Armée française : des paroles aux actes, un choix crucial

« J’ai voulu donner le premier rang aux armées françaises »

(Emmanuel Macron, le 19 mai 2017 à Gao au Mali)

Postures

Le 8 mai, après avoir rejoint très symboliquement l’Arc de Triomphe en command-car pour présider la cérémonie du ravivage de la Flamme, le président de la République a rendu hommage aux soldats blessés en opérations à l’hôpital militaire Percy. Puis le 19 mai, il s’est fait présenter au Sahel les forces de l’opération Barkhane à qui il a tenu à « exprimer le salut et le respect de la Nation » ajoutant : « je ne risquerai pas vos vies pour rien, je respecterai les impératifs humains et techniques de l’outil militaire ». Enfin, sa récente plongée en SNLE au large de l’Ile Longue lui a permis d’afficher la place qu’il accorde à la dissuasion nucléaire.

Ainsi le président de la République s’est affirmé comme le chef des Armées par des paroles et des gestes symboliques. Il ne peut en rester là et va devoir maintenant les traduire dans les faits par des choix et des décisions. Il lui faudra d’abord trancher très vite le « conflit » concernant le budget 2017 entre Bercy et le ministère des Armées et assurer que ce dernier ne se fera pas imputer les surcoûts OPEX et OPINT, soit 850 M € non budgétés, au prétexte du respect de la règle des 3% de déficit. Il lui faudra ensuite fixer le niveau de l’effort à consentir en 2018 pour amorcer l’indispensable remise à niveau de nos forces classiques (dissuasion, protection et projection) et initier l’effort de modernisation de la dissuasion nucléaire.

Urgence

Est-il utile de rappeler une fois de plus l’état de paupérisation de notre armée, comme n’ont cessé de le faire les chefs d’état-major des armées lors de leurs auditions devant les commissions de la Défense, relayés par de trop rares journalistes et par des officiers généraux en 2e section que le ministre précédent cherchait à faire taire au nom du devoir de réserve ?

Les armées ont dû abandonner des capacités opérationnelles importantes, en principe temporairement, faute de moyens financiers ; elles sont utilisées depuis des années au-delà des contrats opérationnels pour lesquels elles sont dimensionnées ; elles usent leur matériel plus vite qu’elles ne peuvent le réparer et ne le modernisent pas aussi vite que la sécurité des hommes, l’efficacité au combat et leur âge l’exigeraient.

L’armée est en situation d’appauvrissement accéléré et, à ce rythme, il ne sera plus possible de maintenir le niveau actuel de nos engagements, ni de reconstituer un ensemble de forces cohérent tant il est long et coûteux de restaurer des capacités militaires perdues, qui combinent souvent haute technologie, savoir-faire individuels, entraînement et expérience opérationnelle.

Antécédents

De 1980 à nos jours, la part du PIB consacrée à la Défense a été divisée par 2, passant de 3% à 1,5% (hors pensions, civiles et militaires, du ministère). Ce sont donc des centaines de milliards d’euros qui ont été prélevés sur les budgets de la Défense pendant près de quatre décennies, désarmant la France tandis que la dette ne cessait de croître.

À partir de 1991, la France tire les « dividendes de la paix » ; en agissant ainsi, elle oublie de préparer l’avenir. La part de la Défense est encore, à cette date, de 2,5% du PIB (hors pensions). Avec la professionnalisation des armées en 1996 et après une réduction drastique des effectifs, la part du PIB consacrée à la Défense est fixée à 2%. Hélas, ce niveau ne sera pas maintenu.

Aujourd’hui, avec 1,5% de son PIB (hors pensions), le budget militaire de la France est dépassé par celui de l’Allemagne qui ne possède pourtant pas d’armement nucléaire et n’est pas engagée aussi intensément qu’elle dans les opérations extérieures.

Aucun autre ministère n’a supporté autant de coupes tout en étant aussi sollicité pour de nombreuses opérations. Cela n’est pas sans conséquences. Nos armées sont exsangues.

Elles attendent donc du Président et du gouvernement non seulement qu’il n’y ait plus de réductions budgétaires mais aussi que s’inverse enfin et dès maintenant la pente uniformément décroissante de notre effort de Défense. Le taux de 2% du PIB (hors pensions) en 2025 (3 ans après la fin du mandat présidentiel actuel !) annoncé par le Président et rappelé par le Premier ministre n’est qu’une étape que des évènements dramatiques à venir pourraient précipiter.

