Où est passée la France « d’en bas » ?

Malraux disait à propos du RPF : "c'est le métro à 6 h. du soir".

Maxime Tandonnet est historien. Auteur de nombreux ouvrages, dont Histoire des présidents de la République (éd. Perrin, 2013) et Au cœur du Volcan, carnet de l’Élysée (éd. Flammarion, 2014), il vient de publier Les parias de la République (éd. Perrin, 2017). Découvrez également ses chroniques sur son blog.

Pour Maxime Tandonnet, tandis que la France d’en haut s’étourdit avec le phénomène #balancetonporc et bientôt avec les célébrations de mai 68 et des JO, la France d’en bas et ses millions de chômeurs et de pauvres est oubliée.

« Tout cela va très mal finir » aurait déclaré en privé le président Sarkozy. Que voulait-il dire par là ? Deux France évoluent en parallèle et l’abîme entre elles, ne cesse jour après jour de se creuser un peu plus.

La France dite « d’en haut », ses milieux dirigeants, ses responsables publics et politiques, ses réseaux d’influence, ses médias radio-télévision, ses experts, ses milieux financiers, se porte plutôt bien.

La personnalisation médiatique du pouvoir, autour du plus jeune président de l’histoire, atteint un niveau vertigineux, jamais égalé, oscillant entre l’exaltation et l’exaspération, dans un monde factice, illusoire, surmédiatisé, où le culte du chef est l’écran de fumée qui recouvre, de quinquennat en quinquennat, l’impuissance publique à régler les problèmes des Français.

De même, les crises d’hystérie s’enchaînent à un rythme endiablé, venues des Etats-Unis, après l’affaire des statues dites racistes, la dernière en date autour des scandales sexuels et du « balancetonporc » comme le montre si bien M. Gilles Goldnadel.

Mais au-dessous du grand maelström hystérique, où en est la France dite « d’en bas », celle de la majorité silencieuse et des tracas de la vie réelle ?

La course aux lynchages bat son plein comme dans un jeu de « soft terreur » ayant le déshonneur public pour guillotine. Dernier « suspect », dernier lynché : le député M. Lassale, longtemps coqueluche des médias. Nul n’échappe désormais au syndrome de l’arroseur arrosé, au spectre d’une dénonciation, pas même les bourreaux eux-mêmes, comme le couperet s’est un jour abattu sur la nuque des Robespierre, Saint Just et Fouquier-Tinville

La fuite dans les commémorations solennelles est elle aussi de routine. Il est logique que cette France dite d’en haut s’apprête à célébrer mai 1968, son acte de naissance, avec son culte du nivellement et de la table rase, son « interdit d’interdire », ses « CRS=SS » et son individu-roi qui s’exprime dans le célèbre – et ambigu – « jouissez sans entraves ». De même, la France dite d’en haut s’enivre par avance dans l’éblouissement des jeux olympiques de Paris 2024, comme pour oublier le présent et le monde des réalités.

Mais au-dessous du grand maelström hystérique, où en est la France dite « d’en bas », celle de la majorité silencieuse et des tracas de la vie réelle ?

Où sont passés les 5 à 6 millions de chômeurs ? Les 2 millions de bénéficiaires du RSA ?, les 8 à 9 millions de pauvres et les 3,2 millions de mal-logés ?

Que ne ferait-on pas pour noyer dans un tumulte stérile la pire tragédie de l’histoire de notre pays depuis 1945, celle d’une France ensanglantée par le terrorisme islamiste ?

Et qui parle encore des squats et des bidonvilles qui prolifèrent sur le territoire ? Où en est la crise migratoire, les arrivées incontrôlées en Europe de centaines de milliers de personnes victimes des passeurs criminels ? Où en est l’aéroport de Nantes, voulu par l’État, confirmé par référendum, mais bloqué par les zadistes ?

Et la situation des cités sensibles, les territoires perdus de la République, les trafics qui y règnent, les phénomènes de communautarisme et de repli identitaire, la tragédie de leurs habitants surexposés à la violence et qui ne demandent qu’à vivre en paix ?

Où en sont les milliers de collèges et de lycées en crise, où les professeurs débordés par le chaos, insultés, giflés, ne parviennent plus à faire leur métier de transmission des savoirs fondamentaux ?

En 2017 s’est déroulé un événement politique d’une portée capitale, historique, passé quasi inaperçu : le taux d’abstention aux élections législatives, le cœur de toute démocratie, pour la première fois dans l’histoire, a dépassé les 50% signant ainsi le naufrage de la démocratie française, dans l’indifférence générale.

