Une rupture fondamentale avec notre constitution

La constitution de la Vème république, celle que le général de Gaulle a mise en œuvre en 1958 après la consultation du peuple, puis modifiée en 1962 par l’instauration de l’élection présidentielle au suffrage universel (voir en fin d’article) reconnaît l’existence des partis politiques et le rôle qu’ils peuvent jouer dans notre démocratie, notamment lors des consultations et élections diverses, et par conséquent au sein du parlement.

« En démocratie, rien n’est plus naturel que l’existence des partis. Ils expriment nos oppositions réciproques« , (Charles de Gaulle – conférence de presse du 24 avril 1947Création du RPF).

Par contre, l’esprit de notre texte suprême implique que le Chef de l’État et le gouvernement qu’il a nommé ne sauraient être la chose des partis politiques. Le général de Gaulle refusait le « régime des partis », donc la mainmise des organisations partisanes sur le gouvernement. Cela signifie que le gouvernement – qui dirige la politique du pays – ne doit pas dépendre d’une ou plusieurs formations partisanes, qui seraient à l’origine de la nomination de son chef, discuteraient sa composition, négocieraient leur soutien.

Il convient néanmoins de rappeler que 2 révisions constitutionnelles polluent durablement nos institutions. La première est incontestablement la mise en œuvre du quinquennat et la quasi-simultanéité des scrutins présidentiel et législatif. La seconde, plus sournoise, mais tout aussi néfaste, permet au parlementaire nommé ministre de retrouver directement son siège en cas de départ du gouvernement pour quelque raison que ce soit, c’est-à-dire sans consultation du corps électoral. Ces deux changements à mettre à l’actif de deux Présidents qui se sont, à maintes reprises et tout au long de leur carrière, qualifiés de « gaulliste », ont redonné aux partis politiques un pouvoir sur l’exécutif incompatible avec la règle fondamentale relative à la séparation des pouvoirs exécutif et législatif propre à la Vème république.

Le détricotage de notre constitution semble se poursuivre aujourd’hui avec la désignation par le Chef de l’État de Christophe Castaner, actuellement ministre, à la tête du parti majoritaire LREM à l’Assemblée Nationale. Gardera -t-il son portefeuille ? Restera-t-il secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement. A cette heure, rien n’est encore tranché par le locataire de l’Elysée, mais se poser la question est déjà trahir la Vème république. Comment peut-on imaginer un chef de parti nommé par le Président de la République sur un portefeuille ministériel dont la mission essentielle est d’activer les relations entre le gouvernement et tous les parlementaires, c’est-à-dire avec tous les partis politiques ? Une telle situation marquerait de la part d’Emmanuel Macron une rupture brutale avec nos règles constitutionnelles.

Les gaullistes et ceux qui soutiennent notre constitution doivent dénoncer cette « cuisine politicienne ».

Alain Kerhervé


Le dessin de Jean Sennep intitulé « Varices » livre un regard amusé sur la situation délicate du général de Gaulle, chef de gouvernement du GRPF, confronté à l’automne 1945 à une Assemblée Nationale dans laquelle les partis ont repris toute leur place, situation qui entraîne le Général à démissionner le 20 janvier 1946.

« Le 19 janvier, je fis convoquer les ministres pour le lendemain, rue Saint-Dominique. À l’exception d’Auriol et de Bidault, qui se trouvaient alors à Londres, et de Soustelle, en tournée au Gabon, tous étaient réunis, le dimanche 20 au matin, dans la salle dite « des armures ». J’entrai, serrai les mains, et, sans que personne ne s’assit, prononçai ces quelques paroles : « le régime exclusif des partis a reparu, je le réprouve. Mais, à moins d’établir une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n’ai pas les moyens d’empêcher cette expérience. Il me faut donc me retirer ».

Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, Le Salut, 1944-1946, Plon, 1959.


1965 : présidentielle au suffrage universel

Au nom du père, merci Jean-Louis !

 


7 commentaires sur Une rupture fondamentale avec notre constitution

  1. Edmond Romano // 22 novembre 2017 à 15 h 42 min //

    Flamant rose: il y a une grande différence entre s’assurer du soutien des partis politiques (ce qui me semble être normal en démocratie de la part de l’Exécutif) et être inféodé à ces partis politiques et devenir leur otage.
    Ce dernier cas n’étant pas celui de Macron puisqu’en fait ce sont les députés qui sont l’otage de l’Exécutif. Ce qui n’est guère plus démocratique.

