Médecine humaine et intelligence artificielle 2

Par Dr J. Petroussenko, membre de Gaullisme.fr

L’Intelligence Artificielle (IA) d’utilisation courante chez les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) qui s’en servent dans leurs systèmes, depuis longtemps, a fait des progrès considérables récemment. Elle en a fait dans tous les domaines, ou des bouleversements sont en cours mais surtout en médecine, qui nous intéresse particulièrement, elle va rendre (et rend déjà) de grands services. L’IA est un ensemble de techniques permettant à des machines d’accomplir des tâches et de résoudre des problèmes normalement réservés aux humains et à certains animaux (Yann Le Cun). On aura bientôt sur un smartphone avec soi, un mécanisme d’intelligence portative d’usage courant, ou à domicile un ordinateur augmenté, ou au cabinet du médecin, serviteur intelligent qui répondra aux questions qu’on lui posera.

Elle donnera une sérieuse accélération à l’intelligence humaine. Mais on ne connait pas encore ses limites, ni ses inconvénients. Ni Dieu ni Diable, ou les deux ? N’entrons pas dans ce débat. Pour le moment elle est supervisée par l’intelligence humaine. Ne jouons donc pas les Cassandre devant cette formidable innovation Il est plus intéressant de voir ce que, cet instrument apporte en médecine. Cherchons dans quels domaines médicaux aujourd’hui l’IA est opérationnelle ?

La précision des diagnostics en Médecine humaine. L’IA trouve sa plus grande utilité dans l’amélioration de la précision des diagnostics. Elle fonctionne comme une base de données utilisable par le médecin dans sa pratique quotidienne. Celui-ci n’a en mémoire que ses connaissances acquises, et son expérience, qui peuvent être importantes. Il rassure et inspire une confiance, ce qu’aucune machine ne saura faire. Par contre la mémoire humaine étant plus limitée (mais sélective) imaginons une consultation, où le médecin « sèche » l’IA lui apportera sur un plateau les solutions, et ce sera à lui de choisir parmi elles. Elle fonctionnera comme une vaste, et performante base de fichiers et de données (datas). Depuis longtemps les médecins s’aident d’un ordinateur qui stocke une grande quantité d’informations sur les maladies et les traitements, et leur rend service, en les libérant d’un effort de mémoire au profit d’un meilleur examen.

Il ne fera plus appel à sa mémoire mais à celle de la machine. L’acte médical se résumera à un bon examen, afin d’isoler et de nommer les symptômes correctement, en plus grand nombre possible, et de les entrer dans l’IA. A la sortie il aura davantage de solutions diagnostiques possibles, parmi lesquelles il fera un choix vers le bon diagnostic. En principe il ne devrait faire appel à l’IA que dans les cas difficiles.  Ce qui est important pour lui ce sera d’isoler et de nommer les symptômes La machine sera une « gigantesque base de données ». Du fait de la taille Aujourd’hui on ne parle plus de « datas » mais de « big datas » vastes fichiers de stockage de données accumulées par la médecine (pas seulement) et nichées dans la mémoire du cloud (nuage) dans des lieux protégés partout dans le monde.

Mais depuis longtemps et de plus en plus l’IA représente davantage qu’un simple stockage, grâce à des qualités propres de ses algorithmes qui en font réellement une intelligence

Les systèmes automatisés d’imagerie médicale. L’IA associée aux progrès de la vision et de la transmission des images, peut analyser des images à distance et détecter des images très fines, des tumeurs, et autres, très difficiles à diagnostiquer par l’œil humain. Elle entre ainsi dans des systèmes automatisés d’imagerie médicale qui posent et renvoient des diagnostics à distance. Cela veut-il dire qu’on n’aura plus besoin de médecin ? Non pas encore, Mais n’est-ce pas une brèche pour demain ? Si des algorithmes font un diagnostic et proposent une thérapeutique à une vitesse et une qualité de transmission des images que jamais aucun médecin ne pourra atteindre, où sera le pouvoir intellectuel du médecin ? Sa seule utilité sera de rassurer le malade, de le mettre en confiance en attendant un résultat en quelques secondes !