Comparaisons

Le 14 juillet, quand il accueillera le président Trump pour la cérémonie du 14 juillet marquant le 100e anniversaire de l’arrivée des troupes américaines en France, monsieur Macron devra se rappeler que chaque Américain dépense 2,5 fois plus que chaque Français pour sa défense et que le budget militaire américain est 20 fois celui de la France, c’est-à-dire que le budget de nos armées représente 5% de celui des Etats-Unis.

Alternative

Dans les mois qui viennent, soit la réserve, les gels, et autres « surgels » sont annulés, un collectif finance les surcoûts des opérations et le budget 2017 est maintenu intégralement comme le demandent formellement les chefs d’état-major, soit les paroles et les gestes du chef des Armées ne sont que de la communication et du théâtre. Dans ce cas, il ne restera plus aux armées, une nouvelle fois trompées et sacrifiées au nom de la répartition des efforts entre les ministères, que de réduire de moitié les moyens engagés dans les opérations en cours : nombre d’avions déployés au Moyen-Orient dans le cadre de l’opération Chammal, effectifs de Barkhane et de Sentinelle. Elles ne feront alors qu’appliquer le principe de base enseigné dans toutes les écoles militaires : « il n’y a pire indiscipline que de donner un ordre inexécutable ».

C’est pourquoi l’ASAF souhaite que le Président s’engage personnellement et fortement afin que le ministère des Armées dispose de l’intégralité des ressources financières prévues cette année pour permettre dès 2018 une remontée budgétaire de 2 milliards à partir d’un budget 2017 strictement préservé.

Dès maintenant, l’ASAF propose aux Français, conscients des risques qui pèsent sur notre armée, de la rejoindre pour exprimer avec plus de force et de détermination, le soutien à nos soldats trop souvent oubliés.

La Rédaction, www.asafrance.fr

14 commentaires sur Armée française : des paroles aux actes, un choix crucial

  1. A Michel Chailloleau… »cela est une preuve de plus que 1°)il ne faut pas élire n’importe qui sans programme précis « …vous parlez d’or , mais pour ce faire il conviendrait d’abord que les nombreux réfractaires au bulletin de vote retrouvent le chemin des urnes pour y exercer leur devoir d’électeur(ice)s.
    Votre suggestion est cependant tout à fait louable et pourrait se décliner de la façon suivante :
    Chaque candidat devrait présenter une liste de candidats députés collégialement associés à un projet précis de « gouvernance » du pays pour les 5 ans à venir. Un seul vote pour ne pas créer de confusion et en même temps nous aurions dans un même package : le Président, sa majorité et le programme. Quant aux Sénateurs on pourrait procéder de même ,mais en partant de l’élection des « grands électeurs » qui devraient eux aussi mettre sur leur liste les candidats sénateurs qui collégialement seraient associés à un programme précis de développement des territoires qui s’appuierait sur le programme gouvernemental voté auparavant. De quoi rêver !!!!!

  2. Michel Chailloleau // 23 juillet 2017 à 10 h 18 min //

    Il est urgent de dire que le Président est le chef du double langage: le candidat augmente le budget de l’Armée, l’élu le diminue mais ensuite, s’apercevant que cela est mal perçu par l’Armée et une majorité de Français, il l’augmente!!!! Que faut il croire? cela est une preuve de plus que 1°)il ne faut pas élire n’importe qui sans programme précis, 2°) il est grand temps de se ressaisir sans attendre la fin du mandat de 5 ans. Le Gaullisme est le droit de dire NON quand cela s’impose pour le bien de la France et non pas de négocier n’importe quel accord minable.

  3. Edmond Romano // 22 juillet 2017 à 9 h 09 min //

    Dans toute cette affaire, il convient de distinguer deux choses la forme et le fond.
    Commençons par le fond qui somme toute et beaucoup plus important que la forme qui n’est, elle-même, que la partie médiatique donc visible de l’iceberg.
    Après avoir promis une augmentation progressive du budget de la Défense pour atteindre 2% du PIB, le Président de la République décide de demander des économies se chiffrant à 850 millions d’euros.
    Bien sûr, nous opposants, crions à la trahison des engagements de campagne. C’est de bonne guerre. Mais, si facile que cela soit, nous devons tenir compte de tous les facteurs y compris du rapport de la Cour des Comptes qui juge dans un de ces paragraphes que des économies sont possibles si l’Armée gère mieux son budget. Nous ne pouvons pas quand cela nous arrange prendre en compte ce rapport et lui dénier toute valeur quand ses arguments vont à l’encontre de nos arguments.
    Nous savons tous que la réalité s’impose parfois. La Cour des Comptes a déclaré que le dernier budget de la Nation établi par le Gouvernement de monsieur Hollande était insincère. Les comptes réels ne sont donc pas les comptes présentés. Il faut donc un ajustement des dépenses. Monsieur Macron pouvait-il ignorer cela pendant sa campagne ? Je ne me prononcerai pas sur ce point, ici.
    Des économies sont possibles nous dit-on sur le budget des Armées. Je m’en tiens à l’expertise qui a été faite dans le rapport cité. Je n’ai aucun moyen de savoir si c’est vrai ou pas.
    Pour les engagements de monsieur Macron et avant de dénoncer ses renoncements dans cette affaire comme d’en d’autres, j’attends de voir le premier budget de plein exercice que son Gouvernement présentera au Parlement. Je lui fais crédit pour le moment de devoir réparer les erreurs de son prédécesseur.

