Le « Vive le Québec libre » du général de Gaulle a 50 ans

Radio Canada

Charles de Gaulle après avoir lancé « Vive le Québec libre » depuis le balcon de l'hôtel de ville de Montréal Photo : Radio-Canada

Les paroles prononcées ce soir-là, depuis le balcon de l’hôtel de ville de Montréal, ont créé ici une onde de choc et ont été entendues partout sur la planète. Vivement dénoncée par les fédéralistes, la déclaration a semé l’euphorie dans les rangs nationalistes. Retour sur un des moments forts de l’histoire récente du Québec. Un texte de Vincent Maisonneuve

Dans les heures qui ont suivi le fameux « Vive le Québec libre », certains ont cherché à nuancer les intentions du général de Gaulle. Mais ceux qui avaient suivi le président français ce jour-là n’étaient pas surpris par son coup d’éclat.

Viendra, viendra pas

Dans son livre La traversée du Colbert, l’auteur André Duchesne résume ainsi le contexte qui a mené à la visite du président français. En prévision des célébrations du centenaire de la Confédération et de l’Expo, le gouvernement canadien cherche à inviter au pays un maximum de chefs d’État. Charles de Gaulle est, à l’époque, un homme très populaire. Il attire les foules et Ottawa veut absolument l’inviter.

Charles de Gaulle lors de son passage à Québec   Photo : Jean-Claude Labrecque

Mais le général n’avait pas du tout digéré certaines décisions prises par les autorités canadiennes. Leur refus de vendre de l’uranium à la France et leur désaccord sur les droits de pêche des habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon irritent le président français. Ce dernier affirme également ne pas avoir l’intention de souligner le centenaire d’un pays fondé à la suite d’une défaite de la France.

À l’inverse, de Gaulle entretient une profonde sympathie à l’égard du Québec. Lorsque le premier ministre québécois Daniel Johnson l’invite à son tour, le président français accepte sans hésiter.

Le président français Charles de Gaulle, à droite, chante l’hymne national avec le premier ministre du Québec Daniel Johnson, le 24 juillet 1967, à Montréal. Photo : La Presse canadienne/Chuck Mitchell

De Gaulle traverse l’Atlantique en bateau

Lorsqu’un chef d’État se rend dans un autre pays, le protocole lui dicte de visiter d’abord la capitale. Une visite en avion aurait obligé le président français à atterrir à Ottawa. Pour contourner l’étiquette diplomatique, le gouvernement québécois propose au général de Gaulle de traverser l’Atlantique en bateau.

Charles de Gaulle arrive au Québec à bord du navire Colbert.   Photo : Jean-Claude Labrecque

À bord du Colbert, un des plus importants navires de la marine française, de Gaulle ne peut remonter le fleuve au-delà de Québec ; c’est un véritable pied de nez au gouvernement canadien. Conscient de la manœuvre, Ottawa offre tout un comité d’accueil au général.

Même à Québec, le quai est sous autorité fédérale. Ottawa y déploie tout un régiment de soldats de Sa Majesté la reine d’Angleterre, vêtus de tuniques rouges et de casques en fourrure. Déjà, le ton est donné.

Les soldats sont déployés en grand nombre pour accueillir le général de Gaulle.   Photo : Jean-Claude Labrecque

Le Chemin du Roy

Charles de Gaulle décide de parcourir le trajet vers Montréal en empruntant en décapotable le Chemin du Roy, une route financée par Louis XV quelques années avant la conquête britannique. À la demande de Québec, les organisateurs de la Société Saint-Jean-Baptiste s’assurent de lui réserver un accueil triomphal. Aux abords de la route, la foule est en liesse.

Charles de Gaulle à Québec dans un bain de foule   Photo : Jean-Claude Labrecque

On va jusqu’à lui construire un immense arc de triomphe ! Charles de Gaulle affirme d’ailleurs avoir ressenti, tout au long de sa route, « une atmosphère du même genre que celle de la Libération ». Le général est bien conscient qu’il y a au Québec l’émergence d’un mouvement indépendantiste. Entre Québec et Montréal, le président français multiplie les discours. Plus la journée avance, plus ses propos cherchent à faire vibrer les sentiments des nationalistes.

L’arc de triomphe construit spécialement pour la venue de Charles de Gaulle au Québec   Photo : Jean-Claude Labrecque

Sous la pluie à Donnacona, il parle du Québec comme d’un « pays en train de devenir maître de lui-même » et dit que le « peuple canadien-français ne doit dépendre que de lui-même ». Devant des centaines de personnes réunies à Louiseville, il évoque l’émergence d’une vague de renouveau, « une vague de volonté pour que le peuple français du Québec prenne en main ses destinées ». La foule acclame chacune de ses déclarations. Les discours sont retransmis en direct à la radio. Plus le cortège s’approche de Montréal, plus il y a de l’effervescence.

Vidéo

À son arrivée dans la métropole, ils sont plus de 10 000 à attendre le général de Gaulle. Le maire Drapeau ne veut surtout pas que le président fasse de vagues dans son hôtel de ville. Jean Drapeau va même faire débrancher le système de diffusion sonore situé au balcon. Une fois au deuxième étage, Charles de Gaulle remarque un micro sur sa gauche. Un technicien accepte de le rebrancher. La suite, on la connaît.

« Vive de Gaulle », crie cet homme dans la foule.   Photo : Jean-Claude Labrecque

Le premier ministre canadien est furieux. Lors d’un point de presse, il qualifie d’inacceptables les déclarations du président français. Lester B. Pearson ajoute que « les Canadiens sont libres », qu’ils n’ont pas besoin d’être libérés.