L’IA entre aussi dans les mécanismes d’un robot chirurgical. Cet aspect ne fera que se développer avec la chirurgie endoscopique. Cette chirurgie qui n’est pas récente, est un acte simple quand elle est faite par des opérateurs entrainés. Elle est pratiquée sur un malade anesthésié selon le mode adéquat, par des petits orifices créés sur les membres le thorax l’abdomen ou ailleurs sur le corps, avec des instruments de plus en plus miniaturisés et une imagerie perfectionnée par caméra endoscopique. Le robot a pour vocation de se substituer au chirurgien, mais c’est toujours le chirurgien qui le pilote en temps réel. Il utilise les mêmes voies d’abord, et une même caméra ; on adapte selon les besoins 2, 3 ou 4 bras s’il a besoin d’un ou plusieurs aides… Ces techniques souples comme la main et d’une infinie précision permettent de s’affranchir en partie d’une manipulation délicate tout en guidant le robot. C’est dans ces gestes de manipulation fine que les mécanismes d’’IA interviennent. Là « où la main du chirurgien ne passe pas, le robot peut passer ». Le chirurgien peut intervenir à tout moment en cas d’incident. On réalise des actes lourds avec des performances meilleures sur le plan du risque, de la qualité, du confort, des suites et aussi du cout des interventions.

De nombreux types de robots sont commercialisés. Les uns pour la chirurgie du cerveau, la chirurgie abdominale, urologique et les autres pour la chirurgie pédiatrique. Pour l’anecdote on a réalisé des interventions sur des prématurés avec succès. Cette discipline médicale progresse de jour en jour, elle est d’avenir pour une chirurgie rapide, souvent lourde mais devenue « légère », qui postule des suites simples et une hospitalisation courte.

La recherche médicale. On imagine l’ampleur du domaine explorable et quelle peut être l’utilité de l’IA. En médecine classique on pourra réaliser des recherches, des études sur des malades dans la vie courante en temps réel, comme on fait avec un Holter cardiaque ou tensionnel, mais avec un certain nombre de paramètres choisis qui peuvent être variés et nombreux. On pourra le faire pour un seul malade. Son dossier sera alimenté plusieurs mois ou années et servira à étudier son comportement face à la maladie, la résistance, les fluctuations au traitement selon des critères mesurables et qui en feront aussi une synthèse que seule l’IA peut réaliser. Pour les groupes de malades, c’est encore mieux l’IA sera capable de rassembler très vite de très nombreux cas de malades du monde entier, facilement synthétisables, et en tirer des enseignements précieux. Pour les maladies rares des études exhaustives et très fines seront possibles, etc… L’épidémiologie et l’innovation en profiteront dans un avenir très proche : La Gestion de la glycémie pour les diabétiques de type 1 au moyen d’une application sur le smartphone est déjà commercialisée. Un patch gérera l’équilibre de la glycémie, et du fonctionnement de la pompe à insuline. Il y a d’autres dispositifs comme une lentille oculaire pour le même usage. La liste n’est pas close, d’autres dispositifs vont arriver ces prochains mois, précédant un pancréas artificiel en 2018. La recherche fondamentale surtout la génétique, la microbiologie, la recherche cellulaire, etc… (ça ne fait que commencer) seront les bénéficiaires.

La médecine préventive. La médecine aujourd’hui est dite réactive. On a besoin d’elle quand la maladie apparait. Elle réagit en s’attaquant surtout aux symptômes, à la maladie, parfois aux causes, et souvent en prévenant les conséquences. La médecine préventive est un domaine très actuel. Elle devance les maladies. Mieux vaut prévenir que guérir. On sait que telle cause provoquera une maladie, on fait barrage à la cause. Citons par exemple les conséquences de l’alcoolisme. Le sevrage traite la cirrhose au début. Le tabagisme provoque le cancer (poumon) ou la BPCO[1]on supprime le tabac avant que cela n’arrive. Les conséquences de différentes addictions sont prévenues en amont. Autre exemple l’obésité le diabète gras de type 2. On prévient les complications par le régime, et l’exercice, avant les médicaments pour éviter l’insuffisance rénale, la rétinite ou l’artérite. Encore un exemple, la prophylaxie des épidémies par les vaccinations en fait partie. Il en est ainsi du vaccin de la grippe. On traitera l’hypertension artérielle, et ses causes pour éviter les AVC[2]. Il en est ainsi de bien d’autres affections. La prévention outre son action efficace sur la santé publique est à un cout moindre que des traitements lourds ou complexes, une fois la maladie déclarée. L’épidémiologie profitera des « big data » en analysant de très nombreux cas, sur plusieurs mois ou années, tous les registres disponibles sur un siècle si nécessaire, l’IA aujourd’hui est capable de donner des conclusions attendues ou différentes !