Cette fracture entre les deux France, la France dite d’en haut qui se noie dans les gesticulations de sa bulle médiatique et la France dite d’en bas confrontée à la tragédie du monde réel, est la source de tensions explosives, qui peuvent s’enflammer à tout moment, sous une forme ou sous une autre, dans la rue ou par un vote de destruction en 2022. Certes, aucun signe d’une explosion imminente n’est aujourd’hui décelable mais rien n’est plus calme qu’un magasin de poudre, une demi-seconde avant l’étincelle.

Maxime Tandonnet,
Membre du CA de l’Association « Gaullisme.fr »


Sur gaullisme.fr :

Histoire du RPF


 

5 commentaires sur Où est passée la France « d’en bas » ?

  1. @ Henri,
    Vos propositions sont comme celles de Fillon tout sauf gaulliste. Votre place est ailleurs chez les LR !

  2. La France d’en bas cherche la sortie !

    La France d’en bas « c’est le métro à 6 heures du soir » à propos du RPF dans les années 50 pour fraterniser avec toutes les couches laborieuses de la société. Expression reprise par N.Sarkozy pour constituer une armée de militants de l’UMP en 2014. C’est aussi ce tube populaire de 1968  » Il est 5 heures Paris s’éveille « .
    En pleine crise bruyante de mai 68, les accords de Grenelle aboutissent notamment à une augmentation du SMIG de 35% et de 10% pour les salaires et des avancées sur le plan syndical.
    De quoi motiver les cafés qui nettoient leurs glaces, La Villette où l’on tranche le lard et les ouvriers qui sont déprimés.

    Aujourd’hui, lorsque la France d’en bas n’est pas oubliée, c’est principalement pour lui rappeler qu’elle doit rendre des comptes au fisc, à l’URSAFF, à la C.A.F, à Pôle Emploi, à la S.S, à l’huissier de justice, aux services de la répression des fraudes etc…etc. Elle est fichée, numérotée, numérisée, comme le bétail avant son passage à l’abattoir. Pour l’embellie elle devra faire preuve de patience; renoncer à ses utopies et à ses illusions (Macron) et à en finir avec le relativisme intellectuel et la destruction des valeurs morales et de la hiérarchie (Sarkozy).
    Quant aux hautes sphères du pouvoir détachées des communs des mortels, vu le nombre effarant de scandales qui se développent exponentiellement à son égard il n’y a là plus rien de scandaleux. Ca en devient la norme. La décadence est en marche en dépit de toutes les leçons de morale jusque-là enseignées.
    Cette maladie contagieuse fait qu’il n’y a plus forcément un abîme qui sépare la France d’en haut d’avec la France d’en bas puisque la frontière devient très poreuse. Sans en faire une généralité bien évidemment ! La crise de l’autorité s’installe.
    Les deux France peuvent se serrer la main sur un quai de métro ou dans une cellule carcérale pour échanger fraternellement leurs expériences de délinquants. Pourquoi se gêner et pourquoi culpabiliser puisque la France d’en haut exemplaire à tous égards enseigne les exemples à suivre.
    Il n’en demeure pas moins que ni le volume des transactions financières ni les centres d’intérêts ni les liaisons dangereuses n’auront les mêmes grossistes. Il y aura bien deux mondes parallèles, dont l’un sera nourri par des activités occultes derrière l’honorable paravent de l’intérêt général, tout en étant relativement épargné par sa garde rapprochée soudoyée et donc complaisante.

    En attendant des jours meilleurs, la vie continuera sur le même rythme : boulot, métro, dodo…et plus si affinités avant la tempête prochaine.

    René Floureux 25.10.2017

  3. Les Français ne sont pas conscients des « efforts  » à faire,déjà assumés par nos voisins Européens ,la baisse drastique des fonctionnaires, la suppression des 35 h et l’assouplissement du code dutravail, débat occulté par l’effacement de Fillon dont le programme est le seul capable de redresser le pays ! Les Français sont cons et ne veulent pas être efficaces !!!

  4. Hélas , il n’y a jamais eu de majorité silencieuse….une majorité se fait entendre ou n’existe pas. Quant à la France d’en bas….mais Elle est trop en bas pour inquiéter le « chérubin du palais » qui de ce point de vue a bien joué de la faille des cette majorité silencieuse qui allait majoritairement bouder les urnes au prétexte qu’il fallait voir venir et donner une chance au nouveau venu sorti de nulle part avec des airs de grand Seigneur qui sauverait la France, l’Europe et le Monde !!!!
    La majorité silencieuse , voilà le pire ennemi de la Démocratie car elle est par définition INAUDIBLE et INVISIBLE !

  5. La France d’en bas c’est le cadet des soucis de Macron et d’En Marche…arrière toutes. La seule chose qui compte pour eux c’est la France d’en haut, celle des « start-ups » et du capital financier nomade.

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