Dans les jours qui suivent le « Vive le Québec libre », les chroniqueurs et les éditorialistes tenteront, tour à tour, d’interpréter à leur manière les paroles du général, d’en nuancer la signification. Mais il semble que lui savait très bien ce qu’il faisait.



 

8 commentaires sur Le « Vive le Québec libre » du général de Gaulle a 50 ans

  1. Il est bon de rappeler cette page de notre histoire… aux plus anciens, mais aussi et surtout aux jeunes.

  2. Mais 50 ans après les Québécois ne sont toujours pas indépendants et la jeune génération ne semble pas concernée par cette question…
    Comme l’avait dit le gaulliste révolutionnaire Dominique de Roux peu aprés l’intervention de de Gaulle : »Lorsque le dernier Cafrion brandira son drapeau en Afrique les Québécois songeront à prendre leur indépendance … »
    Ne sont ils pas trop américanisés ,trop formatés à l’ anglo-saxon pour oser se libérer ?

  3. Ce n’est pas demain la veille visiblement qu’on aura un vrai chef d’état comme le général en son temps qui n’hésitait pas à damer le pion aux anglo-saxon et à leur ingérence. Lui n’avait pas peur de mettre les pieds dans le plat et savait faire de la diplomatie offensive. Quelle émotion lorsque l’on lit ou écoute ses discours, son amours pour la France y transpire. Quand on écoute ses successeurs on se demande s’il n’ont pas honte d’être français ou honte de leur pays. Navrant ! comment voulez vous redonner espoir à une nation avec des chefs aussi douteux. Pour être un représentant de la France comme un président, il faut d’abord aimer son pays, le chérir, connaitre son histoire et la défendre, aimer son peuple et son terroir et non chérir les lobbys, faire du droit de l’hommisme racoleur et de la repentance de caniveaux…

  4. Lévesque, Gilbert // 23 juillet 2017 à 18 h 42 min //

    Comment ne pas se réjouir de ce qui se passe au Québec, en ce moment où, l’unanimité rarement atteignable bat son plein autour de la mémoire du Général de Gaulle: qu’elle soit saluée à la mesure de la grandeur de l’homme ne peut que nous plaire. Des événements ponctuent cet anniversaire, des colloques – dont celui organisé par la SSJB de Montréal, fut une totale réussite – ne peuvent que rehausser le prestige de nos origines françaises; et de notre appartenance à la Francophonie, dont Louis Hémon, l’homme inspiré, que le Général recommande à son fils de lire, en 1921 [nous devons cette précision à Monsieur de Saint-Robert, de Paris, membre de la Fondation Charles-de-Gaulle]; et pourquoi cette recommandation du général à son fils, parce que Charles de Gaulle avait compris que l’écrivain français, d’origine bretonne, celui que j’appelle l’HOMME AUX CENT VOIX DU QUÉBEC, avait saisi la quintessence de notre spécificité, qui ne sera jamais que française; en cela, sans le rechercher, Louis Hémon est devenu malgré lui, le chantre de la Francophonie en terre d’Amérique. Et cela, le Général l’avait compris, c’est pourquoi en excellent pédagogue – ce qu’il fut aussi – il n’hésite pas à recommander fortement la lecture de Maria Chapdelaine à son fils; arguant son choix préférentiel sur une constante qui ne peut changer et ne changera jamais: NOUS SOMMES VENUS IL Y A TROIS CENTS ANS ET NOUS SOMMES RESTÉS, dixit Louis Hémon.

    Gilbert Lévesque, ex-conservateur-fondateur
    Musée Louis-Hémon de Péribonka
    Membre d’honneur de la Société historique de Mtl
    Citoyen d’honneur de la Ville de Brest, Fr

  5. Edmond Romano // 23 juillet 2017 à 11 h 05 min //

    @Michel: oui il en avait! Et les Français l’avaient bien compris! de droite comme de gauche une large majorité l’a soutenu. Il fallut des coups bas ‘(la déclaration de Rome, le « oui mais… » de Giscard) pour qu’une partie de ce Peuple qu’il a tant aimé se détourne de lui. Aurons-nous, un jour, la chance d’avoir un digne successeur du Général? J’en doute. Toutefois, ce qu’il avait projeter reste à accomplir. Alain a raison, Rejoignez-nous, nous avons besoin de tous pour faire vivre cette flamme éternelle: le gaullisme.

  6. Je suis un grand admirateur du genral de Gaulle. En 1968 avec des copains. J avais 18 ans. Nous avions cree dans notre departement la Charente. L U.J.P ( UNION DES JEUNES POUR LE PROGRES) Mouvement cree quelques annees a Paris. En soutien au president de Gaulle. En avril 1969 je lui avais envoye un petit mot suite a sa demission et m avais gentiment repondu. (Que j ai toujours). De gaulle un homme admirable integre.un exemple .

  7. Vous êtes, votre commentaire en témoigne, un gaulliste de conviction. Alors rejoignez-nous : http://www.gaullisme.fr/2017/07/03/avec-gaullisme-fr-rassemblons-nous/

  8. Magnifique!
    Pardonnez moi d’être vulgaire mais Le Grand Général De Gaulles avait des « couilles », des convictions, du courage!
    Depuis nous avons eu de piètres comptables (très mauvais au demeurant) qui on mis l’intérêt général à la poubelle pour mieux se gaver eux et leurs « parrains »
    Vive Le Général De Gaulles vive la

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