La médecine prédictive est une autre démarche intellectuelle, qui va plus loin en amont ; elle devance les maladies par leur prédiction. Elle fait appel au séquençage et à l’analyse du génome humain. On a aujourd’hui une carte complète du génome humain. Cette carte du génome peut être établie à titre individuel pour un cout acceptable. On pourra prédire à telle personne une prédisposition génétique pour telle maladie, que l’on peut chiffrer statistiquement, sans pouvoir lui dire à 100% s’il la contractera. Le séquençage est à la base de cette médecine. Il est redouté mais pas forcément redoutable, car il n’est pas inintéressant de savoir qu’on aura une prédisposition pour une maladie cardiaque, rénale, pulmonaire ou un Alzheimer quand on aura pris de l’âge. On comprend toutefois que les gens n’aiment pas savoir. Mais dans nombre de maladies on pourra retarder le processus par des mesures d’hygiène, des traitements appropriés, voire appliquer une nano chirurgie du génome pour « transloquer » un gène et obtenir rémissions ou guérison. Cette méthode s’appliquera en toute vraisemblance à toutes les maladies héréditaires et affections chroniques.  Ces jours-ci un enfant syrien de 8 ans a été opéré par une équipe italo-allemande pour une maladie rare une sorte de scalp héréditaire de l’épiderme sur tout le corps. Il avait des infections fréquentes et très graves de la peau et avait peu de chances de vivre longtemps. C’était une maladie par anomalie génique, où son derme ne pouvait pas fabriquer l’épiderme de recouvrement de la peau. Il n’avait aucune protection cutanée, rouge vif comme un coup de soleil brulé à 100 %. Les chirurgiens ont donc pratiqué la 1ère greffe totale de peau dans le monde, c’est à dire sur tout le corps. Elle a été rendue possible par culture des cellules du malade en vue d’une autogreffe, précédée d’une nano chirurgie du génome par injection d’un virus transportant une portion de gêne sain qui s’est ainsi substituée au gêne malade, ce qui a créé une peau capable de régénérer un épiderme normal. Le malade est guéri et vit normalement.

La télémédecine bénéficie aussi de l’IA La télémédecine à l’état élémentaire par ordinateur type connexion-Skype existe déjà avec la qualité d’image médiocre que l’on sait. Elle est utile quand l’image est plus perfectionnée, et synchrone avec le son. C’est de la visiophonie mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il s’agit des cabines de télémédecine. La télé cabine est une cabine fermée confortable genre cabine téléphonique destinée à pratiquer la médecine à distance. Elle est dotée d’un certain nombre de d’appareils et de dispositifs médicaux (variables selon les options choisies) Le patient est en communication visuelle et auditive avec un médecin. Celui-ci après son interrogatoire, demande qu’il vérifie lui-même la saturation en oxygène du sang, par application d’un dispositif sur le doigt, la pression artérielle avec un brassard ; Il demande qu’on mette un stéthoscope sur la poitrine, il entend les bruits du cœur, des poumons des grosses artères. Avec un otoscope dans le conduit auditif externe, il voit le tympan. Il y ajoute d’autres examens s’ils sont possibles et rédige une ordonnance qu’il renvoie immédiatement au patient. il ne l’a pas examiné entièrement mais il est capable de voir ce que le malade lui montre, d’entendre une auscultation, mais pas de mobiliser une articulation, de toucher des points douloureux, de procéder à l’examen complet lui-même. Aujourd’hui elle est cependant opérationnelle et pour le moment est dirigée plutôt vers ce qu’on appelle les déserts médicaux et les EHPAD[3], on envisage nombre d’autres utilisations, l’avenir n’est limité que par les options en surcouts. 100.000 € la cabine standard environ. En vrai à quoi sert aujourd’hui la télémédecine ? A des téléconsultations, une téléexpertise, de la télésurveillance, de la téléassistance.

En guise de conclusion l’avenir des hommes maintenus en bonne santé « en équilibre physique mental et social » comme l’écrivait Alfred Sauvy quand j’étais étudiant en médecine, passe aujourd’hui, (sans exclusivité mais en grand partie) par la médecine numérique, faite d’information et de communication. l’IA a une place prépondérante dans l’avenir  par sa puissance, sa vitesse, sa profondeur, ses perspectives Elle progresse constamment, mais il faudra aussi une éthique, des protections, peut-être des barrières ? Sans aller jusqu’à la dépréciation des médecins, elle donnera davantage de « pouvoir » au malade. Ce ne sera pas sur ce point forcément un progrès. Sans aller jusqu’à l’homme augmenté dont le concept progresse aussi jusqu’à un certain délire contagieux, ou même l’immortalité, utopie qui n’est pas pour demain, tous concepts qui utiliseront l’IA s’ils se réalisent un jour, contentons-nous d’espérer augmenter rapidement l’espérance de vie par l’amélioration des soins aux malades, de la prévention aux « êtres bien portants mais qui sont des malades qui s’ignorent » de la prédiction aux « sursitaires » de maladies génétiques, et par l’amélioration de la santé publique en général. Ce restera un bienfait et un progrès pour l’humanité. On entend dire que l’homme qui vivra 200 ans est déjà né. Rassurons-nous ce ne sera personne que nous connaissons, mais un individu soigné on ne peut plus et vivant sous cloche. A moins qu’il ne s’en évade tel le sauvage du « meilleur des mondes » pour vivre normalement…. jusqu’à 100 ans.

