Macron : les territoires comme des filiales à (mal) restructurer

par Laurent Herblay

French President Emmanuel Macron delivers a speech during the local government conference dubbed 'National Conference of Territories' held at the Senate in Paris, France, July 17, 2017. REUTERS/Ian Langsdon/Pool

Décidément, dans le rôle d’apprenti-sorciers de la globalisation pour les nuls appliquée aux collectivités territoriales, Emmanuel Macron semble vouloir mettre ses pas dans ceux de son mentor, François Hollande, qui avait déjà charcuté notre carte régionale. Non seulement il propose une mal conçue suppression de la taxe d’habitation, mais voilà qu’il veut réduire le nombre d’élus.

Les territoires façon gribouille

Adepte des mesures gadgets s’inscrivant dans la doxa ultralibérale dominante, le président annonce une réduction du nombre d’élus locaux, une mesure qui ne devrait pas déplaire à grand monde, si ce n’est les élus. Mais ce faisant, même s’il y a sans doute des choses à rationnaliser dans les collectivités territoriales, il commet les mêmes erreurs que son prédécesseur. D’abord, il poursuit cette logique comptable du rabotage permanent des budgets publics, qui produit récession, déshabillage de territoires en difficulté, s’inspirant des pratiques des coupeurs de coûts du privé, dans une sphère qui ne peut, ni ne doit fonctionner comme une entreprise, car elle n’a pas du tout la même finalité.

Bien plus grave, conjugué à la suppression de la taxe d’habitation, Macron complexifie encore l’organisation publique en coupant plus encore le lien entre les ressources de ces collectivités et leurs budgets, ce qui a pour effet de déresponsabiliser les élus, qui deviennent de simples demandeurs et récipiendaires de fonds publics, cassant de plus en plus le lien possible entre les choix proposés par le responsable d’un territoire et validés par les électeurs et ce qu’il fait. Avant, le lien était bien plus direct, permettant une responsabilité claire des élus devant leurs électeurs. Demain, ce lien sera encore plus distant, ramenant des élus du suffrage universel au rang de simples fonctionnaires.

Et s’il y a des simplifications à faire, comme je le soutenais il y a trois ans et demi, c’était plus dans la réduction du nombre d’échelons. Ce qui est incroyable, c’est que ceux qui nous dirigent ont créé deux nouveaux échelons (la région et l’agglomération), complexifiant la gestion de notre territoire, et réclament ensuite une réduction des moyens qu’ils ont eux-mêmes dispersés. Et dans la grande usine à gaz construite depuis plus de trois décennies, l’État assure une part croissante des moyens des collectivités territoriales, lui donnant les moyens de les réduire à son bon vouloir. La suppression de la taxe d’habitation parachèverait la désorganisation de l’administration de nos territoires.

Bien sûr, il y a sans doute des choses à améliorer. Mais je crois que ce serait plutôt la suppression des régions et des agglomérations pour revenir au couple département – commune, qui a fait ses preuves, et le retour à des ressources directes, pour que les élus locaux assument directement leurs choix et que les électeurs puissent juger de manière pleine et entière.

Laurent Herblay
Membre du CA de l’Association

7 commentaires sur Macron : les territoires comme des filiales à (mal) restructurer

  1. Jean-Dominique GLADIEU // 21 juillet 2017 à 17 h 12 min //

    D’accord avec Arnaud pour améliorer l’administration des collectivités locales. On peut toujours faire mieux.
    Maintenant, gare à la tentation de vouloir gérer une commune ou un département comme une entreprise. Une entreprise a pour finalité de faire du profit et sert des intérêts privés. Les collectivités locales relèvent du service public et à ce titre ont précisément pour mission d’organiser la dépense des fonds publics au mieux de l’intérêt commun. Ne pas confondre par conséquent.
    Néanmoins, je rejoins Arnaud dans la nécessité de la rigueur dans l’emploi des fonds publics.

  2. On nous parle de réduire le mille feuilles mais l’on crée les communautés de communes. Une hérésie anti démocratique qui éloigne les citoyens de leurs élus, diminue la relation de proximité, et créées de petites seigneuries qui se croient tout permis grâce aux compétences qui leur sont confiées d’office. Compétences qui viennent détruire parfois ce qui existait et fonctionnait, imposant de nouveau mode de fonctionnement inadapté, augmentant arbitrairement les tarifs et tout ça avec une gabegie inimaginable. Au bout du compte les citoyens que nous sommes n’ont plus voix au chapitre, n’ont plus de choix, et sont à la disposition de ces administrations qui se moque bien de la qualité de leur pseudos service. Encore une belle réussite !
    Quand à la suppression de la taxe d’habitation c’est encore une manière de déresponsabiliser les citoyens ( qui ne le sont déjà plus beaucoup ) face aux biens publics. bref une idée idiote et démagogique.
    La suppression des régions à la sauce Hollande est également une anerie qui n’aura crée aucune économie et dans certains cas générer des surcouts de fonctionnement.
    Ce n’est ni en supprimant les régions ni avec les com’ de com’ ou agglo que nous réduirons les couts. Il faudrait plutôt commencer par lire et tenir compte des rapports de la cour des comptes, mettre tout ce petit monde au travail avec un minimum incompressible de 35H/semaine, voir réaliser des audits extérieurs pour lutter contre les gaspillages honteux qui s’y pratiquent. Je ne suis pas tout à fait d’accord quand je lis qu’on ne gère pas les territoires comme des entreprises. En effet la finalité n’est pas la même mais l’esprit devrait être le même, ne pas acheter si cela n’est pas indispensable, ni si l’on en a pas les moyens, ne pas embaucher inutilement et complaisamment, mettre l’argent disponible là ou il y en a réellement besoin et ne pas le dépenser inutilement sous prétexte que les crédits sont là. De l’argent il y en a, même s’il y en a moins, mais il n’est pas dépensé à bon escient. Nos élus et administrations doivent comprendre que l’argent public n’est pas un puit sans fond et regarder quel bénéfice peut réellement tirer la communauté pour chaque euro dépensé. Les maires de nos petites communes le font très bien mais plus la taille augmente et plus cela dérive, bizarre vous ne trouvez pas ? Alors qu’on ne me parle pas de regroupement…

  3. PETIT Jean-Pierre // 20 juillet 2017 à 12 h 05 min //

    D’accord avec vous, notamment sur le « couple » commune-département

  4. Totalement en accord avec vous.

  5. Apprentis sorciers…cela pourrait être la bonne définition pour tous ces marcheurs acquis à la cause du « chérubin du palais » porteur de malheur !
    Que vont faire les élus en réponse à ces attaques sans contrepartie positive que la réduction des oppositions ?
    Quant à économiser du fric sur une réduction du mille feuille territorial….l’histoire récente nous apprend que l’on dépense plus (pour le contribuables) mais différemment….là est la subtilité du cerveau jupitérien !!!!!

  6. Y-a-t-il une nécessité de restructurer les territoires comme une entreprise qui se porte mal parce qu’elle ne fait pas assez de bénéfice. La représentation politique des territoire n’est qu’un avantage, une expression de la démocratie locale, pas un coût qu’il s’agirait de réduire pour nous aligner une fois de plus sur le modèle allemand des 17 landers qui a donné la réforme NOTRe.

  7. Alain RAYNAUD // 19 juillet 2017 à 11 h 28 min //

    dans ce domaine, comme dans d’autres, ne pourrions nous pas appliquer le principe de subsidiarité ? Je suis certain que la plupart de nos maires sont capables de faire des propositions de bon sens, qui procéderaient d’une économie intelligente.

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