  2. Sauf que c’est de Gaulle qui nommait les ministres, et quand ceux-ci quittaient le gouvernement, ils devaient passer devant les électeurs de leur circonscription.

  3. Flamant rose // 22 novembre 2017 à 11 h 46 min //

    Il faut relativiser la position du Général. Par exemple, lorsque Georges Pompidou a été nommé premier ministre et avec l’accord de de Gaulle, il a sollicité le concours d’Edgar Faure qui, lui même a soumis l’offre au parti radical. Ensuite il a rendu visite à Maurice Schumann, l’un des dirigeants du MRP qui n’a pas répondu immédiatement puisqu’ il a dit à Pompidou que par les statuts de son parti, il était tenu de le convoquer afin qu’il se prononce par vote sur cette proposition. A une faible majorité le MRP a donné cinq de ses membres l’autorisation d’entrer au gouvernement. Du début à la fin, de Gaulle a accepté cette procédure et pourtant c’était la manifestation flagrante de ce système des partis qu’il combattait depuis 1946.

  4. Edmond Romano // 21 novembre 2017 à 12 h 01 min //

    Il y a une autre atteinte tout aussi grave à l’esprit de la Constitution qui sans être illégale dénature la relation entre les citoyens et le Pouvoir exécutif: l’organisation des Primaires.
    L’élection Présidentielle se doit d’être la rencontre d’un Homme avec les électeurs.
    Elle ne doit pas être partisane, c’est à dire que le candidat doit être soutenu par un ou des partis politiques sans pour autant être désigné par une fraction de l’électorat.
    « Les partis politiques concourent à l’expression de la démocratie » dit en substance la Constitution, ils ne disent pas qu’ils organisent la vie démocratique.
    A l’origine il fallait 100 parrainages pour pouvoir être candidat aujourd’hui 500 ce qui prive certains citoyens du droit de se présenter à l’élection présidentielle.
    Quant à la durée du mandat, je suis favorable au septennat unique qui débarrasserait l’esprit du Président de la République du souci de sa réélection.

  5. Oui dénonçons cette cuisine politicienne du « chérubin du palais » et de ses sbires.
    Mais hélas, cela ne suffira pas pour convaincre une grande majorité de nos compatriotes « rien à foutre » sinistrés intellectuels précoces sortis d’une éducation nationale défaillante par tous les profiteurs de l’ignorance qui ont su capter à leur profit l’ abstention grandissante et la défiance envers les politicards de tous bords. Le « et de gauche et de droite jupitérien » procède de cette entourloupe politicienne.

  6. Gilles Le Dorner 77 // 20 novembre 2017 à 22 h 42 min //

    En terme de pollution ou d’ OGM constitutionnel , et comme il faut appeler un chat un chat , il faut bien aussi nommer une forfaiture à bon escient et dans sa « juste » mesure , (et non à celle un jour en invective de M. Gaston Monnerville) , oui une forfaiture et puis comme un régime de forfaiture qui glisse et persiste , depuis le 29 Mai 2005 car depuis le coup du traité de Lisbonne , sous les rampants de l’ idéologie européiste sagement de Congrès parée , France malade d’ elle-même / Sur un autre registre , et lu car écrit hélas en presse et dans la même idéologie , rampante , faisant peu de cas de diplomatie et pire en lieu d’ œcuménisme faisant peu de cas de froisser en songe d’ uniatisme : « l’Ukraine se rapproche de l’ Europe grâce à l’ influence des chrétiens » / Quelle Europe ?! / Méfaits des idéologies et d’ empires , comme méfaits des populismes louvoyant des seuls mécontentements ou des nébuleuses pseudo-sectaires ou étouffoirs en marche . La France est simplement une Nation parmi d’ autres . Une vérité , parmi d’ autres , certes , en liberté d’expression . Sujet de PHI appliquée ? : Qu’ est-ce qu’ une Constitution , un outil ou bras de levier de pouvoir que l’ on peut refondre à envie et au gré de pouvoirs , ou des règles , (bien sûr ce ne sont pas les Tables de La Loi !) , des règles si possibles stables et d’ ailleurs naguère choisies , en France , en liberté chèrement conquise, garde fou vis à vis des abus de pouvoirs . En respect du vote de Mai 2005 , en réveil peut-être aussi

  7. je vois pas trop ce qui vous gêne dans la pratique Macron…! Il a une super majorité , il est réformiste , Fillon était bien meilleur ,mais l’europe pousse Macron à aller dans la bonne direction….Attendons juin 2018 pour une éventuelle dissolution….!

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