    En ce qui concerne la forme. Beaucoup s’émeuvent du recadrage public du CEMA arguant du fait que celui-ci, entendu par la Commission de la Défense, ne pouvait que dire la vérité. C’est un fait. Toutefois, il était entendu pour donner l’état de la situation actuelle des Armées et non pour dire si la demande d’économies était fondée ou non. Peu importe le langage employé (nous ne sommes pas des oies blanches) ce que je constate c’est qu’interrogé sur cette réduction budgétaire, il aurait dû demander à la Commission d’interroger sur ce fait le Ministre des Armées. Un militaire même CEMA n’a pas à prendre position face à une décision prise par le Pouvoir en place, démocratiquement élu par le Peuple français. Mettre sa démission dans la balance était une erreur encore plus grande. S’il jugeait ne plus pouvoir assurer sa mission, il aurait dû donner immédiatement sa démission (ce qui aurait eu plus de panache et un retentissement plus grand) et non pas tergiverser.

    Qu’a dit Emmanuel Macron ? Il a rappelé qu’en sa qualité de Président de la République (démocratiquement élu, même si ça ne nous convient pas), il était le Chef des Armées. Ce qui veut dire que depuis l’homme de troupe jusqu’au CEMA, tous les militaires sont sous son autorité. A-t-il commis une faute en le rappelant ? Non. Devait-il prendre plus de précautions ? Je ne le pense pas.
    En s’exprimant comme il l’a fait devant la Commission de la Défense, le Général de Villiers savait très bien que ses propos seraient rendus publics (à moins qu’il ne soit un grand naïf ce que son intelligence m’interdit de penser), la réponse publique était donc, à mon sens, justifiée.

  4. «Le général de Villiers devant la commission de la Défense de l’Assemblée n’a fait que dire la vérité. Les moyens ne sont plus en adéquation avec les missions. Il était en conformité avec sa fonction.
    En revanche le président a outrepassé ses droits. Sans le vouloir, espérons-le, il a trahi sa mission suprême en donnant raison à des comptables totalement ignares s’agissant des questions régaliennes de sécurité nationale ou trop investis dans l’internationalisme bruxellois.»

    https://www.volontaires-france.fr/single-post/2017/07/20/Libre-opinion-du-G%C3%A9n%C3%A9ral-2s-Henri-ROURE-Mr-Macron-ne-connait-pas-son-m%C3%A9tier

  5. Le « chérubin du Palais » a rappelé aux militaires qu’il faut  » fermer sa gueule » et obéir au chef les yeux fermés. « C’estmoilechef » qui du métier militaire n’a qu’une vague inspiration littéraire ferait bien à son tour, en tant que CHEF des armées de s’appliquer à lui même ce qui fait la force des Armées.

  6. Edmond Romano // 19 juillet 2017 à 13 h 08 min //

    Je pense que le général de Villiers a tiré les conséquences qui s’imposaient de ses divergences avec le Président de la République. Il avait, déjà, fait sous le précédent quinquennat un chantage à la démission qui avait tourné en sa faveur. Cette fois, cela n’a pas marché. Maintenant, surveillons l’avenir.

  7. Vous avez raison Edmond. Dans cette affaire, il y a la forme et le fond.
    Nous ne sommes pas en accord avec Macron sur ce point. Il faut le dire, contester sa décision, mais au niveau politique. C’est le fond.
    La forme concerne directement le général de Villiers. Il ne lui appartient pas de « faire de la politique ». Ce n’est pas son rôle.

