. Mais pour une entreprise qui se projette dans la durée, ces deux objectifs ne sont pas de nature différente.

L’autre clef du succès de cette nouvelle politique publique, c’est évidemment son couplage à une réelle politique de qualité, qui ne prenne pas qu’en compte la cosmétique et les déclarations de bonnes intentions, mais les résultats sanitaires et médicaux.

Une refonte audacieuse de l’Hôpital public est donc urgente, faute de le voir disparaître au profit d’une hospitalisation à plusieurs vitesses, comme dans le secteur de ville, où la qualité des soins ne sera plus réservée qu’à ceux qui ont les moyens de payer les dépassements d’honoraires.

La restriction des dépenses comme seul principe de gestion va de pair avec le fonctionnement bureaucratique, lequel entretient un déficit chronique qui ne doit plus être une fatalité.

Il faut une nouvelle gestion centrée sur les soignants et leurs patients, une délégation des compétences professionnelles, un encouragement à l’efficience pour que l’Hôpital public retrouve le dynamisme qu’il a perdu, redevienne le pôle de référence pour les malades et redonne aux soignants l’enthousiasme pour leur mission.

4 commentaires sur Hôpital public : dernière chance

  1. Ce grand malade

    Le diagnostic de l’hôpital public aujourd’hui est affligeant.
    Il est d’abord le résultat d’un laisser- aller durant les trente glorieuses, synonyme pour les esprits dépensiers, de période faste et d’argent facile qui pouvait sortir facilement des caisses et y entrer tout aussi facilement sans crainte du report au lendemain.
    Cette attitude à perdurer jusqu’au jour où l’ensemble du petit monde grouillant autour de cette entreprise en danger, a commencé à réaliser que la source qui l’oxygénait, commençait à se tarir dangereusement, obligeant tous les bénéficiaires à jouer des coudes pour en tirer les dernières gorgées.
    Il y a une responsabilité individuelle à différentes périodes de la vie en tant qu’assuré, professionnel de santé, mutualiste, patient, salarié, nébuleuse ministérielle, et la liste n’est pas exhaustive. Chacun doit porter sa part de responsabilité en toute conscience.
    Il y a aussi, mais ce n’est pas une excuse, le contexte économique et budgétaire qui fait que les recettes ne s’engrangent plus aussi facilement pour un tel mastodonte qu’il faut nourrir.
    Les déficits s’accentuent.
    Les restrictions apparaissent mécaniquement et donnent ce sentiment qui se traduit réellement dans les faits, qu’il y un manque manifeste de moyens pour assurer la gestion quotidienne de la bête vorace.
    Evidemment, il y a des victimes de toutes parts, y compris parmi les plus vertueuses, qui payent aujourd’hui les pots cassés, résultat du train de vie dispendieux et égoïste de quelques- uns ou de quelques corporations, ayons le courage de le dire, car il faut bien payer la facture au final pour service rendu.
    Alors que ce symbole (comme celui de l’école) est celui du bien commun, le moins que l’on puisse attendre de l’esprit du monde de la santé et de l’ensemble des bénéficiaires du système de santé, c’est celui de la solidarité, de la responsabilité, de l’’encadrement pour éviter les dérapages et les fustiger au besoin.
    La crise de l’Hôpital public, car s’en est une, comme celle aujourd’hui des établissements pour personnes âgées dépendantes, (EHPAD) qui souffrent de maux similaires, ne doit pas mettre en danger nos valeurs éthiques et le droit à être soigné convenablement et avec respect.
    Il y a même urgence à les régler en profondeur pour éviter ce que notre République ne comprendrait pas, à savoir une médecine à deux vitesses, celle des pauvres, condamnés à mourir par anticipation et celle des fortunés, toujours en sursis, grâce à des soins prodigués sur mesure. Ce privilège n’est pas en soi condamnable et c’est même une liberté, mais cela démontre bien l’opinion générale qui se répand selon laquelle la qualité des soins et le bien-être dans le secteur hospitalier public ne sont plus assurés ou bien difficilement et que potentiellement ils peuvent être les sources d’une mise en danger de la vie d’autrui.
    Ceux qui méritent donc la plus grande considération aujourd’hui, se sont d’abord les malades, dont certains sont en grande souffrance et détresse, des enfants en bas âge, dont le bien-être et l’espoir sont parfois suspendus à une collecte de pièces jaunes, et le personnel soignant dévoué qui, confronté au rythme de travail actuel, risque de basculer du côté des malades à soigner. Il mérite donc tous les encouragements car il participe à l’efficience, au dynamisme de demain et au bonheur des malades et de leur entourage. Cet état d’esprit doit être partagé collectivement sans attendre.
    René Floureux 30.01.2018

  2. Etre patient aujourd’hui prend tout son sens dans un univers de santé publique complètement anesthésié par des politicards branchés sur des respirateurs artificiels politico économiques défaillants!!!Comment dans ces conditions mettre en place une réforme audacieuse urgente quand précisément ce n’est pas dans l’urgence que l’on règle des problèmes de fond qui permettent de ne plus confondre buts et moyens,conséquences et causes !

  3. En matière de santé et de protection sociale il faut toujours se souvenir, ce qui est bien oublié, que le fondement actuel reste le pacte social ample et audacieux suite au programme du CNR mis en place par de Gaulle à la Libération alors que la France était un pays ruiné.
    Donc tous les arguments selon lesquels « il n’y a plus d’argent » sont faux et mensongers. C’est parce que depuis 30 ans tous les pouvoirs en place, présumés gaullistes ou pas, ont tout fait pour couper, réduire, abaisser les moyens de financer NOTRE protection sociale fondée sur des cotisations sociales comme salaire différé. Le transfert de cotisations sociales sous forme d’augmentation de CSG tend à fiscaliser la SS, donc dépendre des recettes publiques que les mêmes gouvernements depuis 30 ans réduisent, coupent et abaissent pour réduire non pas les « charges » selon la terminologie patronale mais le financement de la protection sociale. Donc elle est mise en danger volontairement pour servir tôt ou tard des intérêts privés qui lorgnent sur les sommes considérables induites par et pour NOTRE protection sociale.

  4. JP Delaisse // 29 janvier 2018 à 19 h 08 min //

    C’est d’une redoutable simplicité, mais apparemment pas encore assez pour ceux qui continuent à le démolir à petit feu…

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