Dr J. Petroussenko


[1] BPCO broncho pneumopathie chronique obstructive –  [2] accident vasculaire cérébral –  [3] EHPAD établissement hospitalisation personnes âgées dépendantes


Lire également sur Gaullisme.fr : http://www.gaullisme.fr/2017/08/18/la-consultation-medicale-est-elle-appelee-a-disparaitre/

8 commentaires sur Médecine humaine et intelligence artificielle 2

  1. à Dr J. Petroussenko….. l’inacceptable affaire Naomi relance le débat sur la qualité de prise en charge des patients, notamment dans l’Urgence. Si donc les operateurs des centres d’appel des pompiers et du Samu Alsaciens ont été leurrés par, dit-on, « le syndrome méditerranéen », si donc assez régulièrement des patients racontent des histoires , il n’en demeure pas moins que le sérieux des professionnels de l’Urgence et de la Santé impose que chaque individu qui se plaint soit pris au sérieux!! Est-ce que la télémédecine et l’IA2 pourraient aider à améliorer la prise en charge des malades, cela reste à prouver, mais devient hautement souhaitable pour tout le monde comme éventuel moyen de récupération des « diagnostics foireux » !.

  2. peztroussenko // 30 novembre 2017 à 18 h 09 min //

    il faut faire progresser l’intelligence humaine. le débat est clos

  3.  » La connerie il faut la combattre. Par contre, si l’IA est utilisée par des malveillants, il faut prévoir des garde-fous, voire des moyens de destruction. Cordialement. J. P. » Ce qui de toute évidence à l’examen des décisions politicardes de tous horizons fait le plus souvent défaut !!!!!La prévention des risques politiques n’existe dans AUCUN pays !!! Il faudrait commencer par cela et l’IA au service du développement de la machine à détecter les cons rendrait un immense service à toute l’humanité .

  4. Gilles Le Dorner 77 // 23 novembre 2017 à 8 h 47 min //

    la machine en progrès au service du soignant et non les soignants devenus personnel machin planté devant l’ordinateur-machine et plus souvent devant les machines en structure de productivité que devant les soignés , l’ hôpital , c’ est son nom , repensé en termes de soins par des services

  5. Petroussenko // 21 novembre 2017 à 17 h 04 min //

    ne nous trompons pas de sujet, ne faisons pas des contresens. Nazisme eugénisme, Hitler etc.!!!!! ce n’est pas de l’IA. Je comprends mal les invectives à propos d’une percée scientifique majeure qui va vite proliférer.si on s’en sert à bon escient ce sera bénéfique pour l’humanité. La connerie il faut la combattre. Par contre, si l’IA est utilisée par des malveillants, il faut prévoir des garde-fous, voire des moyens de destruction. Cordialement. J. P.

  6. Edmond Romano // 21 novembre 2017 à 12 h 22 min //

    BAERTJC vous faites allusion au nazisme et aux expériences dans les camps de concentration. Quand le séquence de l’ADN s’est il développé de façon constante? Quand l’URSS est tombé et que les archives récupérées dans les camps de concentrations qui contenaient les travaux des médecins nazis ont été consultables.

  7. Pour faire suite au commentaire de Henri, l’IA pourrait aussi servir à développer la machine à détecter les « cons »! Cette avancée technologique rendrait certainement un grand service à toute l’humanité.
    Si par ailleurs tous les bien portants sont des malades en devenir plus où moins lointain l’usage extrême systématique non raisonné et sans discernement des machines de télédiagnostics intelligentes serait une forme moderne de ce qui nous fût administré sous le règne d’un certain Hitler : . la race pure . Méfions nous donc des innovations mal maitrisées !!!!

  8. Il y a l’intelligence artificielle et la bêtise naturelle … !! Romain Gary , gros , gros QI , disait que la connerie gagnait des batailles !!!

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