  8. Michel Chailloleau // 19 juillet 2017 à 9 h 49 min //

    Le général de Villiers contrairement au Président a une seule parole. Il s’était élevé contre la diminution du budget de l’Armée en indiquant qu’il démissionnerait si cela n’était pas revu, il vient de démissionner. C’est un homme fidèle à sa parole contrairement à nos gouvernants actuels. Soyons fier de lui.

  9. Edmond Romano // 18 juillet 2017 à 15 h 51 min //

    Boudi, je suis d’accord avec vous sur le fait que réduire le Budget de la Défense est une erreur. En ce qui concerne les déclarations du CEMA, il me semble qu’elles ont été aussi déplacées que contraire au règlement militaire.
    Nous avons tous, ici, déploré le quinquennat de François Hollande et son manque de stature vis-à-vis de la fonction qui était la sienne. Emmanuel Macron n’a fait que rappeler un principe constitutionnel à savoir que le Président de la République est le Chef des Forces Armées. Cette évidence a été voulue par le Général de Gaulle lors de la fondation de la Vème République. Si l’on peut déplorer l’élection de monsieur Macron, combattre son programme (s’il en a un ce qui reste à prouver) on ne peut pas remettre en cause les attributs de sa fonction à moins de vouloir changer les Institutions.
    Mes divergences politiques avec la majorité actuelle sont assez nombreuses pour que je n’attaque pas le Président de la République quand il rappelle un fait certain.
    Une autre question: quelle aurait été la réaction du Général de Villiers si un de ces subordonnés avait remis en cause son autorité?

  10. Michel Chailloleau // 18 juillet 2017 à 11 h 17 min //

    Dans tous les domaines, cet homme n’a aucune parole: le budget de la Défense, la fiscalité des territoires, etc… Mais pendant la campagne, ceux qui dénonçaient cela (j’en faisait partie), s’entendaient répliquer qu’ils avaient tort….. On voit le résultat. Et maintenant il s’attaque à la France avec ses déclarations au sujet de la responsabilité du pays dans l’arrestation du Vel d’Hiv. Il ferait mieux de réapprendre son histoire. peut être n’a t’il pas entendu parler de la Résistance?? c’est vrai qu’il préférait ses relations avec sa prof d’histoire…..

  11. Qui va défendre que relier le Budget des Armées au PIB ,par essence fluctuant et incertain, est une escroquerie intellectuelle qui convient totalement aux politicards? Les Industries de l’Armement font-elles leurs prix de vente des matériels militaires en fonction du PIB ? NON ! Alors qui va faire cesser cette manipulation mentale de relier le Budget de la Défense au PIB ?

  12. Bachèlerie // 15 juillet 2017 à 18 h 58 min //

    Macron le jupiter de la Com, aura du mal à cacher longtemps sa soumission au medef et aux marchés financiers. Macron sacrifie sur l’autel de l’austérité à la demande du gouvernement allemand et de bruxelles notre avenir, celui de la défense, de la sécurité et notre modèle social.
    pour le plus grand bénéfice des actionnaires et des 1% les plus riches, il va pouvoir baisser leurs impôts et augmenter ceux du reste de la population.
    Mais paraît il, Macron est moderne. Une modernité très orléaniste, trés XIX)siècle.

  13. Lors de la réunion de la Commission de la Défense nationale le 12 juillet dernier, le Chef d’Etat-Major des Armées a exprimé sa colère en prononçant une phrase largement reprise par les médias. Rappelons que les membres des diverses commissions organisées au sein de l’Assemblée nationale sont tenus à la plus grande discrétion. Nous pouvons constater une fois de plus qu’il n’en est rien.
    Nous pouvons toutefois comprendre et justifier la réaction du Général de VILLIERS:
    850 millions d’euros à imputer au budget de la Défense sur l’année 2017 pour une enveloppe initiale de 32,7 milliards.
    Certes, le Président prévoit de créditer la Défense d’un budget de 34,2 milliards en 2018, soit une augmentation de 1,5 milliard (réduite, si je sais bien compter) des 850 millions pré-cités).
    Cela étant, n’aurait-il pas été judicieux d’informer en tête-à-tête, au préalable, le chef militaire de nos armées des intentions du ministre du budget ?
    Un minimum de respect et de considération serait pour le moins attendu.
    En outre, les réflexions sévères prononcées par le Président la veille du Défilé sont extrêmement maladroites et mal vécues non seulement par le C.E.M.A mais par l’ensemble de la communauté militaire. Cette « blessure morale » sera difficilement cicatrisable.

  14. Cet homme n a aucune parole il peut dire certaines choses un jour et le contraire le lendemain, il gouverne à vue !

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